Le 3 janvier dernier, les étudiants reprenaient le chemin de leurs facultés, écoles et instituts pour passer les examens semestriels. Comme ces épreuves prenaient fin vers le 10 du même mois, les cours leur succédaient immédiatement, du moins sur le papier. Mais la plupart de nos étudiants en ont décidé autrement : nous avons cru qu'ils allaient s'offrir seulement le week-end prolongé accordé à l'occasion de l'anniversaire de la Révolution. Or, le 15 janvier, il n'y avait quasiment personne dans les salles ni dans couloirs de plusieurs établissements. Les jours suivants, ils étaient toujours désertés par leurs étudiants, même par ceux du mastère. On s'attendait à une reprise massive, hier, lundi 21 du mois ! Que non ! Même taux élevé d'absentéisme notamment dans les départements littéraires. Il est maintenant évident que le supplément de « vacances » que se sont donné nos étudiants se prolongera au-delà de la fête du Mouled, prévue pour ce jeudi 24 janvier. Autre certitude : ce pont géant couvre également les vendredi, samedi et dimanche prochains. Rallonge de 20 jours Donc, la vraie reprise il ne faut l'envisager qu'à partir du 28 janvier prochain, à moins qu'il n'y ait d'autre congé dans le calendrier personnel des jeunes flemmards de l'Université tunisienne! Une grève (ouverte) peut à tout moment se décider par les militants des syndicats estudiantins ! Le prétexte est toujours à portée de main : une circulaire de l'administration, un décret ministériel, les barèmes de notation, le système d'évaluation, les normes de rachat, des mesures disciplinaires jugées excessives ou iniques. Cependant, les débrayages peuvent se déclencher pour des motifs extrascolaires : par exemple pour soutenir un mouvement social, pour protester contre une mesure politique ou bien pour réclamer la dissolution (ou le maintien) des « milices révolutionnaires » ! Bref, un congé de plus, ça n'a jamais fait de mal à la nouvelle génération d'étudiants. Bien mieux, ces derniers y ont beaucoup à gagner, surtout lorsque les professeurs se voient obligés de sauter des chapitres de leurs programmes respectifs et de ne proposer aux examens que des questions étudiées durant le semestre ! En fait, il ne s'agit en tout et pour tout que d'un mois et demi de cours effectifs. Une simple opération de calcul montre que depuis le 15 décembre 2012, une majorité d'étudiants a bénéficié de plus de 30 jours de « vacances d'hiver » contre seulement trois ou 4 jours d'examen. Un phénomène désastreux L'absentéisme à l'Université est un phénomène désastreux qui ne date pas d'hier : les contrôles des absences décidés par les établissements ne sont malheureusement pas assez dissuasifs pour l'atténuer, à défaut de l'éradiquer. Soit, c'est l'administration qui fait preuve d'indulgence dans la comptabilisation des défaillances enregistrées, et ce pour ne pas avoir à dos les étudiants et leurs camarades du syndicat ; soit ce sont les professeurs qui négligent l'opération estimant qu'elle s'effectue aux dépens de l'horaire des cours ! Dans les deux cas de figure, les étudiants jouissent d'une certaine impunité et cela les encourage à braver les règlements intérieurs de leurs établissements respectifs. L'astuce géniale qui les prémunit des sanctions, c'est désormais l'absence collective : et c'est paraît-il ce qui se passe depuis la fin des examens du premier semestre ! Un mot d'ordre (secret) a certainement circulé à l'échelle de tous les instituts et les facultés du pays : les cours ne doivent reprendre pour de bon qu'à partir du 28 janvier ! Qui coordonne ce débrayage « national » ? L'UGET, l'UGTE ou les deux syndicats à l'unisson ? Des décideurs occultes qui ont leurs exécutants partout en Tunisie ? Allez savoir ! Mouled et Saint-Valentin aussi ! On peut, à la limite, trouver des excuses aux étudiants qui ne sont pas originaires de la ville où ils sont affectés. Une fois rentrés chez leurs parents, ils attendent soit le versement de la bourse pour reprendre les cours, soit la subvention familiale s'ils ne sont pas boursiers ! Mais comment expliquer que les étudiants qui habitent à quelques centaines de mètres de leur établissement font eux aussi l'université buissonnière durant plus de deux semaines sans que leurs parents ne réagissent. Une faille quelconque dans le système et dans les nouvelles mentalités est à l'origine de ce dérèglement préjudiciable à la qualité de la formation universitaire et à la crédibilité des diplômes délivrés par nos établissements du Supérieur. Est-ce la faible employabilité de la majorité des filières ? Est-ce le laxisme des administrations qui ont tendance à concéder trop de « droits » aux étudiants ? Est-ce la nouvelle représentation que se font les jeunes et leurs familles de l'Université considérée désormais comme une vaste fumisterie ou comme une immense garderie pour futurs chômeurs ? En attendant que des experts se penchent sérieusement sur les causes profondes de leur manie absentéiste, nos jeunes tire-au-flanc songent encore à la manière dont ils occuperont le grand pont du Mouled, et pensent peut-être en même temps à décréter celui de la Saint-Valentin !