La réforme des régimes de sécurité sociale divise encore les partenaires sociaux. Les réunions de la commission de la protection sociale ont été suspendues jusqu'à nouvel ordre, tant les points de vue entre le Gouvernement, l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA) restent diamétralement opposés. La révision à la baisse du salaire de référence, qui impliquera, une réduction des pensions de retraites futures, constitue la principale pomme de discorde. Le projet de réforme élaboré par le gouvernement propose le calcul du salaire de référence sur la base de la moyenne des rémunérations des trois dernières années précédant le départ à la retraite à compter de janvier 2018 et de la moyenne des rémunérations des cinq dernières années à partir de janvier 2019. Cette proposition a été rejetée par l'UGTT et acceptée par l'UTICA. Au niveau de la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale (CNRPS), le salaire de référence est actuellement calculé sur la base de la dernière rémunération ayant fait l'objet de retenues. Au niveau de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), le salaire de référence est la moyenne des dix années précédant l'âge d'ouverture du droit à la retraite. L'autre importante pierre d'achoppement est la révision du rendement des annuités. Le gouvernement propose dans ce cadre un rendement des annuités de 2% pour l'ensemble des années de travail aussi bien dans le secteur public que dans le privé. Au niveau de la CNRPS, le rendement des annuités est actuellement de 2% pour les dix premières années, 3% pour les dix deuxièmes et 2% pour les années restantes. Au niveau de la CNSS, la pension de retraite est calculée selon un rendement des annuités comme suit : 4% pour les dix premières années et 2% pour le reste avec un plafond de 80% du salaire de référence. Les partenaires sociaux se sont par ailleurs mis d'accord sur plusieurs leviers d'action, dont le relèvement de l'âge du départ à la retraite, l'augmentation des cotisations, la diversification des sources de financement, l'amélioration de la gouvernance des caisses et l'élargissement du parapluie de la couverture sociale et la révision de la liste des métiers pénibles En ce qui concerne le relèvement de l'âge du départ à la retraite, le gouvernement avance le relèvement obligatoire de deux ans de l'âge du départ à la retraite à 62 ans et une augmentation de trois années supplémentaires pour les fonctionnaires qui le souhaitent. Pour ce qui est de l'augmentation des cotisations sociales, le projet élaboré par le gouvernement prévoit une hausse de 3% (1% pour les employés et 2% pour les employeurs) En matière de diversification des sources de financement des caisses, les partenaires sociaux se sont mis d'accord sur l'instauration des contributions sociales de solidarité, qui a été déjà intégrée dans la loi des finances 2018. La CNSS et la CNRPS ont enregistré un déficit abyssal de 1800 millions de dinars (MD) en 2017, selon les statistiques officielles du ministère des Affaires sociales Dans le détail, la CNRPS a achevé l'année écoulée avec un déficit de 1000 MD tandis que la CNSS a bouclé le même exercice avec un solde négatif de 800 MD. L'unique lueur dans la grisaille du système tunisien de sécurité sociale provient de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), dont les comptes étaient équilibrés. Cette caisse aurait même pu dégager un excédent si elle avait reçu la totalité des prélèvements effectués sur les salaires au titre de couverture santé. Or, une bonne partie de ces prélèvements a servi à verser les pensions de retraite. Le déficit des caisses sociales trouve essentiellement son origine dans les mutations démographiques et socio-économiques qu'a connues la Tunisie au cours des dernières décennies : vieillissement de la population, hausse de l'espérance de vie, propagation des emplois précaires, saturation du marché de l'emploi, multiplication des plans sociaux et des départs à la retraite anticipée. Le ratio moyen actifs/retraités pour les deux caisses sociales (nombre de salariés en exercice qui paient grâce à leurs cotisations les pensions de salariés partis à la retraite, NDLR) a, en effet, baissé à une vitesse vertigineuse. Au niveau de la CNRPS, ce ratio est passé de 7 actifs pour 1 retraité en 1991 à 2,4 actifs pour 1 retraité, actuellement. Et la moyenne actuelle pour les deux caisses est de 3,8 actifs pour 1 retraité.