L'organisation de défense des droits de l'Homme Amnesty International a appelé, dans un communiqué rendu public hier, les autorités tunisiennes à alléger la population carcérale afin de réduire la propagation du coronavirus dans les prisons. «Le 31 mars, le président de la République tunisienne Kaïs Saïed a accordé une grâce spéciale à 1420 détenus afin de réduire le risque d'une flambée des contaminations par le Covid-19 dans les prisons. Bien qu'il s'agisse d'une bonne mesure, il reste encore beaucoup à faire pour protéger les détenus qui restent à risque en détention provisoire et en garde à vue », a souligné l'organisation. Amnesty International a suggéré dans ce contexte de ne plus placer les personnes arrêtées dans pour avoir violé les règles du couvre-feu et du confinement sanitaire total dans les lieux de détention. «Les autorités tunisiennes doivent envisager d'urgence de réduire le nombre de personnes détenues pour avoir enfreint les mesures sanitaires d'urgence afin d'empêcher la propagation du Covid-19», a-t-elle averti, rappelant que les forces de l'ordre a arrêté au moins 1 400 personnes pour violation du couvre-feu ou des mesures de confinement depuis le 22 mars dernier. «Nous comprenons que quiconque viole les mesures nationales de confinement et de distanciation sociale entrave potentiellement les efforts de l'Etat pour limiter la propagation du Covid-19. Mais vu le risque élevé de transmission du virus dans les prisons et les lieux de détention provisoire, le fait détenir encore plus de personnes met leur santé en danger et ne peut que aggraver la crise sanitaire actuelle », a expliqué Amna Guellali, directrice-adjointe d'Amnesty International pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, citée dans le communiqué. Surpeuplement L'organisation de défense des droits de l'Homme a d'autre part recommandé aux autorités tunisiennes d'envisager d'adopter des mesures non privatives de liberté pour les personnes accusées d'avoir violé les règles de confinement prises par l'Etat pour éviter la surpopulation dans les centres de détention au niveau des postes de police ou dans les cellules des tribunaux. «Les normes de propreté et les services de soins de santé dans les prisons et les centres de détention sont très médiocres. Les gens sont souvent détenus dans des cellules surpeuplées où la distance physique est pratiquement impossible à maintenir», a déclaré Amna Guellali. Le surpeuplement et les mauvaises conditions de vie dans les prisons tunisiennes sont un sujet de préoccupation majeure dans le contexte de l'épidémie de covid-19. Selon les statistiques officielles, les prisons tunisiennes comptaient 22600 détenues à la fin de 2018, un nombre qui dépasse la capacité d'accueil maximale de 17.700 détenus. Jusqu'à 50% de tous les détenus sont en détention provisoire et des milliers sont détenus pour des délits mineurs et non violents, tels que l'usage ou la possession de petites quantités de drogues, selon la même source. D'après le Comité international de la Croix-Rouge, les populations carcérales sont particulièrement exposées à des maladies infectieuses comme le Covid-19 et les mauvaises conditions de détention peuvent exacerber les risques. Le 25 mars dernier, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a mis en garde les gouvernements contre les conséquences «catastrophiques» du surpeuplement carcéral et des mauvaises conditions de détention pendant la pandémie de COVID-19. Amnesty a par ailleurs appelé les autorités tunisiennes à garantir à tous les détenus un accès rapide aux soins de santé, y compris en ce qui concerne le dépistage, la prévention et le traitement du coronavirus, conformément au droit international et aux normes sur les conditions de détention.