C'est suivant le mode de scrutin que sont déterminés les rapports entre les partis et par là même les équilibres entre les pouvoirs dans les pays démocratiques. Certes c'est la Constitution qui définit les systèmes politiques, et la nature des relations entre les pouvoirs. Suivant que le régime est parlementaire ou présidentiel, il peut y avoir une collaboration entre eux avec le système « de frein et de contrepoids » comme l'a si bien décrit Montesquieu qui ajoute que les pouvoirs agissent de concert, ou d'une séparation stricte avec des prérogatives déterminées pour chacun d'entre eux. Toutefois c'est le mode de scrutin, qui permet de connaître la structure partisane qu'il génère, dans chaque pays, même quand il s'agit du même régime parlementaire ou présidentiel. Dans le cas de la Tunisie, le régime politique a été, à l'aube de la Révolution un régime d'assemblée dominé par la Constituante et selon lequel le parlement réunissait tous les pouvoirs, étant donné qu'elle était la seule institution élue directement par le peuple. Trois ans après fut adoptée la Constitution de 2014, qui préconise un régime hybride entre le présidentiel et le parlementaire. L'équilibre des pouvoirs se trouve affecté par les statuts et les missions des différents organes avec un déséquilibre notoire des rapports entre le président de la République, le chef du gouvernement et l'Assemblée des représentants du peuple, avec une prédominance du législatif sur l'exécutif. Quel mode de scrutin ? Le mode de scrutin préconisé est celui de la proportionnelle au plus fort reste, qui ne peut que donner l'occasion à des groupuscules de faible électorat et sans expérience politique, de siéger avec des intentions opportunistes, d'avoir des sièges au parlement. A titre d'exemple, s'il y a 13 sièges à pourvoir et que le, nombre de voix obtenu est de 230, le quotient électoral sera égal à : 230 : 13= 17,69 pour un siège. On convient d'éliminer les listes qui ont obtenu par exemple moins de 5% des voix. Cependant ce mode de scrutin a révélé plusieurs inconvénients lors des élections législatives de 2014. Cela a donné naissance à une ARP hétéroclite où aucun parti politique n'est parvenu à obtenir la majorité absolue. Deux partis politiques, Nidaa Tounes et Ennahdha, ont accaparé à eux deux 65,35% des suffrages exprimés, avec respectivement 86 et 69 sièges, c'est–à–dire, plus de 70% des sièges. Au fil du temps nombre de partis ont éclaté, ce qui a causé un déséquilibre au sein de l'ARP. et une instabilité ministérielle qui a ajouté à une situation de plus en plus fragile sur le plan politique, économique et sécuritaire. Selon une étude du professeur Rafaâ Ben Achour : « le système partisan tunisien s'oriente vers un système des deux partis et demi : Deux grandes formations qui se talonnent en tête suivies d'une moyenne formation, la Jabha. Après ce trio de tête, on obtient des résultats très modestes. Cette même tendance a continué à se confirmer même pour les sondages plus récents et ceux qui sans être publiés sont commandés en période électorale par les partis politiques. Ainsi, il est prévisible que les résultats des prochaines élections fassent accéder à la chambre des représentants du peuple une mosaïque de partis politiques dont n'émergera certainement pas un parti clairement majoritaire pouvant gouverner tout seul ». C'est donc le mode de scrutin qui est à revoir, ayant donné naissance comme le fait remarquer le professeur Raâ Ben Achour précité à « des structures partisanes fragiles sans véritable assise populaire incapables de dépasser l'état d'adolescence politique ». En effet les groupes parlementaires ne font que changer au gré des intérêts individuels, le parti de Nidaa Tounés, ayant connu des scissions en trois groupes. C'est une instabilité qui nuit à l'intérêt du pays. S'impose en conséquence, la nécessité d' un parti majoritaire solide, ce qui évite les tergiversations et les tiraillements pouvant mener le pays à la dérive. Le mode de scrutin le plus plausible est celui qui permette d'obtenir non pas une majorité écrasante, avec un parti majoritaire, mais en conciliant les systèmes de scrutin majoritaire avec celui de la proportionnelle. C'est ce que suggère le professeur Rafaâ Ben Achour en estimant que « La démocratie tunisienne est encore fragile pour qu'un seul parti dispose, à lui seul, d'une majorité écrasante, grâce à un scrutin uninominal à un tour comme au Royaume-Uni, ou à deux tours comme en France. Mais par ailleurs, il est indispensable de dégager une majorité stable et cohérente. Un système mixte16 pouvant concilier les deux exigences, comme en Italie, est à adopter. Les pays les plus attachés à la proportionnelle ont fini, face à l'instabilité gouvernementale chronique engendrée par cette méthode de votation, par tempérer la proportionnelle en la corrigeant par des doses variables de scrutin majoritaire, notamment uninominal ou par l'abandonner purement et simplement ». Il est donc opportun d'envisager une réforme du code électoral dans ce sens, qui permettra de sortir de la crise politique par laquelle passe le pays actuellement, et d'avoir un se stabilité ministérielle et un gouvernement pouvant compter sur une majorité solide et non des groupuscules qui ne font que se disputer des intérêts partisans, au détriment de l'intérêt général.