Il semblerait qu'être brillant, intègre et loyal soit un vrai handicap pour l'évolution normale d'une carrière professionnelle et une réelle menace pour l'intégrité physique et morale de la personne. Le dernier exemple en date ? Emna Zribi, ancienne chef de service de la pharmacie au CHU Habib Bourguiba de Sfax, nommée en 2015 et ayant demandé sa mutation il y a quelques jours. «Compte-tenu des événements vécus ces 3 dernières années et qui se sont aggravés ces derniers mois, ces 3 années durant lesquelles nous n'avons cessé de lutter et d'alerter sur les abus de tous genres et venant de différents intervenants, compte tenu de l'impunité totale qui m'empêchait de continuer l'exercice de mes fonctions de pharmacien chef de service, je me suis trouvée dans l'obligation de quitter le CHU Habib Bourguiba et de demander une mutation qui vient d'être acceptée par le ministère». C'est en ces termes qu'Emna Zribi a annoncé son départ. C'est en ces termes qu'elle a justifié sa décision mais ce qu'elle s'est abstenue de faire, c'est de mettre des noms sur ses détracteurs. Sa collègue Aïda Borgi s'y est pris à sa place dans une tribune dans laquelle elle rappelle que Emna Zribi a été major de sa promotion, a reçu un prix présidentiel en 2003 et qu›elle a été nommée chef de service grâce à ses très hautes compétences professionnelles. Continuant sur sa lancée, Aïda Borgi explique que dès sa nomination, sa collègue a mis en place un système de traçabilité et de transparence au niveau de la pharmacie interne et externe permettant ainsi de réaliser des économies de l'ordre de 30% sur le budget total alloué à la pharmacie qui était, jusque-là de 10 milliards en dinar. Mais cela n'a pas plu à tous, surtout qu'elle a dévoilé au grand jour les combines de ceux qui s'enrichissaient sur le dos de l'hôpital en revendant les médicaments destinés aux patients et déterré les cachettes qui servaient à stocker ce qui était volé à la pharmacie. En faisant correctement son travail et en voulant rétablir l'ordre, Emna Zribi s'est attiré les foudres de ceux qui n'ont que faire de la pénurie de médicaments ou encore de la situation économique vulnérable du pays. Elle a ainsi été menacée, physiquement et moralement. Elle a même reçu des menaces de mort via une vidéo qu'elle a transmise au ministère de la Santé et au Procureur de la république. Qu'a-t-elle reçu en retour ? Rien ! Un silence assourdissant car ils savent que les auteurs de ces menaces sont intouchables. Impunité quand tu nous tiens ! Loin d'être un cas isolé, l'affaire Emna Zribi est de celles qui contribuent à miner le moral des jeunes et à les dissuader de s'impliquer correctement dans leur travail. Loin de montrer le bon exemple, cette affaire renforcera encore plus chez eux le sentiment de lassitude et de désespoir car ils savent que la bataille est perdue d'avance, du moins actuellement. A quand un sursaut des dirigeants, des décideurs, des hauts placés ? A quand un réveil des consciences et une vraie lutte contre la corruption et les abus en tous genres, sans faux-semblants, sans copinage, sans calculs politiques et sans peur au ventre ?