Avec son récent passage télévisé, le chef du mouvement d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, a donné le coup d'envoi pour la campagne électorale présidentielle de 2019 ; plus de 48 heures après la diffusion de l'interview, on ne parle plus que de cette affaire entre ceux qui se sont traînés dans une excitation sans nom en lançant, déjà, le slogan ‘‘Youssef Chahed président en 2019'' et ceux qui préfèrent y voir une sorte de plan commun entre les deux cheikhs en faveur de Caïd Essebsi junior. Afin de rectifier le tir, la présidence de la République a chargé sa porte-parole, Saïda Garrach, de prendre la parole publiquement et de clarifier la situation. Invitée à la radio Shems FM, l'intéressée a indiqué que le président de la République, Béji Caïd Essebsi, n'était pas au courant du contenu de l'interview de Rached Ghannouchi. Expliquant que le contexte est totalement différent entre 2013 (lorsque Mehdi Jomaâ avait accédé au palais de la Kasbah à l'issue du Dialogue national) et 2016 (et l'ascension de Youssef Chahed au même poste à l'issue des négociations de Carthage), Saïda Garrach a assuré que le président de la République ne pouvait pas bénir ‘‘une décision anticonstitutionnelle''. Dans le même cadre, la porte-parole de la présidence de la République a indiqué que les déclarations du chef d'Ennahdha ne le représentent que lui-même en sa personne et en sa qualité. Et d'ajouter que c'est le président qui a désigné Youssef Chahed au poste de chef du gouvernement et que sa réussite signifie la réussite de la présidence de la République. Des déclarations qui viennent mettre un terme aux analyses qui ont conclu à une sorte d'accord entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi. Des déclarations qui viennent, aussi, prolonger la polémique et nous éloigner, encore une fois, d'autres propos qui ont été formulés la semaine dernière et qui devraient continuer d'attirer tous les regards. Même s'il s'était rétracté quelques jours après, Fadhel Abdelkefi, ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale et ministre des Finances par intérim, avait tenu des propos très alarmants sur la situation de l'économie nationale : lors d'une plénière à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) il avait clairement avoué que l'Etat tunisien est dirigé telle une épicerie ; le relevé du compte courant de l'Etat est vérifié tous les matins à 7 heures (chose qui n'est pas arrivée depuis l'Indépendance toujours selon l'intéressé) et sans les quelques prêts que son équipe et lui ramènent avec dans des conditions assez bonnes, l'Etat aurait même du mal à payer ses fonctionnaires. Au lieu de s'alarmer sur le contenu même de ce discours, la majorité ont préféré focaliser sur le contexte dans lequel est survenu ce même discours à savoir une querelle entre le ministre et la députée du bloc démocratique, Samia Abbou. Alors qu'on s'attendait à ce que, à froid, on revienne sur ce qu'a dit Fadhel Abdelkefi et à ce que les concernés au niveau de l'équipe gouvernementale sortent nous donner des explications – et non pas qu'ils obligent le même ministre à revenir sur ses propos pour dire qu'ils ont été sortis de leur contexte – nous voilà aujourd'hui en train de traîner dans le même cercle vicieux ; qui nous gouvernera demain tout en oubliant que pour pouvoir poser une question pareille, il faudrait déjà penser à garantir qu'il y ait un vrai lendemain dans un pays où l'incertain est devenu un quotidien.