L'Ordre des ingénieurs tunisiens(OIT) a annoncé, hier, le maintien de son appel à la grève pour les 24 et 25 janvier 2018, en signe de protestation contre «la détérioration de la situation matérielle des ingénieurs» et l'augmentation du chômage chez les diplômés dans cette spécialité. «Nous avons décidé de maintenir le mot d'ordre de grève lancé par Conseil national extraordinaire de l'Ordre tenu le 21 novembre pour protester contre l'atermoiement des autorités de tutelle dans la satisfaction des revendications de la profession », a souligné le président de l'OIT, Oussama Kheriji. «Des promesses que nous avons reçues lors de notre rencontre avec le président du gouvernement tenue le 7 décembre dernier, rien ne s'est concrétisé », a-t-il ajouté, indiquant que «la grève pourrait être annulée ou reportée si nous constaterons des avancées dans l'évolution du dossier de la situation morale et matérielle des ingénieurs». M. Khériji rappelle que le Conseil de l'Ordre a décidé de suspendre des rassemblements de protestation qui étaient prévues le 14 décembre dans les régions sur la base de ces promesses. Plusieurs centaines d'ingénieurs avaient déjà organisé le13 novembre dernier un rassemblement de protestation devant l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour dénoncer la marginalisation de cette profession noble. Répondant à l'appel de l'Ordre des ingénieurs tunisiens et du Syndicat national des ingénieurs tunisiens (SNIT), les manifestants ont dénoncé la dégradation continue de la situation matérielle des ingénieurs qui est en dessous des catégories similaires de par leurs diplômes et leurs cursus universitaires comme les médecins de la santé publique et les magistrats. «L'ingénierie est pratiquement la seule profession qui n'a bénéficié d'aucune augmentation spécifique depuis 2011. Le niveau des salaires des ingénieurs est très en deçà de ceux des corporations comparables comme les médecins, les magistrats ou encore les enseignants du supérieurs», déplore le président de l'OIT. Le secrétaire général de l'OIT, Abdessatar Hosni, a, de son côté, fait remarquer qu'il est aujourd'hui inadmissible de constater qu'une bonne partie des ingénieurs continuent à percevoir des salaires de misère qui tournent autour de 400 dinars. Chômage et emplois précaires D'après le statistiques de l'Ordre, le salaire moyen d'un ingénieur ne dépasse pas les 1300 dinars dans le secteur public alors que le plus haut salaire tourne autour de 1800 dinars. Dans le secteur privé, le salaire moyen d'un ingénieur ayant moins de cinq ans d'expérience est de 860 dinars. Selon les mêmes données, les salaires des ingénieurs n'ont globalement augmenté que de moins de 5% par an depuis la révolution alors que des corporations comparables comme les médecins, les magistrats ou encore les enseignants du supérieur ont vu leurs honoraires augmenter d'environ 50% d'un seul coup. Les ingénieurs réclament dans ce cadre la participation des instances représentatives de la profession, en l'occurrence l'Ordre et le syndicat des ingénieurs tunisiens, aux négociations sociales ainsi que l'ouverture de perspectives de recrutement dans le secteur public et la généralisation de la prime d'ingénierie dans les secteurs public et privé. Ils revendiquent aussi une profonde révision du cadre légal et règlementaire régissant la profession et la formation dans le domaine de l'ingénierie ainsi que la définition de critères clairs en ce qui concerne l'avancement professionnel dans le secteur public. L'ordre des ingénieurs a, par ailleurs, fait savoir que le pays compte aujourd'hui plus de 10.000 ingénieurs qui occupent des emplois précaires en dehors de leur spécialité (employés dans des centres d'appel, ouvriers etc.) et quelque 4000 ingénieurs chômeurs. Il a également tiré la sonnette d'alarme récemment contre la fuite des cerveaux dont souffre la profession, révélant que plus de 2500 ingénieurs quittent, bon an mal an, le pays pour tenter leurs chances sous d'autres cieux plus rémunérateurs, notamment en Allemagne et en France.