Musicien, luthiste, Jamal Chabbi est compositeur et interprète. Sur scène depuis trente ans, en tant que soliste ou accompagné par son groupe « El Fannenin », il a participé à plusieurs festivals nationaux, soirées ramadhanesques et poético-musicales dans les plus prestigieux lieux culturels de la Medina de Tunis. En dehors de nos frontières, il s'est produit sur la rive nord de la méditerranée, à Naples, Trapani et Milan en Italie. Son dernier spectacle « Naghamet Tounsia – La Belle Epoque », a eu lieu à la Maison de la Culture Ibn Khouldoun dans le cadre de l'Octobre musical 2019 ; un voyage dans la mémoire de la plus belle musique tunisienne: Salah Khémissi, Hédi Jouini, Ali Riahi, avec la présentation des morceaux sur la musique de Chabbi. Silence et solitude Avant tout, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à m'exprimer à propos de ma manière de vivre le confinement en ces temps de pandémie qui semble avoir étendu ses tentacules aux quatre coins de la planète. Pour ma part, je vis dans la Médina de Tunis depuis que je suis né, et je passe beaucoup de temps chez moi, seul avec ma musique, mes livres, la poésie et l'art… Mais cette période de confinement global a accentué la notion de silence, et le sentiment de solitude durant mes journées : la vie vibrante, les sons, les coins inconnus que j'adore capter avec mon appareil photo, le contact avec les artisans, les habitants du quartier, les échanges et les discussions avec les amis autour de moi et qui donnent l'élan à mes compositions, me manquent déjà… Pour accuser le coup, je me dis que j'ai seulement élargi sur la journée, ma solitude habituelle qui est en fait, source de richesse artistique et créatrice. Mais c'est aussi, depuis qu'ils ont annoncé les restrictions à cause de la propagation du Covid19, une occasion de meubler son temps, réfléchir sur comment garder le lien avec son public, et partager la joie en jouant de la musique. Le rendez-vous de 18H00 La programmation de Ramadan étant annulée, les rencontres impossibles, j'ai tout de suite décidé d'utiliser la communication digitale et ma page Facebook : JamelChabbifannen. Mon projet a commencé depuis le 16 mars dernier, en partageant tous les jours vers 18H00, cinq minutes de musique, en alternant musique tunisienne populaire, et autres chansons de ma composition. La réponse à mon initiative a été touchante et étonnante à la fois, côté réactions du public. Les milliers de contacts que j'ai pu avoir, m'ont donné raison et ont montré que mon but était atteint dans la mesure où les gens cherchaient effectivement à retrouver dans l'art en cette période de confinement, une sorte d'apaisement et de soulagement pour l'âme et l'esprit. Pour mon plus grand bonheur, j'ai retrouvé les collègues et les anciens élèves de mes années d'enseignement à Gabes. J'ai réussi aussi, à garder le contact avec mes actuels élèves à Sidi Sabeur. J'ai fait la rencontre virtuelle d'artistes, luthistes, violonistes, chanteurs et chanteuses, et pas seulement tunisiens. Avec toutes ces personnes qui réagissent à la vidéo partagée chaque jour, je peux discuter, donner suggestions, parler de culture et d'art… Enfin, j'ai pu avoir, à travers les techniques digitales, la possibilité de reprendre le travail musical avec les jeunes de mon groupe « El Fannenin ». C'est sûr, que la pandémie et le confinement vont changer à fond notre approche de la vie, surtout nous, les artistes. La reprise ne sera pas pour demain, ni d'ailleurs, l'occasion de revoir les coulisses d'un théâtre, de revenir sur scène et ressentir la chaleur et les encouragements de son fidèle public. Pour le moment, je continue à rêver… et chaque fois que je m'habille, je choisis mon papillon du jour, et j'enregistre le morceau pour le rendez-vous de 18 heures … Car, de l'autre côté de l'écran, il y a des personnes qui chanteront avec moi. Témoignages recueillis par :