Se réjouir de la bonne dynamique actuelle dans la lutte contre le coronavirus est-il pour autant synonyme de « jubiler », en grande pompe et tambours-battants, matin et soir et à longueur de journée, les « hauts faits », tantôt réels, tantôt fictifs, de certains « généraux de guerre », ostensiblement impatients de se couvrir de lauriers ; quand bien même le chemin reste-t-il encore long et qu'ils auront forcément plus tard, et à leur aise, tout le temps du monde pour s'endormir carrément sur leurs lauriers, s'il en est, et s'ils en éprouvent incessamment le plaisir, d'un sommeil mérité, paisible et victorieux ; et bien sûr à condition que l'on arrive à sortir définitivement victorieux, contre cet ennemi qui, hélas, ne connait certainement pas le sommeil, et encore moins les lauriers ? Il est certes difficile –ô combien difficile !- de ne pas s'emballer ou de ne pas se laisser emporter par la joie, si ce n'est d'être carrément au septième ciel à la vue de ce chiffre « zéro », devenu synonyme de victoire et de salvation, surtout lorsqu'il se plait tant à s'exhiber dans toute sa rondeur resplendissante pour la deuxième soirée consécutive, et de croiser gaiement les doigts tout en espérant qu'il soutienne la cadence et prenne enfin l'habitude de se manifester quotidiennement et aussi longtemps qu'assidûment possible, en illuminant un peu plus, à chaque apparition, le bout du tunnel, jusqu'à ce que l'on ait irrémédiablement la certitude de s'en être sorti, une fois pour toutes, pour ne jamais daigner un jour y retourner. Le général « Mekki » porté au pinacle Toujours est-il que pour Abdelkrim Harouni, comme pour Noureddine Bhiri, qui ne retiennent désormais plus leurs langues dans les médias, ou pour les partisans virtuels du mouvement Ennahdha, décidément déchainés sur les réseaux sociaux, cela ne fait désormais aucun doute : il faut tresser vite les couronnes et désigner, rapidement et dès maintenant, le « grand artisan », le « maître d'œuvre », le « grand sauveur de la Nation », qui n'est autre, bien sûr pour eux, que le « général » Abdellatif Mekki, à qui l'on attribue intégralement tous les « mérites » de la gestion de la corona-crise, et à qui l'on associe décidément, bien sûr à tort et à travers, toutes les mesures prises par le gouvernement depuis le début de ladite crise. Toutes les mesures sauf, bien évidemment, celles qui concernent les mosquées et les prières collectives durant le mois de Ramadan. Celles-là, on se plait ouvertement à les « plaquer », posture idéologique oblige, sur le dos de Fakhfakh, qui a commencé dernièrement à être la cible de toute une campagne méthodique de dénigrement, menée brusquement et non étrangement par les islamistes, visant à déprécier son rôle, en tant que président du gouvernement, dans la lutte de l'Etat tunisien face au coronavirus, au dépens de celui joué par le « général ». Fakhfakh dans le viseur d'Ennahdha ? Indépendamment du sobriquet «le général» qui a l'air, soit dit en passant, de plaire énormément au principal intéressé, la campagne de propagande nahdhaoui, doublée d'une campagne de minimisation du rôle joué par Fakhfakh, et encore moins celui de tous les soldats de l'ombre, médecins et cadre soignant en tête de liste, fait poser aujourd'hui plus d'une question, notamment quant à l'avenir et au sort du gouvernement actuel, dont la composition a été soudainement reprise à l'ordre du jour, et redevenue au cœur des préoccupations de toute la classe politique du pays. Une campagne qui coïncide bizarrement aussi, avec une série de «manœuvres» politiques, notamment une éventuelle participation, qui a toujours été problématique, de Qalb Tounès dans le gouvernement, aiguillonnée clairement par le mouvement Ennahdha, et qui a été remise récemment au goût du jour. Ennahdha voudrait-elle seulement isoler Abir Moussi et son PDL dans l'opposition ? Ou viserait-elle carrément une redistribution complète des cartes au sein du gouvernement ? Voire tout bonnement la chute de celui-ci ? Et dans ce cas, Abdellatif Mekki serait-il le candidat choisi par Ennahdha pour remplacer Fakhfakh ? Bien sûr, on ne fait que poser les questions, surtout que la propagande pro-Mekki, menée à cor et à cri par les nahdhaouis, et qui bat son plein ces derniers jours, est tout sauf innocente. En tout cas, force est de constater qu'à peine la situation épidémique du pays s'est-elle améliorée, ces derniers jours, que les islamistes se sont vivement remis à leurs magouilles habituelles et à leur éternelle guerre de positionnement et de repositionnement. On se demanderait même s'ils avaient vraiment cessé de le faire en plein milieu de la crise…