Nous avons en Tunisie une soif d'échanges et de débats sur tous les sujets. Les espaces susceptibles d'étancher cette soif sont de plus en plus nombreux. Concernant les cercles littéraires, par exemple, ils se multiplient notamment dans les espaces culturels publics. Mais leur nombre reste très réduit dans le domaine privé. Il existe, à ce propos, un nouveau club de lecture créé il y a moins d'un an et qui a élu domicile à l'intérieur d'une librairie distinguée de la banlieue-nord de Tunis. Ce petit cercle s'appelle « Les Lundis du Capitaine ». C'est son animateur, François-Georges Bussac, écrivain et enseignant français passionné de littérature et amoureux de la Tunisie, qui nous en parle. Le Temps : Commençons par une présentation de votre petit club littéraire… François-Georges Bussac : Les Lundis du capitaine sont nés en 2009 autour d'un thé à la menthe à la librairie Art Libris, espace ouvert depuis deux ans du côté de Carthage Salammbô, en face du stade du Kram. Son directeur Abderraouf Dakhlaoui y propose à ses clients les dernières parutions en arabe et en français, et plus particulièrement celles des nombreuses maisons d'édition tunisiennes. Tous les vendredis, et souvent les samedis aussi, on y présente les derniers livres publiés. Mais l'espace abrite aussi une galerie d'art qui tient lieu en même temps de salle d'échanges littéraires et culturels. C'est là que nous tenons nos rencontres des Lundis du Capitaine, qui ont lieu entre 17 heures à 19 heures. Pourquoi ce nom un peu étrange donné au club et quelles sont les intentions qui ont présidé à sa création ? Je ne sais pourquoi on me nomme « Capitaine »; c'est peut-être pourquoi j'ai baptisé le lieu où j'écris, à La Goulette, « Le Sémaphore » ! J'aime lire à haute voix de beaux textes, et Raouf Dakhlaoui qui dirige Art-Libris aime les livres, les auteurs, les éditeurs. Ces rendez-vous réguliers permettent de faire partager à des groupes de 15 à 20 personnes, selon le sujet, la découverte ou la redécouverte d'auteurs d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Les textes, les styles, les émotions, enfin la littérature, quoi ! En effet le programme des Lundis de l'année 2009-2010 se veut une promenade sans prétention dans les littératures « d'hier » (Chateaubriand, Proust, Eberhardt,…), « d'aujourd'hui » (Michon, Yourcenar, Colette Fellous, Moncef Ghachem…) et de « demain » (textes non encore parus). Manifestement, la musique compte beaucoup pour vous dans l'accompagnement de la lecture. Comment expliquez -vous cette heureuse rencontre ? L'idée nous est venue d'une belle expérience vécue à l'occasion du lancement d'une nouvelle collection baptisée Livres en musique. On avait alors enregistré, sur des improvisations musicales effectuées par de jeunes musiciens tunisiens, la lecture de quelques extraits de mon dernier roman Le Jardinier de Métlaoui. Qui choisit les auteurs et les textes à lire ? Le public qui assiste à vos séances fait-il des suggestions dans ce sens ? Je propose ces lectures et parfois j'invite des «connaisseurs», comme Sélim Lafiff pour Yourcenar, ou Sémira Chaouachi pour le Voyage de Chateaubriand. Justement, parlez-nous du public des Lundis du Capitaine. Sont-ils nombreux ceux qui s'abonnent et se présentent à votre club ? S'agit-il d'une sélection d'intellectuels d'un certain âge ou bien d'une assistance plus hétérogène ? Le public ? Un petit groupe de fidèles, et à chaque fois des curieux nouveaux, parfois plus jeunes. Pour Proust, des étudiants se sont présentés à chacune des trois sessions de deux heures qui furent consacrées à cet écrivain. Cela dit, je propose mes Lectures dans d'autres lieux, notamment auprès des étudiants, comme ce fut le cas récemment à Gafsa ou à Tozeur à l'invitation de leur recteur. Comptez-vous renouveler l'expérience l'année prochaine ? Bien sûr, je compte bien, inchallah, continuer l'an prochain, tout en poursuivant mes activités d'enseignant et d'écrivain. Je publie bientôt aux éditions La Nef, un recueil de nouvelles intitulé «Eclats du Sémaphore». Quels sont les prochains rendez-vous des Lundis du Capitaine ? L'actualité ? Lundi prochain 5 avril, c'est autour (et avec) le poète Moncef Ghachem, L'homme qui parle aux poissons. Et le 12 avril, la rencontre portera sur Le Clézio, à l'occasion de son soixante-dixième anniversaire, et s'attardera sur ce dialogue poignant qu'il instaure entre Esther la Juive et Nejma la Palestinienne. Propos recueillis par Badreddine BEN HENDA