Dans un pays qui se veut démocratique et ouvert à la liberté d'expression, le facteur le plus important est d'être à l'écoute de tous les avis et de s'en inspirer, et de s'adapter à la règlementation internationale, dans le domaine. Mais cela semble ne pas être le souci des pouvoirs publics qui veulent avoir la mainmise sur tous les secteurs pouvant causer des problèmes à son hégémonie, comme c'est le cas pour le projet du gouvernement sur l'audiovisuel, présenté par Mehdi Ben Gharbia qui, pourtant, un défenseur des droits à la liberté d'expression. Ce projet "porte atteinte à l'indépendance" de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) au plan financier et administratif en omettant de spécifier clairement le principe d'indépendance, a estimé le président de l'instance NouriLajmi. Intervenant lors de la deuxième séance de la rencontre-débat sur "le cadre juridique de l'instance de la communication audiovisuelle et la liberté d'information", organisée jeudi à l'académie parlementaire, Nouri a indiqué que le projet de loi présenté par le gouvernement "n'est pas en symbiose avec les règlements ce qui peut conduire à une problématique portant sur un antagonisme entre règlements. De son côté, Jean François Fornomant, expert au Conseil européen, a estimé que la garantie de l'indépendance de l'instance de la communication audiovisuelle "doit être dépendante de l'interprétation littérale de la constitution", affirmant qu'il "n'existe pas de démocratie sans le respect et la garantie de la liberté d'expression". "Il faut séparer le politique du technique dans la rédaction de la loi régissant l'instance de la communication audiovisuelle en dissociant les parties proposant les membres de l'instance et les parties désignant les membres", a-t-il précisé. Pour sa part, le représentant du ministère des Relations avec les instances constitutionnelles, de la société civile et les droits de l'homme a défendu le projet de loi, soulignant qu'il vise l'indépendance de l'instance et tend à garantir une bonne gestion des deniers publics. La représentante du syndicat associatif de l'information, Nozha Ben Mohamed, a suggéré que son syndicat soit représenté au sein de l'instance de l'audiovisuel, faisant valoir à cet égard que "la presse associative a un rôle efficient dans la presse nationale". Le secrétaire général du syndicat de l'information relevant de l'UGTT, Mohamed Saidi, a estimé que les organes de presse publique "restent tributaire du gouvernement", réaffirmant la nécessité que les nouvelles législations spécifient l'indépendance de ces organes "afin qu'ils ne soient plus sous tutelle des gouvernements successifs, notamment au plan financier". La rencontre qui a réuni des députés, des représentants des différents syndicats des médias ainsi que la partie initiatrice de ce projet, est organisée par l'Académie parlementaire en collaboration avec la Commission des droits, des libertés et des relations extérieures à l'assemblée des représentants du peuple. La rencontre s'est déroulée avec la participation d'experts du Conseil de l'Europe et de Tunisie ainsi que des organisations internationales œuvrant dans le secteur audio-visuel. Si le ministère des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l'homme, dirigé par Mehdi Ben Gharbia, a estimé que la divergence de vue avec les structures professionnelles porte sur des formalités, celles-ci ont considéré en revanche qu'elle est fondée sur "un désaccord profond". "Le ministère a mis au point un projet de loi selon son interprétation de la constitution et une lecture de l'évolution du paysage audio-visuel", a indiqué Ben Gharbia, affirmant que son département a opté pour séparer les dispositions communes des instances constitutionnelles des règlements de ces instances, dont l'instance de l'audio-visuel, "car la constitution a réservé aux instances constitutionnelles tout un chapitre".