A partir des témoignages de sa mère et sa grand-mère, Axelle Grégoire reconstitue un tableau d'ensemble de la Tunisie des années quarante aux années soixante. Un récit émouvant et des photos de famille donnent toutes ses textures à ce livre. Axelle Grégoire est née à Tunis et comme beaucoup de jeunes de son époque, elle quittera le pays de son enfance. Entre la nostalgie du pays natal et le postulat du souvenir, elle réalise avec "Notre enfance en Tunisie des années quarante aux années soixante", un livre profondément humain. Trois têtes, six mains, trois coeur C'est à partir des témoignages de sa mère et sa grand-mère qu'elle a envisagé ce récit si sobre et si vrai. Dans une belle image, l'auteure parle d'un récit à trois têtes, six mains et trois coeurs qu'elle développe pour ses lecteurs. Née dans la communauté juive de Tunis, Axelle Grégoire est aujourd'hui conseillère en communication après une solide formation littéraire. Ce récit est une manière pour elle d'entrer en résonance avec le passé et restituer les images d'une Tunisie qui s'est évanouie, évaporée. Le texte commence avec la défaite française de 1940 et ses implications sur la Tunisie qui n'allait pas tarder à voir les combats arriver sur son sol. Passée la parenthèse de la guerre, le pays allait de nouveau entrer dans la zone de turbulences qui le mènera à l'indépendance puis aux départs massifs des communautés considérées, à tort, comme exogènes. Sur cette toile historique de crises successives, ce sont les voix de trois femmes qui s'emboîtent ainsi que leurs photographies de famille qui viennent offrir quelques contrepoints aux mots tour à tour tendres et inquiets. Cette chronique d'un monde qui s'effondre est ainsi un témoignage sur une période historique désormais éloignée d'une soixantaine d'années. C'est aussi le condensé de vies, de moments choisis et de souvenirs diffus qui deviennent autant de madeleines. Un récit de vie entre postulat du souvenir et nostalgies de l'enfance L'ouvrage appartient clairement à la catégorie des récits de vie mais offre des perspectives sur l'histoire. Ce triple témoignage qui n'en fait qu'un raconte avec délicatesse et précision trois femmes fortes de leurs repères, confrontées aux déséquilibres de l'époque. A lire et à feuilleter avec nostalgie, ce livre est aussi un retour à la scène de nos enfances, sur des lieux imprégnés de souvenir et au plus près d'un quotidien révolu magnifié par la plume de l'auteure et les voix de ses deux médiatrices de mémoire. Paru en avril 2017, l'ouvrage a été édité chez Wartberg dans le cadre d'une collection qui prend de plus en plus d'élan et propose de retrouver des récits pluriels de différentes enfances en France et au Maghreb. Une lecture qui nous fait remonter à toute une généalogie d'écrivains dont Albert Memmi est la matrice grâce à "La Statue de Sel".