Le ministre d'Etat auprès du chef du gouvernement chargé de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption vient de donner sa version de l'octroi, via le ministère des Affaires sociales d'une assistance financière à 4000 employés de la fonction publique. Selon le ministre d'Etat, il s'agissait d'une «erreur» imputable à la non-actualisation de la liste des familles nécessiteuses «depuis plusieurs années». Il a ajouté qu'entretemps, certaines personnes ont rejoint la fonction publique, et, de ce fait, ne sont plus éligibles à de telles assistances. Cette version tient-elle la route ? Absolument pas ! Par un simple exercice de traçabilité préliminaire, il s'avère que la partie « lésée » est celle qui a été à l'origine de la découverte de « l'erreur » en question, le ministère des Affaires sociales. C'est ce département qui a été le premier à alerter sur l'affaire tout en entière. Donc, le ministère ne peut être tenu pour responsable d'un tel concours de mauvaises circonstances. D'autre part, le ministre d'Etat a dispatché aux différents départements la fonction de châtier les employés qui ont reçu, à mauvais escient, des mandats de 200 dinars, arguant que la loi considère comme délit le fait de « recevoir » une somme d'argent « indue ». Une explication de la loi qui laisse pantois ! En termes plus simples, et afin d'enfoncer quelqu'un, comme le ministre lui-même d'ailleurs, il suffit de lui envoyer « gratuitement » de l'argent sur son compte bancaire ou postal, qu'importe. La volonté délictuelle du bénéficiaire n'est plus de mise dans la qualification des faits. Bizarre de la part d'un ministre d'origine juriste. Dans le cas de l'espèce, nous avons bien noté que le ministre d'Etat a renvoyé l'affaire aux règlements administratifs et non à la Justice. Non moins curieuse, celle-là aussi. Des diversions à tour de bras ! Et puis il y a la masse des bénéficiaires ! 4000 selon les uns et 6000 selon d'autres estimations. Il ne s'agit plus de personnes isolées que l'on peut interroger un à un, mais d'une véritable marée humaine qui risque de donner des réponses à peu près identiques, et soulever par-là la suspicion d'un mouvement bien organisé, et bien réfléchi, mais à un étage que le ministre semble ignorer, ou couvrir, lâchons le mot, sciemment. L'histoire proche de notre sainte révolution nous enseigne que l'affaire trouve ses origines dans l'amnistie générale bricolée sous le règne fébrile de Fouad Mebazaa et Béji Caïd Essebsi. Un tac-au-tac au règne sortant de Ben Ali, dans lequel on a fourré avec les islamistes bien d'autres catégories de « militants » et de repris de justice de tous poils. Vue de cet angle-là, cette masse dépasse de toute évidence les 6000 estimés à la découverte du pot aux roses. Elle se présente plus comme « un réservoir » électoral à un parti en perte de vitesse d'une élection à l'autre. Le ministre d'Etat a lâché un chiffre qui ne laisse aucun doute sur la nature de l'acte à l'examen. Il dit que l'« erreur » porte en fait sur l'inscription de 600 mille personnes et non moins, que plusieurs services administratifs s'attelaient à inscrire, et que c'est le ministère des Affaires sociales qui, seul a travaillé sur ce dossier pendant la période du confinement. 600 mille, ce n'est pas une catégorie, c'est plutôt un réservoir électoral que l'on soudoie sans vergogne avec l'argent, non pas du contribuable, mais des plus démunis de ce vaillant peuple. Et c'est ce qui explique l'acharnement du parti Ennahdha sur le Centre National de l'Informatique (CNI), lors de toutes les tractations sur la formation des gouvernements successifs depuis 2012. Les manœuvres autour du CNI L'étendue du désastre ne se limite pas au ministère des Affaires sociales. Jugez-en par vous-même, cette coquette explication donnée par le ministre d'Etat Mohamed Abbou : Le ministère des Affaires sociales est l'un des départements dont les services administratifs ont continué à travailler pendant la période du confinement, à côté du secteur de la Santé et des autres secteurs actifs. Dans ce contexte, le ministre d'Etat, évoque une éventualité qui frise la réalité toute nue. Quand il parle de la santé, il y a tout lieu de croire qu'il fait au moins allusion à des dégâts autrement plus graves de cette «erreur», entendez les soins médicaux, et les caisses sociales et autres compensations. C'est dire en termes intelligibles que la Tunisie actuelle fait vivre, soigner, et entretenir 600 mille personnes sur le compte de l'effort national d'épargne sociale. Ainsi, on n'est plus face à une erreur, encore moins à une faute, mais à un délit d'Etat, ce que les médias Main Stream appellent «un scandale d'Etat». Avec pour instrument et centre névralgique, le CNI. Pour faire court, et pour le moment, le ministère public doit diligenter un audit technique poussé et pointu sur les listes et la gestion des données enregistrées chez ce centre (hub), chez qui tous les ministères et les administrations de l'Etat sont clients. Car avec l'identifiant national seul, soit le numéro de la carte d'identité nationale, aucun risque de confusion ne peut persister. Assez d'atermoiements sur les droits d'un citoyen dont la confiance en l'Etat s'érode à mesure que réussissent ces agissements mafieux touchant désormais ses données les plus intimes. Un nettoyage qui dépasse les simples accointances politiques du moment. IL y va de la pérennité de l'Etat. C'est la Justice qui doit se saisir de cette « erreur », et non le super ministère de M. Abbou ! Et si par malheur, l'enquête révèle que les données des citoyens ont été communiquées à une partie étrangère (gouvernement ou société civile), quelle qu'elle soit, c'est la Justice militaire et le Conseil National de Sécurité qui doivent trancher. Les fournisseurs d'accès Internet y seront d'un grand secours.