Lors des événements de Kerkennah en avril 2016, l'ancien président du gouvernement, Habib Essid, avait directement accusé le Front populaire et le parti islamiste Etahrrir, d'avoir été derrière les événements de vandalisme survenus sur l'île. Ayant promis des suites judiciaires, Essid n'est cependant pas allé plus loin dans cette affaire. Moins de deux ans plus tard, le président du gouvernement actuel, Youssef Chahed, annonce, au cours d'une visite inopinée à la région d'Al Batan (là où les confrontations entre policiers et protestataires ont conduit à la mort d'un citoyen quarantenaire), que les mouvements de perturbation que connait le pays depuis le début de la semaine sont provoquées par les lobbies de corruption et les dirigeants du Front populaire. Pour lui, les politiciens qui sont derrière ces incidents sont des irresponsables qui ne prennent en compte que leurs propres intérêts. Il a rappelé que les députés du bloc parlementaire du Front populaire ont voté en faveur de l'article de la loi Finances 2018 relatif à l'augmentation de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Une déclaration impulsive, irresponsable et qui coûtera certainement cher à Chahed. En tout cas, c'est ce qu'en pense le député Mongi Rahoui qui, depuis les événements, a enchaîné les apparitions médiatiques cherchant à défendre les protestations et leur légitimité. De son côté, le porte parole du Front, Hamma Hammami, a indiqué qu'à cause de son large échec, Youssef Chahed tient désormais des propos irresponsables tentant, ainsi, de fuir, tant bien que mal, les réactions populaires face à cette loi de Finances. Il a expliqué que Youssef Chahed ne fait pas la différence entre les mouvements sociaux pacifiques soutenus par son parti et les actes de vandalisme éparpillés. De son côté, le mouvement d'Ennahdha – qui depuis le début des événements n'a cessé d'accuser, indirectement, le Front d'être derrière l'accélération des incidents – a profité du ‘franc parler' du président du gouvernement pour enfoncer encore plus la coalition de la Gauche. Ainsi, le secrétaire-général du mouvement islamiste, Zied Laâdhari, a rappelé, lors d'une déclaration radiophonique, que les députés du Front ont voté en faveur de l'augmentation de la TVA lors de la discussion du PLF 2018 à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Pour sa part, le chef d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, a estimé que tous ceux qui appellent les citoyens à descendre dans les rues pour faire tomber la LF 2018 contribuent, d'une façon ou d'une autre, au chaos et au vandalisme qui règnent actuellement sur une grande partie des villes tunisiennes durant la nuit. Mongi Rahoui, qui est aussi président de la Commission des finances au sein de l'ARP, avait attaqué, lors de la discussion du PLF 2018, tous ceux qui ont tenté, à l'époque, de faire avorter le projet de loi en question. Aujourd'hui, et une fois la loi adaptée, Rahoui semble avoir complètement changé de position et s'est, comme par magie, mis à attaquer le même texte. Ses collègues, au cours des mêmes discussions, n'ont pas été assez virulents et, à aucun moment, ils n'ont appelé leurs bases à protester contre le PLF. Ce changement d'attitude aujourd'hui démontre deux choses essentiellement : la première c'est que le Front n'a fait que rebondir sur les événements et qu'il ne contrôle absolument rien de tout de ce qui se passe et la seconde est que la coalition de la gauche a réellement besoin d'une vraie autocritique cette fois-ci.