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Intellectuels et artistes dans la guerre …
Publié dans Le Temps le 11 - 04 - 2020

En période de guerre, les intellectuels doivent s'impliquer d'une quelconque manière dans les combats. Ici, il ne s'agit pas d'aller sur les fronts de bataille, mais plutôt de faire face à un virus, le redoutable ennemi, et de rester confinés. Pour certains, le confinement a perturbé leur vie professionnelle et ce n'est évident pour personne, quand on a l'habitude de circuler librement. On passe par une phase où on se pose beaucoup de questions. Que faire quand on est poussé à meubler le désœuvrement, à se confiner dans l'immobilité et à vivre une réelle hibernation.
Emouvants témoignages par les belles plumes des confrères ayant collaboré durant de longues années avec le journal Le Temps : Badreddine Ben Henda (universitaire et écrivain), Nadia Zouari (artiste peintre et critique d'art), et Kamel Ben Ouanès (universitaire et critique de cinéma).
Badreddine Ben Henda : universitaire et écrivain
Le confinement a perturbé ma vie professionnelle surtout. Oui, la classe me manque, et je vais bientôt expérimenter l'enseignement à distance comme beaucoup de mes collègues. Pour le reste, j'ai déjà pris l'habitude de passer le plus clair de mon temps à la maison. D'ordinaire, je sors le matin, de 10 heures à midi, pour prendre un café et voir des amis en centre ville. A la place, maintenant, je travaille sur mon ordinateur : trois heures le matin, deux l'après-midi. Sinon, je regarde la télévision et principalement les divertissements et les séries policières sur les chaînes françaises.
En tant qu'homme de culture, je fais ce que font les écrivains tunisiens en ce moment : écrire ! Après le confinement, vous verrez le nombre de livres qui paraîtront ! Ils auront tous l'épidémie comme toile de fond ou comme thème premier. Mon roman à moi ne diffèrera pas du lot. J'écris à mon rythme chaque jour une dizaine de pages. Mais je ne sais pas ce qu'il en restera à la fin.
Chez moi, le silence règne pratiquement toute la journée ! Personne n'est dérangé par personne. Ou presque ! Dans l'ensemble, on ne s'ennuie pas vraiment. Chacun de nous trois, s'occupe comme il peut et comme il veut entre les murs de la maison et du jardinet. Nous prenons les choses avec une sorte de fatalisme et de réalisme à la fois. L'avantage pour moi, c'est aussi de me coucher tôt le soir et de prendre ma sieste quasi quotidiennement. Donc, même si le confinement durait jusqu'à l'été, je n'en serais personnellement pas perturbé outre mesure. Par ailleurs, il faut que tout le monde s'y fasse pour notre intérêt et pour notre survie.
En période de guerre, les intellectuels doivent s'impliquer d'une quelconque manière dans les combats. A défaut de pouvoir m'engager dans une action sociale ou humanitaire, je garde la maison, et c'est là un devoir de citoyen et de patriote. C'est plus reposant, il est vrai, de rester chez soi ! Mais, par le livre que j'écris et que je compte publier, je suis un peu dehors aussi, sur le terrain, sur le champ de bataille. La plume est une arme de combat, non ? Je dis cela un peu aussi pour avoir bonne conscience. Parce qu'en fait, je suis un activiste de la première ligne. Cette fois-ci, je n'ai plus mes 20 ans, alors je m'active tel qu'un intellectuel de 65 peut le faire ! A distance ! Et avec calme !
Nadia Zouari, artiste peintre et critique d'art
Juste avant cette période de confinement, nous organisions une exposition solidaire « Solid'Art 2020 » pour laquelle j'ai œuvré en tant que commissaire. Ça nous a demandé beaucoup d'énergie mais quand on sait que les œuvres vendues l'étaient au profit des enfants handicapés, cela décuple les énergies. Je remercie d'ailleurs encore, les 42 artistes qui y ont participé avec 65 œuvres. Après ces mois de dynamisme et de mouvement, le Covid19 est arrivé ; il nous a tronqué les deux derniers jours d'exposition. Mais heureusement, l'expo a connu un vif succès. Alors bien sûr, le confinement n'est évident pour personne. Quand on a l'habitude d'aller et venir librement, on passe par une phase où on se pose beaucoup de questions. Puis on s'organise pour essayer d'optimiser ce temps passé chez soi. On s'occupe des enfants et de leurs cours en ligne, on cuisine, on range, on lit, on bouge, on fait du sport…
Puis, j'ai la chance d'avoir mon atelier à la maison, alors cela me permet de respecter le confinement tout en continuant à travailler. Comme j'ai des commandes d'avant confinement, j'essaye de continuer pour les honorer. Je dois dire, que les premiers jours, je n'arrivais pas à peindre, sans doute submergée par toutes ces informations qui disaient tout et leur contraire. Puis on prend du recul et on s'y remet. Je devais partir à Paris début avril, invitée par le Musée Matisse, en tant qu'auteur et critique d'art. J'ai collaboré à leur catalogue pour une exposition qui durera une année. Bien sûr, cette exposition a été également ajournée. Nous n'avons pas encore les dates. Bien sûr, j'ai des projets pour l'après Corona virus, mais il est encore trop tôt pour en parler. J'espère juste que cette période ne durera pas trop longtemps, et qu'il n'y aura pas trop de ravages. Si on en sort indemne, alors on saura aimer les bonnes personnes, profiter des bons moments en nous disant, que rien n'est acquis et que tout doit être apprécié à sa juste valeur.
Kamel Ben Ouanès, universitaire et critique de cinéma
Que faire quand on est poussé à meubler le désœuvrement, à se confiner dans l'immobilité et à vivre une réelle hibernation ?
Rien ! Et voilà la redoutable question : que faire de ce rien, comment le gérer, l'amadouer pour qu'il ne s'impose pas à nous telle une condamnation, une assignation à résidence ? Accepter ne rien faire, est insupportable. Mais, envisager d'entreprendre plusieurs choses, est une chimère, une utopie. Alors, il faut s'imposer une hygiène simple et réaliste. C'est ce que j'ai essayé de faire sans prétention : dépoussiérer ma bibliothèque, revisiter pas seulement les livres, mais aussi les documents, notes, brochures et dossiers qui s'entassent et s'incrustent pêle-mêle entre les bouquins. Et voilà ce qui était conçu comme un simple exercice de rangement et de nettoyage, s'avère une réelle aventure qui mobilise le corps, l'esprit, la mémoire et l'émotion.
Revisiter ma bibliothèque avec une large disponibilité m'a conduit à vivre une incroyable immersion dans mon être. Tout le film de ma vie s'affiche telle une fulgurante éruption. Voilà un roman que présenté il y a vingt ans dans la page littéraire du journal « Le Temps ». Juste à côté, les Actes d'un colloque sur Georges Perec où j'ai présenté une communication. Puis, à l'autre bout de rayonnage, quelques dossiers qui regorgent de documents divers : des lettres, d'ébauches de nouvelles ou de scénarios, et quelques bribes d'essais poétiques sans valeur notable, mais qui avaient sûrement un sens et une légitimité, il y a quelques décennies.
Comment nettoyer tout cela, mettre de l'ordre, m'ingénier à trouver un meilleur classement ? J'ai tout le temps. Je suis en confinement. Un vaste chantier se dessine devant moi, belle besogne face à ce redoutable fléau qui rôde autour de nous dans nos rues et nos artères, tel un monstre qui vient tout droit de la mythologie antique.
Alors, faute d'être toujours happé par l'agitation de la ville, moi qui ne travaille que dans les cafés, je me trouve enclavé dans l'intimité de mon foyer, et poussé de surcroît à me déplacer, à voyager, pérégriner dans les méandres de la mémoire, par le truchement inopiné de ma bibliothèque. Et voilà que le moi, après un temps incommensurable, trouve finalement l'opportunité, de rencontrer moi-même.
Témoignages recueillis par :


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