L'universitaire et économiste Aram Belhadj a indiqué, jeudi, à Radio Med, que la grève a, certes, coûté cher, mais il est difficile d'évaluer les pertes financières bien que certains évaluent entre 300 et 500 millions de dinars précisant que cette grève aura un impact sur l'investissement et le climat économique. Mais à quel prix ? Aram Belhadj a signalé que «Les mauvais signaux pour l'économie se succèdent en Tunisie. Le taux d'inflation a atteint 7,5% en 2018, par suite de la dépréciation du dinar, du relèvement des taux de la TVA et de la hausse des prix de certains produits. La dette publique ne cesse d'augmenter. Elle a grimpé pour se situer à 66,9% du PIB du pays. Représentant plus de deux tiers de la dette publique (43,6 milliards de dinars) la dette extérieure est composée de 47% de dettes diverses, 15% de dettes bilatérales et 38% du côté marché financier mondial. Le déficit de la balance commerciale persiste sans oublier le développement spectaculaire de l'économie parallèle, qui menace aussi bien les entreprises que les comptes publics du pays. L'informel ne cesse de s'incruster dans le paysage économique et social pour devenir une réalité indéracinable. Les contraintes tant internes qu'externes sont nombreuses et les marges de manœuvres demeurent limitées. "La situation actuelle du pays ne peut pas supporter beaucoup de grèves. Certaines parties politiques et syndicales ne sont pas conscientes de la détérioration de la situation économique du pays. Peu de réformes réelles ont été entreprises. Les quelques mesures prises n'ont jamais été appliquées. Le résultat en est que le climat des affaires est actuellement morose", ajoute-t-il L'universitaire a souligné que cinq urgences enchevêtrées les unes dans les autres doivent plus que jamais prendre la première place dans les priorités de l'agenda économique de court terme: le rétablissement du pouvoir d'achat, la lutte contre l'économie informelle, la stabilisation de la dette publique, le rééquilibrage de la balance commerciale et l'initiation d'un vrai programme de réformes. Concernant le pouvoir d'achat, il est indispensable de renforcer le dispositif de contrôle des prix dans les circuits de distribution, chez les vendeurs et les revendeurs et donner plus de pouvoir de sanction aux administrations compétentes. Il s'avère également nécessaire de mener une politique de constitution de stocks de régulation afin d'empêcher les situations de monopole ou d'oligopole. Pour ce qui est de l'économie informelle, surtout dans sa composante criminelle, l'Etat doit engager une stratégie complète de lutte contre la corruption, le financement des transactions illicites et de blanchiment d'argent. La loi sur la déclaration de patrimoine et la lutte contre l'enrichissement illicite et les conflits d'intérêts dans le secteur public doit être appliquée avec plus de fermeté, surtout à l'encontre des contrebandiers et des évadés fiscaux. Quant à la problématique de la dette, il est urgent de dresser un audit complet des finances publiques et de demander, s'il le faut, un moratoire sur une partie de cette dette. La diplomatie économique de la Tunisie doit également s'activer et œuvrer sur une éventuelle transformation d'une partie de la dette en projets d'investissement. Pour la question du déficit commercial et la dépréciation conséquente du dinar par rapport aux principales devises, il est pressant de stopper toute forme d'importations anarchiques et de délivrance des franchises. Il est aussi indispensable de faire redémarrer l'appareil productif dans le bassin minier et de faire participer la diaspora dans le processus de sauvetage du Dinar contre toute attaque spéculative. Un programme national de redynamisation des exportations est également nécessaire via notamment la simplification des procédures douanières, la traque des fonctionnaires corrompus, la résolution des problèmes logistiques et la modernisation de l'infrastructure portuaire. Enfin, une initiation d'un programme de grandes réformes est plus que nécessaire. Aram Belhadj a souligné que "la Tunisie a plus que jamais besoin d'une feuille de route claire, raisonnée et raisonnable traduisant de grands choix politiques et socioéconomiques assumés par tous. Etat, patronat, syndicats et société civile doivent s'engager pour trouver une issue à cette crise. Cela passe en premier lieu par un dialogue socio-économique responsable autour de la vision stratégique du pays et du plan d'action y afférent, avec des objectifs réalistes et chiffrés et des mécanismes de mise en œuvre adéquats. Ce conseil a pour mission d'organiser et de gérer le dialogue social concernant les questions sociales et économiques d'intérêt commun pour les trois partenaires sociaux, dans un cadre qui garantit la continuité et la régularité du dialogue et là il faudrait impliquer les économistes, les syndicalistes, les représentants de la société civile sinon seules les prochaines élections de 2019 pourront sauver le pays car le peuple choisira les plus compétents qui pourront booster l'économie du pays"