Il fût un temps où l'école buissonnière était sévèrement réprimandée par les parents et où aller à l'école était un rituel quasiment sacré. Aujourd'hui, les élèves sont « forcés » à sécher les cours et pour cause ! La grève du 17 janvier qui leur a valu une journée de repos forcé. Justement, que pensent les plus jeunes d'ailleurs de cette grève du secteur public et ont-ils conscience de ses répercussions ? Amis depuis leur plus tendre enfance, Khalil et Youssef ont tous deux onze ans. Depuis lundi, ils ont eu vent de la grève et de la possibilité qu'ils n'auront pas cours jeudi. Depuis, ils n'ont fait que guetter les informations à la télévision pour savoir si la grève est maintenue ou pas. Ils ont retenu leur souffle pendant trois jours et ce n'est que mercredi après-midi qu'ils ont eu la confirmation de la grève. Assurément, ils ont applaudi à l'annonce de cette « bonne nouvelle ». « Cette semaine est merveilleuse ! Nous n'avons pas eu cours lundi et aujourd'hui, nous n'avons pas cours également. Nous avons passé notre temps, mon ami et moi, à jouer au ballon sans que nos parents nous réprimandent. Mon père toutefois, employé à la STEG, est parti travailler comme à son habitude. », déclare Youssef. A la question de savoir s'il comprenait ce qu'était une grève et s'il la soutenait, il ajoute : « A l'école, on nous a dit que c'était un droit normal pour les travailleurs. Maintenant, j'avoue que je ne comprends pas vraiment ce que c'est une grève et comment ça se déroule. Je sais juste que lorsqu'il y a grève, nous n'avons pas cours et c'est tout ce qui compte pour moi. Toutefois, j'aurai aimé qu'ils fassent grève mardi ou vendredi car je n'ai que des matières dans lesquelles je m'ennuie. Par contre jeudi, j'ai sport et dessin et ce sont les deux matières que j'aime le plus à l'école ! ». Khalil, lui, est mieux informé sur la grève. Ayant interrogé ses parents à ce propos depuis un bon moment, ils lui ont bien expliqué que c'était là un droit constitutionnel dont avaient été privés pendant de longues années les citoyens tunisiens et qu'il était indissociable de la démocratie, même s'il avait un impact préjudiciable sur l'économie. Il explique : « Je suis bien content de ne pas aller à l'école, aujourd'hui, mais je sais surtout que la grève est un droit important. Mes parents m'ont expliqué que partout dans les pays démocratiques, les travailleurs ont le droit de faire grève à condition que cela se passe dans des conditions pacifiques et qu'il n'y ait pas d'actes de violence. Mais ils m'ont aussi expliqué que la Tunisie perdra beaucoup d'argent à cause de ça, des milliards peut être. Je ne sais pas trop quoi en penser. Est-ce que je ferai grève quand je serai grand ? J'espère surtout que la Tunisie se portera mieux et qu'une fois devenus adultes, on n'aura pas à faire grève». Des pertes, oui il y en aura, assurément ! Avec plus de 670 mille fonctionnaires à l'arrêt, la grève du 17 janvier ne sera certainement pas sans conséquences. Les estimations vont bien au-delà de 300 MD. Mais ce que craignent le plus les experts, c'est l'impact indirect de cette grève et ses conséquences sus-jacentes. Et puis maintenant que le bras de fer est engagé, où s'arrêtera l'UGTT et jusqu'où cette entité syndicale est-elle prête à aller ? Hatem, salarié dans un groupe industriel pharmaceutique, fait part de ses inquiétudes : « Maintenant que la menace d'une grève générale dans le secteur public a été mise en exécution, qui pourra calmer l'UGTT ? Ce que je redoute le plus ce sont les semaines à venir. Je suis sûr qu'il y aura escalade et que les choses ne se calmeront pas d'ici là. C'est dommage, le contexte économique tunisien est déjà bien sensible et nous nous dirigeons vers de cruciales échéances électorales. Mieux vaut, pour tous, de faire preuve de sagesse et d'accepter de faire des concessions. Il en va de l'intérêt et de la stabilité du pays !»