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La mondialisation a-t-elle ouvert la voie à l'ère de la colère et du populisme ?
Publié dans Le Temps le 18 - 01 - 2019

Consultant d'entreprises et enseignant universitaire
De nouveau, je reviens sur les troubles sociaux qui secouent la France depuis deux mois, car ce mouvement des « gilets jaunes » me semble symptomatique d'une crise profonde que traversent beaucoup de pays-y compris la Tunisie- depuis plusieurs années. Une crise inhérente au système capitaliste et à son avatar le plus fâcheux: le libéralisme sauvage, avec comme conséquence la montée des populismes, qui ne traduit pas un « choc des civilisations », comme certains idéologues en mal d'inspiration veulent nous le faire croire, mais la frustration des classes moyennes et populaires. Pour ces classes la mondialisation ouvre la voie à l'ère de la colère et du populisme.
Ici, deux thèses s'affrontent. Les tenants de la première affirment que partout dans le monde le niveau de vie s'améliore, l'extrême pauvreté a considérablement diminué, les gens vivent plus longtemps et les maladies infectieuses chutent. Ils attribuent ces succès spectaculaires au libéralisme et à la mondialisation.
Warren Buffet –homme d'affaires et investisseur américain- s'inscrit en faux contre l'idée que l'ascenseur social -aux USA dans d'autres pays de l'Occident- serait cassé, prend ses distances avec les discours déclinistes et affirme que « les bébés qui naissent aujourd'hui sont la génération la plus chanceuse de l'histoire » et que « la magie économique du capitalisme reste bien vivante.»
Dans son dernier livre qui a pour titre « Le triomphe des Lumières », Steven Pinker- psychologue cognitiviste et professeur à Harvard- affirme que jamais l'humanité n'a vécu une période aussi paisible et prospère. Chiffres à l'appui- une foule de graphes et de courbes, ce livre montre que la santé, la prospérité, la sécurité et la paix sont en hausse dans le monde entier. Espérance de vie et taux de scolarisation en hausse, extrême pauvreté en baisse, famine en voie de disparition, etc. Seules ombres au tableau, les inégalités qui progressent au sein de chaque pays et l'environnement où les inquiétudes sont sérieuses.
Sur l'autre bout du spectre, beaucoup d'économistes ne cessent de tirer la sonnette d'alarme en disant que le système capitaliste est arrivé au bout de sa logique.
Joseph Stiglitz, économiste américain, prix Nobel d'économie, estime que les inégalités, un sujet central à ses yeux, s'accroissent. Aux Etats-Unis, dont le modèle est souvent pris en exemple, 1 % de la population gagne plus de 22 % des revenus ! Lors de la reprise, c'est-à-dire entre 2009 et 2011, 90 % de la croissance dégagée aux Etats-Unis a profité à 1 % de la population alors que les 99 autres pour cents ont vu leurs revenus chuter ou se stabiliser. Stiglitz affirme que le salaire moyen des travailleurs américains est au plus bas depuis quarante ans. Que les fondamentaux de l'économie enseignés dans les universités parlent d'un marché qui se régule de lui-même par l'offre et la demande. Or aujourd'hui, ce n'est pas le cas.
Pour Larry Summers -économiste et homme politique américain, la croissance est menacée dans les pays développés par une demande insuffisante, liée à l'accroissement continu des inégalités de revenus, les riches ayant une tendance à épargner une plus grande partie de leurs revenus plutôt qu'à consommer. Une mécanique qui finit par réduire les opportunités d'investissements des entreprises dans l'économie réelle. Gavées de cash dont elles ne savent plus quoi faire, elles préfèrent placer leur montagne de profits sur les marchés financiers, voire dans l'immobilier, au risque de générer des bulles, plutôt que d'investir.
Dans son Best-seller « Le Capital au XXI ème siècle », Thomas Piketty -économiste français- revisite l'histoire du capitalisme depuis le XVIII ème siècle. La thèse centrale du livre, défendue et argumentée à coup de dizaines d'études statistiques (sa fameuse formule r g, c'est-à-dire la rentabilité du capital est supérieure au taux de croissance, ce qui accroit implacablement les inégalités, a fait le tour du monde): depuis l'origine, les revenus du capital progressent plus vite que la croissance, enrichissant les plus riches et entrainant un creusement mécaniques des inégalités depuis trente ans au sein des économies développées. En particulier aux Etats-Unis où la part du revenu national allant aux 10% des contribuables les plus aisés est passée de 34% à 47% depuis 1980, tandis qu'elle augmente de 33% à 37% en Europe.
Cette étude porte un rude coup à la théorie libérale du "ruissellement" selon laquelle la fortune des riches finit par faire celle des pauvres.
Qui dit vrai, qui dit faux?
Comme il est de coutume dans ce genre de débats, la réponse est beaucoup moins simple à apporter qu'il n'y parait. Afin de comprendre de quoi il retourne, il faut d'abord clarifier trois notions (ou concepts): le capitalisme, la mondialisation et la financiarisation de l'économie. Commençons par la première.
Plusieurs facteurs contribuèrent à la naissance du capitalisme, du moins tel que nous le connaissons aujourd'hui : la machine à vapeur, à l'origine de la révolution industrielle, la découverte du pétrole (en Pennsylvanie en 1859), l'invention de l'électricité, etc. Mais celui qui eut la part la plus déterminante dans le développement fulgurant du capitalisme fut la mise sur pied de grosses entreprises (compagnies) pour la réalisation de gros projets. Aux Etats-Unis, le chemin de fer transcontinental, était l'élément à la base des grandes compagnies privées. (Le chemin de fer transcontinental fut achevé en 1869.) Les compagnies, qui en étaient à l'origine, pouvaient faire payer aux clients des sommes extravagantes parce que c'étaient des monopoles naturels. (Un chemin de fer allant d'un pont A à un point B a une raison d'être, mais pas deux lignes parallèles. Le premier chemin de fer reste donc le seul et unique.) Malgré cela, les chemins de fer maintiennent la cohésion de l'économe. Ils firent des Etats-Unis le seul gros marché, ce qui signifiait d'énormes économies d'échelle pour des compagnies assez grosses pour en profiter. Les économies d'échelle fonctionnaient tellement bien à la fin du XIX ème siècle que les grosses entreprises devinrent encore plus grosses et leurs fondateurs amassèrent des fortunes inimaginables. C'est alors que survint J.P Morgan (1837-1913), un gros banquier de Wall Street. Morgan était à l'origine de la fusion des gros acteurs de l'industrie américaine, donnant naissance aux trusts. C'est ainsi qu'un petit groupe d'hommes d'affaires – Morgan, Rockefeller, les seigneurs du chemin de fer et quelques autres- acquirent une grosse part de l'économie.
Signalons au passage, que le capitalisme n'avait qu'un seul mobile, une seule raison d'être, la maximisation du profit et de la valeur pour les actionnaires.
Passons maintenant à la mondialisation. En géographie, la mondialisation se définit comme l'ensemble des processus (économiques, sociaux, culturels, technologiques, institutionnels) qui contribuent à la mise en relation des sociétés et des individus du monde entier. C'est un processus progressif d'intensification des échanges et des flux entre les différentes parties du monde.
Avec le développement du commerce et des échanges monétaires et financiers, on parle souvent de la mondialisation comme un phénomène économique et financier. Pour faire simple, nous pouvons dire que, sur ces plans-là, la mondialisation consiste en l'abolition de toutes les frontières (tangibles et intangibles) afin que puisse être assurée la libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux.
Certains parlent de mondialisation heureuse ayant entraîné une nette augmentation des échanges commerciaux et économiques, mais également une multiplication des échanges financiers. Pour les tenants de ce discours, l'accélération des échanges économiques a été à l'origine d'une forte croissance économique mondiale. Elle a également permis un développement industriel global rapide et une amélioration des conditions économiques globales, grâce à la création de nombreuses richesses économiques.
D'autres, plus pessimistes, assimilent la mondialisation à une machinerie complexe qui consiste à fabriquer par les "esclaves des temps modernes" des marchandises qu'on vendra à des chômeurs en devenir et qui a permis que la richesse dans le monde se concentre de plus en plus aux mains d'une petite élite de fortunés. Leur argument le plus imparable : en 2017, dans le monde, les 1% les plus riches de la population ont capté82% de la richesse mondiale créée. Pour ces pourfendeurs de la mondialisation, au XIX ème siècle, alors qu'il y avait très peu d'économistes et de journalistes, pour faire œuvre de propagandistes, les romanciers ont décrit ce qu'ont vraiment coûté l'industrialisation et l'urbanisation. Cela vaut toujours la peine de lire Dickens et Zola pour comprendre ce qu'actuellement beaucoup de personnes -travaillant dans cet univers de sous-traitants dans des conditions lamentables- vivent au Bangladesh, en Inde et en Chine dans leur marche au progrès.
Les plus réalistes, tout en reconnaissant que la mondialisation a permis à pas mal de pays d'améliorer sensiblement le niveau de vie de leurs citoyens (la Chine et l'Inde, entre autres), estiment qu'elle a aussi fait beaucoup de dégâts et de perdants. Ces derniers sont prêts à tout afin de casser le système.
Pour les tenants de cette thèse, des pays comme l'Inde et la Chine ne pouvaient que se refaire une santé après ce qu'ils ont connu avec l'impérialisme occidental et la guerre civile. Ils estiment qu'il y a quelque chose de fallacieux dans ce progrès irréversible imputé à la mondialisation, et soulèvent un certain nombre de questions qu'on peut difficilement éluder. Comme : Les taux de mortalité ont baissé et ceux de l'alphabétisation sont en hausse, mais quid du chômage, du déracinement, de la dépossession et de la dégradation environnementale? Une personne qui quitte son village pour aller travailler dans une métropole sort de la pauvreté selon les statisticiens, mais quelles mesures avons-nous pour évaluer sa vie dans des villes où la pollution est importante et les loyers élevés, tandis que les conditions dans les bidonvilles sont extrêmement brutales?
Venons en maintenant à la financiarisation. Il s'agit là d'un processus qui s'inscrit dans l'histoire du capitalisme et qui touche au mode de régulation de l'économie (quelles sont les institutions qui structurent les rapports économiques?) et à la logique d'accumulation (comment le capital se reproduit-il?)
Il convient de rappeler dans ce cadre, que la croissance des marchés financiers résulte de décisions politiques. En 1971, Richard Nixon suspend la convertibilité du dollar en or et met ainsi fin au système de taux de change fixe. En 1980, Ronald Reagan et Margareth Tatcher promeuvent la dérégulation financière et la libéralisation des taux d'intérêts.
Rappelons aussi que la sphère financière a connu une croissance fulgurante au cours des quatre dernières décennies. Le développement du capitalisme dans sa phase industrielle reposait sur l'expansion de la production. Le capital (l'argent qui est réinvesti) devait être alloué en partie à des investissements productifs, c'est-à-dire qui permettent d'augmenter la capacité de production (par exemple, l'achat de machines plus performantes ou la construction de nouvelles usines). La logique financière est tout autre. Le capital n'a plus à passer par le détour de la production pour fructifier ; sa simple circulation engendre une création de capital neuf. L'investissement à court terme devient la norme et c'est la spéculation qui fait augmenter la valeur d'un actif.
Une des conséquences fâcheuses de la financiarisation de l'économie est que les investisseurs, en général, et les entreprises, en particulier, ne se concentrent plus sur leur stratégie de long terme, ils sont plutôt dans une logique court-termiste, alimentant du coup, la spéculation et l'instabilité des marchés.
La financiarisation de l'économie est désormais marquée par le pouvoir accru des acteurs financiers sur l'économie. Pour continuer de croître, la finance doit créer davantage de monnaie (en octroyant des prêts) et transformer de nouveaux flux d'argent en actifs financiers (par exemple en transformant des dettes en titres revendables sur les marchés). Ce faisant, étudier, travailler, consommer, épargner, prendre sa retraite, diriger une entreprise, etc. sont autant de réalités qui tendent à être financiarisées. Loin d'être deux sphères déconnectées, les flux d'argent associés à cette « économie réelle » (la production, le rapport salarial, la consommation et l'épargne) tendent à être captés par la finance. D'un coté, les entreprises se financent par le biais des marchés financiers (plutôt que par l'intermédiaire des banques commerciales). De l'autre, le développement des firmes cotées en bourse est orienté par l'exigence de faire augmenter la valeur actionnariale de l'entreprise.
Sur un autre plan, les travailleurs sont appelés à devenir des investisseurs : tandis que les caisses de retraite sont soumises aux fluctuations de leur portefeuille d'actifs, on encourage les salariés à avoir recours à des régimes d'épargne-retraite individualisés pour compenser l'insuffisance des fonds de pension de l'employeur et des régimes publics. La stagnation des salaires est compensée par le recours au crédit à la consommation, qui devient un pilier de la croissance économique.
La conséquence de tout cela, la relation financière se diffuse pour faire croître l'économie, mais, ce faisant, elle rend cette dernière beaucoup plus instable et donc toujours plus fragile. Car lorsque les bulles financières, qui résultent de la spéculation entourant certaines catégories d'actifs, explosent, cela paralyse le marché du crédit et donc freine le déroulement normal de l'économie. La crise des subprimes de 2007-2008 en est le meilleur exemple.
Conclusion
Jusqu'à preuve du contraire, on n'a pas trouvé mieux que l'entreprise privée comme source de création de richesse. C'est la raison pour laquelle il faut se garder de tout discours démagogique qui voue le capitalisme aux gémonies. Les actionnaires ne sont ni des profiteurs ni des investisseurs bienfaiteurs pour la vie des entreprises. Le marché est amoral. Il ne serait pas marché autrement. C'est vrai aussi, hélas, du marché du travail. Un patron n'embauche pas un salarié pour rendre service à un chômeur. Il ne le licencie pas, sauf exception, pour l'humilier. Il l'embauche ou le licencie parce qu'il juge que c'est l'intérêt de l'entreprise, c'est-à-dire ici des actionnaires. C'est parce que le capitalisme n'a pas de morale que nous avons besoin, nous autres citoyens, d'en avoir une. Mais ne comptons pas sur la morale pour bouleverser les lois de l'économie. La réciproque est tout aussi vraie: ne comptons pas sur le marché pour tenir lieu de morale.
S'il est vrai que, comme indiqué plus haut, le capitalisme n'avait qu'un seul mobile, une seule raison d'être, la maximisation de la valeur pour les actionnaires, il n'en demeure pas moins vrai que plusieurs pays ont amendé leur droit de manière à ce que l'entreprise ne soit plus réductible à un pur agent économique. (En France une loi a été votée dans ce sens en octobre 2018). Certes, le profit des associés reste une contrainte vitale de l'entreprise, mais il n'est plus sa seule finalité. L'entreprise doit prendre sa part de responsabilité dans le développement collectif. Cette dernière doit être gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. Pourquoi un tel revirement dans le droit? Parce qu'on a longtemps cru que la recherche du seul profit des associés suffirait à garantir l'efficacité et l'intérêt collectif. Mais avec l'accumulation des inégalités et des scandales, cette hypothèse est devenue intenable.
D'autres réformes ont été, soit envisagées, soit mises en pratique, avec un succès inégal. Parmi ces réformes nous pouvons citer :
1- Celles visant à réguler la finance, surtout celle dite la finance de l'ombre estimée à 100 000 milliards de dollars (fonds d'investissement, hedge funds...) qui continue à échapper à toute régulation. Même si comme d'aucuns le reconnaissent, sortir du carcan de la financiarisation n'est pas si simple.
2- Celles dont l'objectif est de réformer la gouvernance des entreprises de manière à ce que les exigences du travail puissent rééquilibrer celles du capital. En d'autres termes, œuvrer pour que les entreprises échappent au dictat des actionnaires institutionnels, c'est-à-dire, les fonds de pension.
Il convient de rappeler dans ce cadre, qu'entre 1975 et 1995, à cause de l'essor fulgurant des fonds de pension (à partir des années 1970, la réforme du financement du système de retraite américain à bouleversé l'économie mondiale ; des masses considérables d'épargne ont été déportées sur les marchés boursiers) les marchés ont pris le dessus sur le financement bancaire. Mises en concurrence pour capter cette manne financière, les grandes entreprises ont dû promettre aux gestionnaires de fonds des dividendes toujours plus élevés que ceux versés par leurs concurrents. Il s'en est suivi une course à la réorganisation des processus industriels de manière à faire apparaître « la création de valeur pour l'actionnaire » à toutes les étapes de la production.
D'où des plans de restructuration mettant des milliers et des milliers de salariés sur le carreau, ou dans le meilleur des cas, une intensification du travail soumis à une pression croissante pour créer de la valeur actionnariale, au risque d'épuiser les ressources (burn-out, démissions internes, perte de confiance…).
3- Celles visant la stabilisation de l'actionnariat. Un droit de vote double, un super dividende, etc., sont prévus pour les actionnaires qui s'engagent à ne pas vendre leurs actions pendant une certaine période (3 ou 5 ans).
4- Celles instaurant un revenu universel (l'Italie vient de la faire)
5- Celles qui espèrent instaurer un impôt mondial progressif sur le capital. (Un peu partout dans le monde, les libéraux se sont attachés à réfuter cette solution fiscale envisagée par Thomas Piketty.)


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