Le théâtre jeune de Nabeul a présenté, au festival international de Nabeul, sa dernière création « Mridh Bel Outout, le Malade imaginaire » une des comédies les plus célèbres de Molière, d'après un texte d'Ahmed Bouamoud et une mise en scène de Walid Ben Abdessalem. Un texte à la fois accessible, pédagogique et talentueux. Walid Abdessalem a revisité le Malade Imaginaire de façon très farcesque, quelque chose de populaire qui rappelle le boulevard .Le public a pu redécouvrir les personnages de la pièce de Molière. Une version dépoussiérée et très moderne. « Remettre un classique au goût du jour est toujours une forme de défi, tout doit être crédible et bien sûr dans l'air du temps » remarque le metteur en scène qui a tenu à ce que la pièce soit une sorte de boulevard classique où se mélange l'aspect populaire du théâtre de boulevard, trait commun avec les farces de l'époque, tout en gardant le texte et la rigueur de ce grand classique. Les pièces de Molière, de part leur thème, se prêtent volontiers à ce rajeunissement et « le Malade Imaginaire » ne fait pas exception à la règle. La comédie retrace l'histoire d'un veuf qui s'est remarié avec une femme, qui lui prodigue des soins attentifs en attendant son héritage. Notre malade s'entoure de médecins qui redoublent d'efforts pour lui plaire et qu'il paie très généreusement pour leurs services. Il croit avoir trouvé l'ultime remède en mariant sa fille contre son gré à un médecin. « Mridh Bel Outout » n'est pas une farce mais le drame d'un homme seul, courageux face à ses angoisses notamment celle de la mort. Ahmed Bouamoud, l'auteur de la pièce, nous convie, avec Molière, à distinguer les vrais problèmes des fausses croyances par le rire. Au-delà de la médecine, c'est en effet la question des injustices que Molière ne cesse de dénoncer en révélant dans ses pièces les abus d'une société inégalitaire et patriarcale. L'hypocondrie est considérée comme un mal en plein essor donc avec « le malade imaginaire » nous sommes en plein dans le mal du siècle et quoi de mieux que d'en rire ? Tous les personnages portent également leurs propres « maladies » : que ce soit la rébellion d'une ado, le désir d'argent ou de pouvoir. Chacun porte en lui-même une sorte d efolie. Cette comédie à la nabeulienne n'a pas manqué d'amuser les spectateurs donnant lieu à des scènes cocasses parfois osées et à des situations loufoques par lesquelles les acteurs Ahmed Bouamoud, Iheb Abouda, Amel Benamou, Atef Jaafar, Oumaima Trabelsi, Yasser Ben Gabssia, Mohamed Baccouche, Fares Saadi et Saïd Bouaouina ont pu réjouir les spectateurs de leurs impayables niaiseries et parfois les surprendre par des réflexions spontanées mais saisissantes car profondes et lucides. Bouamoud comme d'habitude excella par son humour, ses improvisations, ses mimes et dans son art de communiquer avec le public. Le metteur en scène a fait confiance à des jeunes comédiens qui n'ont pas démérité. Au-delà de la question de la médecine, c'est la question des faux-semblants qui masquent toutes sortes d'injustices que Molière ne cesse de dénoncer dans ses pièces, à commencer par le mariage forcé. Un père force sa fille à un mariage qui sert plutôt ses propres intérêts et ses lubies. Ahmed Bouamoud attaque et dénonce, tout en finesse et en humour, toutes les postures de circonstance et les abus d'une société inégalitaire et patriarcale. La mise en scène inventive qui arrive à joindre le XVIIeme et le XXIème siècle. Elle est efficace, osée, très osée même dans certaines situations qui montre un réel parti-pris, mais surtout toujours juste. Les comédiens campent des personnages très travaillés, avec un réel engagement corporel. Ils sont drôles, touchants et percutants. Une satire sociale, à la fois comique et profonde qui se veut un diagnostic de notre société, des comportements un peu bizarres des gens et de leurs conduites irréfléchies. Cette comédie est l'image fidèle de ce qui se passe dans un grand nombre de familles. Bref, ce nouveau spectacle du Théâtre jeune de Nabeul dont la régie est assurée par Slim Mansour fait voyager le spectateur entre l'humour noir et l'humour bon enfant, la grâce et la disgrâce. Un spectacle simple et captif à ne pas rater