Transport ferroviaire du phosphate : montée en charge progressive jusqu'à 340 wagons d'ici juillet 2025    L'entrée sud de Tunis : les détails de la dernière étape avant la mise en service des cinq axes    Bourse de Tunis : Le Tunindex en légère hausse    Tensions explosives entre l'Inde et le Pakistan : frappes meurtrières, riposte en préparation    Inflation, grève des taxis, affaire de complot 2… Les 5 infos de la journée    Affaire "Complot contre la sûreté de l'Etat 2" : Le tribunal reporte l'audience et rejette les demandes de libération    Tunisie : Sauver le quartier consulaire, un enjeu économique autant que culturel    QNB soutient les hôpitaux « Aziza Othmana » et « Béchir Hamza »    Kasbah - Réductions sur les billets de transport et simplification des services pour les Tunisiens de l'étranger    Le gouvernement irakien décide de faire don de cinquante mille tonnes de blé à la Tunisie    Décès de Fathi Ennaïfar : l'ingénieur polytechnicien, le poète, et le soufi    Zina Jeballah : « Le Parlement est visé car il incarne la réussite du président Saïed » (Vidéo)    Tunisie – Amélioration du taux de remplissage des barrages à Zaghouan    Mustapha Djemali et Abderrazak Krimi, un an de prison : Amnesty tire la sonnette d'alarme    Diaspora tunisienne : Transferts de 120 dollars par mois, bien en dessous des 200 dollars de la moyenne mondiale    Port-Soudan sous les drones : L'aéroport et des sites stratégiques frappés pour le troisième jour consécutif    Enseignement supérieur : deux nouvelles institutions en préparation à Médenine    Orange Tunisie inaugure un nouveau Data Center à Sousse pour répondre aux enjeux numériques de demain (Vidéo)    Allemagne : Merz devait mener le combat contre Trump, il chute au Parlement, très mauvais pour le pays et l'UE    Drame à Menzel Bouzelfa : Un élève met le feu à son lycée    Josef Renggli salue l'engagement de Roche et renforce les liens de la Suisse avec la Tunisie    Festival « Thysdrus » : El Jem célèbre les romains ce week-end    Migration : la Tunisie réaffirme son refus d'être un pays de transit    Grand Tunis : grève générale des chauffeurs de taxi individuel le 19 mai    26 personnes, dont 3 femmes, arrêtées après des saisies de cocaïne et de cannabis    Masters 1000 de Rome : Ons Jabeur espère rééditer son exploit de 2022    Natation : la Tunisie accueille le 8e Open Masters avec 18 pays représentés    Tunisie–BAD : L'ARP examine un crédit de 80 millions d'euros pour la modernisation du réseau routier    Complot contre la sûreté de l'Etat 2 : début du procès de figures politiques tunisiennes    Le Prince Harry privé de protection policière lors de ses séjours au Royaume-Uni    Par Habib Ben Salha : La Bsissa prend la route de l'UNESCO    ES Sahel : soutien à Ben Amor après une violente agression à Sousse    Youssef Mimouni condamné à deux ans de prison    Retailleau durcit les conditions d'accès à la nationalité française    Crise des médias : 82 % des Tunisiens pointent du doigt les chroniqueurs    Météo : Averses isolées au nord et au centre et températures maximales entre 21 et 38 degrés    Sami Mokadem : la 39e édition de la Foire du livre était un échec !    Recevant la cheffe du Gouvernement : Le Chef de l'Etat insiste sur un projet de loi de finances à vocation sociale    Volley-Coupe de Tunisie: L'Espérance ST rejoint l'Etoile du Sahel en finale    L'EST remporte le classico : Ces petits détails....    En pleine crise de paranoïa, les fans de Saïed l'exhortent à bouder les sommets en Irak    Homo Deus au pays d'Homo Sapiens    Affluence record à la Foire du livre 2025, mais le pouvoir d'achat freine les ventes [vidéo]    Classement WTA : Ons Jabeur chute à la 36e place après son élimination à Madrid    Syrie : Après L'Exclusion De Soulef Fawakherji, Mazen Al Natour Ecarté Du Syndicat    Trump annonce des droits de douane de 100 % sur les films étrangers pour "sauver" Hollywood    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Zabor ou Les Psaumes, le nouveau roman de Kamel Daoud: Ecrire contre la mort... du ciel
Publié dans Le Temps le 27 - 08 - 2017

«Ecrire est la seule ruse efficace contre la mort. Les gens ont essayé la prière, les médicaments, la magie, les versets en boucle, mais je suis peut-être le seul à avoir trouvé la solution : écrire.»
C'est avec cette fracassante attaque que l'écrivain Kamel Daoud lance son deuxième roman, Zabor ou les psaumes, signant ainsi la rentrée littéraire pour cet auteur qui s'est fait rapidement un nom dans le paysage intellectuel avec une reconnaissance internationale. Sorti aujourd'hui aux éditions Barzakh, le nouveau texte de K. D. est un défi lancé à la fatalité, à la fin de l'histoire.
L'écriture débordante de folie, remplie du génie créateur, d'imaginaire fécond contre le sacré absolu et définitif. Le nouveau roman de l'auteur de Meursault, contre-enquête est une ode à la vie, un hymne à la joie, une invitation à la jouissance. Une déclaration contre la mort promise par les cieux. «Quand j'écris, la mort recule de quelques mètres», proclame Zabor, le personnage central du roman, dont le théâtre est l'austère village Aboukir, coincé entre un désert rampant et une misère pressante.
Orphelin d'une mère répudiée, vivant avec sa tante Hadjer, un père mourant et un demi-frère dont il est accusé de vouloir le tuer, Zabor est à l'opposé de tous les habitants du village livrés au destin funeste écrit quelque part et contre leur volonté. Il est habité par le pouvoir de repousser la mort, de contrer la fin. Il se découvre le don magique de l'écriture en mesure de vaincre la mort, de prolonger la vie du peuple d'Aboukir.
Il est dans une permanente course contre la mort. Cesser d'écrire, c'est se rendre coupable d'un décès, d'une mort certaine, d'un membre de la communauté. Absurde ! Par l'écriture, Zabor dispute au Dieu son pouvoir. Il est le Dieu de la vie contre le Dieu de la mort. Subversif ? Une désobéissance à Dieu ? Sans nul doute. Mais n'est-ce pas la vocation d'un roman, le rôle du romancier, le sens même de la littérature ?
Puisé dans les méthodologies anciennes, des textes sacrés et des livres saints pour en faire le substrat d'un roman qui raconte un temps «moderne» au bord du précipice. Le naufrage humain. Mais aussi pour désacraliser le message divin, le réinterpréter, le malmener, le ramener à la cruelle réalité. Déterrant les livres sacrés, dépoussiérer les contes des Mille et Une Nuits pour accoucher d'un nouveau livre à mi-chemin entre la fable et la confession. Si Shéhérazade conte pour sauver sa propre vie, Zabor est investi d'une mission d'écriture pour sauver la vie des autres. Enfermé chez lui dans une quête ou conquête solitaire pour gagner le temps, à noircir des cahiers remplis de fictions, usant d'une langue étrangère, dont seul lui connaît le secret, les contours et les règles. Une langue libératrice. Zabor ou les psaumes est une puissante croyance à la vie.
Un attachement viscéral à l'éternité. Une célébration de la liberté. Un conte passionnant Une réappropriation des livres sacrés et des contes anciens qui ont longtemps structuré puis formaté l'imaginaire du monde musulman, notamment pour en faire un acte d'émancipation, de liberté et de subversion. Le lecteur va sans doute voir dans ce roman un texte qui renvoie implicitement à la vie de l'auteur, au parcours personnel de Kamel Daoud. Car il y a manifestement de l'autobiographie.
D'abord, par l'histoire de sa famille, de ses proches, de son père qui lui a fait découvrir l'amour des livres. Mais également sa propre histoire, brusquement propulsée au-devant de la scène littéraire mondiale, avec ce que cela procure comme jouissance personnelle liée au succès qui permet de s'adresser à un lectorat aussi large que divers. Il parle aux sociétés d'aujourd'hui malgré les différences linguistiques, culturelles, historiques et confessionnelles.
Mais aussi avec son lot d'accusations, de soupçons et d'attaques violentes. Meursault contre-enquête a déclenché un concert de louanges, mais aussi un violent torrent d'accusations, à la traîtrise d'être à la solde «d'ennemis qui complotent contre nous», «un vendu». Parvenue tout simplement, la reconnaissance est venue d'ailleurs. Nul n'est prophète en son pays, mais personne n'est maître chez les autres. Coincé entre la célébration des uns et la guillotine des autres, Kamel Daoud, sans rien demander à personne, cherche simplement à choisir librement son existence. Sans prendre le droit à personne, il s'acharne à vivre sa propre vie. A tracer son propre sillon. Contrairement à ses ancêtres, il veut laisser des traces.
Poser des mots sur les maux qui bloquent nos sociétés, qui enferment les peuples dans des frontières hostiles les unes envers les autres. Il ne veut surtout rien céder sur sa liberté, dès lors qu'elle n'empiète pas sur celle des autres. Kamel Daoud, dans ses chroniques comme dans ses romans, ne se laisse pas imposer à lui une vie, une histoire, une culture, une religion importées d'ailleurs.
Et c'est pour cette raison qu'il est un écrivain qui dérange, un chroniqueur qui secoue des certitudes définitives. Son second roman, Zabor ou les psaumes, est une nouvelle liberté conquise, une mobilisation qui repousse les frontières de l'interdit, un acte d'insoumission contre les codes sociaux, religieux en vigueur. Certains diront «li men taqra zabourek ya Daoud ?» (à qui raconte-tu tes histoires David ?).
D'abord pour lui-même, pour exercer son droit à la liberté que lui procure l'écriture. Puis à ceux qui aiment la littérature, nécessaire à nourrir le cerveau pour mieux le fertiliser. Et, enfin, pour ceux qui aiment ou n'aiment pas les textes de Kamel Daoud. A la fois, pour les partisans comme pour les adversaires. Car le nouveau Zabor de Daoud, superbement bien écrit, ne manquera pas de susciter des débats, de raviver les polémiques, de renforcer les clivages dans les milieux intellectuels et politiques. Daoud est désormais un écrivain qui divise parce qu'il sort des sentiers battus d'une littérature nationalo-conformiste.
Et c'est tant mieux. Il est un auteur à contre-courant. Une renaissance de la littérature. Si le premier mot de la révélation prononcé était d'«intimer» l'ordre de lire, les écrivains s'imposent volontairement l'ordre d'écrire. Ecrire et décrire la condition humaine, penser sa société parfois contre elle-même, parce que c'est la vocation de la littérature. Elle n'a pas à encenser, mais à scruter vigoureusement, à lever le voile sur ses territoires sombres pour mieux éclairer, à bousculer les codes et les ordres. A cet exercice, Kamel Daoud s'applique merveilleusement bien. Daoud, nombreux ceux qui liront ton Zabor....


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.