A presque 25 ans, Yannick Damasy Tia-Ray Savy, de son nom d'artiste Damasy, est auteur, compositeur et interprète couru aux Seychelles. Il y a de quoi quand on sait que sa carrière musicale commence alors qu'il n'avait que... 13 ans. C'est à cet âge qu'il est repéré par Elijah, un grand artiste seychellois, avec qui il collabore sur un morceau de l'album de ce dernier, «Ghetto Fabulous». A 15 ans, Damasy sort son premier album, «Pa pe kapab kalibre», que l'on peut traduire par «On ne peut pas le calibrer». Entre 2013 à 2017, il met sa carrière musicale entre parenthèses pour faire des études en France. A son retour aux Seychelles, il renoue avec la musique avec deux mixtapes, «La Défense» puis «Kosovo Landwar», un hommage au quartier dans lequel il vit. 2020 devrait être l'année de son deuxième album, produit par son propre label «Smog Recordz». Voyage à la découverte de la culture seychelloise et de l'artiste... LE TEMPS : Quand on dit Seychelles, on pense tout de suite à tourisme. Mais qu'en est-il de la Culture ? DAMASY : La culture seychelloise est riche et très vaste car la culture créole s'est formée d'un mélange. Elle date de l'esclavage. On a donc des similarités culturelles occidentales venant des colons et africaine venant des esclaves. Aujourd'hui la culture est toujours présente malgré l'ouverture à la mondialisation du pays qui a un contrecoup. Mais que ce soit dans les plats, les musiques, il y a toujours une touche culturelle assez présente. Néanmoins, ce n'est que mon avis mais c'est ce que je constate. Une culture est toujours en évolution contrairement aux traditions. Aux Seychelles, cette évolution culturelle pose problème. Il y a un gap (un décalage) entre les plus anciens qui veulent garder la culture créole seychelloise comme elle l'est et les plus jeunes qui veulent apporter leur pierre à l'édifice. On est très fiers de nos patrimoines que ce soit au niveau de la danse avec le kanmtole, la musique avec le sega, le moutya. On a, d'ailleurs, un festival qui se déroule tous les ans au mois d'octobre pendant une semaine, le Festival Kreol, qui célèbre la culture créole dans la capitale du monde créolophone,Victoria, capitale des Seychelles. Quel est le domaine culturel le plus avancé aux Seychelles ? Je dirais la musique. Mais chaque domaine culturel a son importance. Les Seychellois aiment beaucoup faire la fête donc ils dansent beaucoup ce qui fait que la musique possède une grande importance dans notre manière de vivre. C'est notre façon d'oublier la réalité qui n'est pas si simple que ça malgré qu'on soit dans un beau pays. D'ailleurs le moutya est une musique que les Seychellois aiment beaucoup ; ce sont des chants d'esclaves qui racontent leur dur réalité. Bien qu'aujourd'hui la situation n'est plus la même, la vie, en général, nous laisse souvent un goût d'inachevé. La danse est un domaine pour lequel le ministère de la Culture fait beaucoup d'efforts pour le transmettre aux plus jeunes. Dès le primaire, durant les activités extra-scolaire, des professionnels enseignent les différentes danses traditionnelles : le sega, le moutya, le kanmtole surtout, une danse de salon. Donc, je dirais de mon point de vue que la danse et la musique sont assez avancées mais il y a toujours de la place pour mieux faire. Vous êtes dans la musique depuis votre adolescence. Quelles sont les difficultés rencontrées dans ce domaine dans votre île ? Dans la vie rien n'est facile, rien n'est donné. Les difficultés c'est ce qui rend le trajet de notre vie intéressant. Mon parcours musical se définie par des hauts et des bas. Quand tout va bien j'en profite et quand ça ne va pas, j'apprends. J'ai commencé à l'âge de 13 ans grâce à Elijah un chanteur très connu aux Seychelles. Après cette collaboration, j'ai tout de suite voulu monter mon propre label de musique bien qu'on ne savait même pas comment marchait le business de la musique à l'époque. Les premières difficultés étaient financières, comment payer le studio d'enregistrement. On devait économiser pendant des mois pour enregistrer une chanson. Mais c'est ce que l'on appelle la passion et l'amour. Aujourd'hui les difficultés ne sont plus vraiment les mêmes. La plupart des artistes ont la même difficulté : celle de s'exporter à l'étranger pour atteindre un public plus large. Avec seulement 90 mille habitants aux Seychelles, c'est compliqué de se projeter sur le long terme. La population est trop faible ce qui fait qu'on est dans l'obligation de trouver une exposition au niveau de l'Océan Indien, voire plus, l'Afrique. Mais il n'y a pas assez de débouché. Depuis 30, voire 40 ans, les artistes seychellois stagnent sur le marché local. Mais depuis ces deux dernières années, on sent un vent de fraîcheur. Et peut-être qu'avec les plateformes digitales, on a plus de chance d'être exposés davantage. Quels sont les genres musicaux que l'on rencontre aux Seychelles ? Aux Seychelles, il y a de tout. Mais depuis ces dernières années, l'influence des jeunes artistes puise sa source dans ce qui fait de mieux aux Etats-Unis et en Jamaïque. En ce moment, on a beaucoup de dance hall, du hip-hop, de la pop, un peu de rock et après des genres un peu plus culturels comme le sega et le moutya. Les Seychellois aiment plus les musiques rythmées. C'est, donc, pour cela que ces genres musicaux sont très écoutés. Dans quel style musical vous situez-vous ? Pour ma part, je suis plutôt polyvalent. J'aime naviguer entre les styles faire des mélanges. Je fais ma musique à l'instinct et après, selon le résultat, je décide avec mon équipe si l'on garde ou pas. Mais je suis un rappeur à la base donc le hip-hop, bien qu'aujourd'hui on dit rap tout court, est le style que j'affectionne le plus. Mais j'aime aussi le dance hall, la pop. J'aime me sentir libre donc je ne me renferme pas dans un style particulier. Ça me permet de développer ma palette artistique aussi. Etes-vous auteur, compositeur, ou uniquement interprète ? Je fais les trois. Depuis mes débuts j'écris mes textes. A partir de 2013 j'ai commencé à composer moi-même mes productions, aujourd'hui j'ai toute une équipe qui travaille avec moi. D'ailleurs, je les remercie tous. En fin de compte, ce qui fait l'artiste c'est tout ceux qu'il a derrière lui. Le manager, producteur, le directeur artistique. Sans eux les choses seraient encore plus difficiles. Mais je prends du plaisir en faisant les trois, j'ai toujours aimé donc je continue. Est-ce que le fait d'avoir un père poète influence votre écriture ? Avant oui, il m'a influencé dans le sens où il m'a transmis le goût de l'écriture. En le voyant écrire cela m'a donné cette envie de vouloir faire pareil. Il m'a donné des conseils étant petit pour former de meilleures rimes mais on n'a jamais réellement travaillé ensemble artistiquement. Je pense qu'il est temps de le faire avant que ça ne devienne un regret. Il m'a parlé d'un projet d'album de slam qu'on fera à deux. Je pense que ça pourrait être une bonne idée. Arrivez-vous à vous exporter ? Mise à part Dezil de 2004 à 2006 qui ont eu du succès en France, les artistes seychellois en général ont du mal à s'exporter. On essaye tant bien que mal mais on souffre d'un manque d'exposition alors qu'avec Internet aujourd'hui c'est beaucoup plus simple de faire voyager ces morceaux et clips vidéos. Néanmoins, on continuera d'avancer et un jour atteindre un certain niveau. Vous avez créé votre propre studio d'enregistrement. Pourquoi ? Tout d'abord pour moi, parce que j'enregistre beaucoup donc ça me facilite. Mais c'était logique pour moi d'avoir un studio, j'aime produire. J'ai aussi un label donc des artistes que je produis et le studio est à leur disposition aussi. On essaye de nous mettre dans les meilleures dispositions possibles pour faire un travail de bonne qualité. C'est important pour moi. Qui peut y avoir accès ? Au studio ? C'est simple il faut être sous contrat avec mon label. Pour le moment on gère cinq artistes dont moi. Donc, c'est un petit label indépendant avec beaucoup d'ambition et d'envie de faire bouger les choses. Quels sont vos projets ? Pour cette année j'ai un album qui sort fin août. Je suis concentré sur ça en ce moment. Et pour la suite continuer à produire. Propos recueillis