La date du 9 octobre correspondant à celle de la mort à Tunis d'Aboul Kacem Chebbi, en 1934, revient chaque année pour nous rappeler du « destin tragique de Chebbi », comme titrait feu Mahmoud Aslan dans : « La Presse de Tunisie », en 1967. L'œuvre essentiellement poétique d'Aboul Kacem Chebbi a traversé les frontières de la Tunisie pour gagner celles du monde arabe et celles du monde en général pour être enseignée dans les écoles et traduite en plusieurs langues. Mais, malheureusement, cela n'a pas été le cas de son vivant. Car et comme dit l'adage « Nul n'est prophète en son pays. » Et dans ce même ordre d'idées, Aboul Kacem Chebbi en a souffert énormément. Cela s'est traduit à travers son poème : « Le prophète inconnu. » Notre poète exprimait à travers sa poésie non seulement l'état dans lequel se débattait la Tunisie à l'époque coloniale des années vingt et trente, mais racontait à ceux qui voulaient le lire ses états d'âme avec un style subtil et émouvant et des mots qui sortaient pleinement de son cœur. Ce cœur qui l'a trahi et qui ne pouvait plus résister aux maux et aux douleurs. Notre poète est parti à vingt-cinq ans et quelques mois. Il était né le 24 février 1909 à Tozeur. Un court et douloureux chemin qui ne lui avait pas permis de recueillir la reconnaissance et l'estime de ses pairs, mis à part ses quelques proches amis, comme : Mohamed Bachrouch, Mohamed Salah Mhidi, Mohamed Halioui et Hédi Lâabidi, pour ne citer que ces écrivains, poètes et historiens. Les détracteurs qui s'élevaient contre ses idées révolutionnaires à l'époque le guettaient en Tunisie et au Moyen Orient. Le cœur du poète Si bien qu'après avoir donné en 1929 à la Khaldounia sa célèbre conférence : « L'imaginaire poétique chez les arabes » où il avait critiqué la production poétique arabe ancienne et qui avait provoqué un tollé général, il voulut donner en 1930 une nouvelle conférence qui avait été boycottée. Ses déceptions ne se comptaient plus. Son corps fragile et son cœur malade n'avaient pu résister à ce choc. Parti très tôt, il n'avait pas pu publier son recueil « Les chants de la vie » qui contient ses meilleurs poèmes, à l'instar de « Iradetou al hayet », « Ila toughat al alam », « Assabahou al jadid », « Salaouetoun fi heikeli al hob », « Nachidou al jabbar »...Ces poèmes ont été mis en musique par des compositeurs tunisiens et du Machrek. La date du 9 octobre est un mauvais et honteux souvenir pour les générations et pour les élites de l'époque pour avoir maudit un poète nommé Aboul Kacem Chebbi et qui demeure l'icône de la poésie tunisienne. D'autres poètes aussi talentueux, comme Mnaouar Smadah, Mustapha Khraief et plus récemment Mohamed Sghaier Ouled Ahmed ont brillé par leur création classique et moderne et se font fait connaître en Orient et en Occident, mais n'ont pu atteindre la notoriété d'Aboul Kacem Chebbi. Un météore est passé.