Les signes ne sont pas trompeurs et les prémices d'une confrontation entre magistrats et avocats commencent à apparaître, avec la multiplication des accusations mutuelles qui avaient commencé avec les accusations portées par le bâtonnier des avocats qui avait accusés des jeunes magistrats d'être corrompus et la demande de leur association de sévir contre ces accusations qu'elle a jugé diffamatoire. Maintenant, c'est une autre affaire qui retient l'attention, celle d'un avocat accusé de meurtre par erreur qui a été jeté en prison, bien que, selon les déclarations de ses confrères, la période de garde à vue ait expiré et qu'il n'y ait pas lieu de le maintenir en détention. Cela a commencé le 31 juillet, lorsque le bâtonnier des avocats, AmeurMehrezi, avait indiqué lors d'une conférence de presse, que "des soupçons de corruption pèsent sur certains magistrats qui poursuivent encore leurs missions" et que de "grands retards empêchent la levée de l'immunité contre ces juges par le conseil supérieur de la magistrature" qu'il a appelé à agir rapidement pour "prendre les mesures qui s'imposent". L'association tunisiennes des jeunes magistrats a vite fait de réagir et a appelé le parquet à engager une action publique contre le bâtonnier des avocats pour avoir traité certains magistrats de "corrompus sans preuves concrètes", l'accusant de porter atteinte au pouvoir judiciaire et d'"attiser la campagne de dénigrement de la justice". Dans une déclaration rendue publique au terme de la réunion de sa direction administrative samedi, l'association a estimé que les déclarations du bâtonnier des avocats sont "punissables pénalement" et enfreignent "la l'éthique de la justice". Elle a invité le parquet à procéder à cette action publique, "à l'instar de précédentes actions engagées envers des syndicalistes des forces de sécurités", sinon elle portera plainte contre le bâtonnier. L'association a appelé d'autre part les responsables juridiques dans les tribunaux, notamment les procureurs de la république auprès des cours d'appel à "réactiver" les plaintes d'ordre pénal" en suspens contre les avocats et autres corps "pour éviter leur prescription". Elle a indiqué par ailleurs avoir entamé des contacts avec des députés et certains avocats pour la formation d'une commission parlementaire supervisant une opération d'"assainissement et de réforme du corps des avocats". L'association avait fait état fin juillet dernier d'une agression perpétrée par deux avocats contre un juge d'instruction à la cour d'appel de Tunis, rappelle-t-on. La réaction -l'espoir est que ce n'en est pas une- est que la Chambre pénale du tribunal de première instance de Grombalia vient d'émettre un mandat de dépôt à l'encontre d'un avocat pour meurtre et blessure, par mégarde, à la suite d'un accident de la circulation et la cour a décidé de reporter l'examen au 4 août. Selon le président de la section de Tunis de l'Ordre national des avocats, Lotfi Larbi, cet accident avait eu lieu le 17 juin dernier et l'avocat concerné a fait l'objet d'un mandat de dépôt, depuis cette date et, par conséquent, la durée de la garde à vue a duré près de deux mois, pour un crime par inadvertance, selon ses dires. Il a ajouté que son confère est un activiste politique, au sein du mouvement Machroû Tounès, de même qu'il est président d'une association sportive à Soliman, de même qu'il est le président du bureau politique de la section de Soliman de Machroû Tounès. Me Lotfi Larbi a, en outre, expliqué que l'avocat s'est présenté volontairement à la justice, juste après l'accident, alors qu'il a subi des blessures à la main gauche qui ont nécessité une intervention chirurgicale. Par ailleurs, une soixantaine d'avocats se sont mobilisés pour la défense de leur confrère. Mais, malgré leur argumentation, au cours d'une séance qui a duré trois heures, pour expliquer que la période de garde à vue a expiré, dans des affaires pareilles, et qu'il y a eu transgression de la loi et des procédures, le juge a rejeté toutes les demandes de mise en liberté du prévenu et a décidé d'émettre un mandat de dépôt. Personne ne peut nous contredire, lorsqu'on affirme que le courant ne passe pas bien entre magistrats et avocats. Mais, si la situation dégénère, c'est le citoyen et le justiciable qui vont payer les gros dégâts. Les signes ne sont pas trompeurs. Le ministre de la Justice, Ghazi Jribi, a eu, vendredi, des entretiens avec des représentants de plusieurs structures de magistrats. Selon un communiqué du département de la Justice, l'accent a été mis également sur la nature des relations entre les différents acteurs de la chaîne judiciaire devant être fondées sur le principe de coopération et d'entente au service de l'intérêt public. Les représentants des structures de magistrats reçus par le ministre de la Justice sont Anes Hmadi, président de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), Brahim Bousleh, président du Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) et Saida Chbili, présidente de l'Association des magistrates tunisiennes. Le pays n'a pas besoin d'un autre conflit, surtout que celui qui domine, actuellement, la scène politique, avec le bras-de-fer entre le chef du gouvernement, Youssef Chahed, et le fils du président de la République, qui conduit le pays vers un abime sans fond.