Musicien professionnel, Moncef Genoud l'un des artistes de Jazz suisses de premier plan, nous a introduit samedi dernier, dans le cadre de "Dar Sebastian fait son opera", dans le doux univers du jazz avec le batteur Malek Lakoua. Cette star du jazz ne cesse de s'affirmer au fil des manifestations musicales. Son dernier album « Aqua » a reçu les éloges de la plupart des titres de la presse spécialisée suisse, américaine, japonaise et européenne. Voyageur inguérissable, il aime à découvrir lors de chacun de ses périples, de nouveaux lieux, d'autres cultures et saveurs musicales. Entretien. Le Temps : Commençons, si vous le voulez bien, par vos débuts dans la musique… M.Genoud : J'ai commencé, vers l'âge de 6 ans à prendre des cours de piano, sur le conseil de mon père adoptif qui était un grand fan de Jazz. Il passait souvent des disques de Louis Armstrong ou Fats Waller à la maison. On s'est vite aperçu que j'avais une mémoire auditive assez développée, ce qui m'a permis d'apprendre et de rejouer à peu près n'importe quelle pièce par cœur. Vous considérez-vous comme un pianiste de « Jazz » exclusivement ou jouez-vous d'autres styles (variété, rock…) ? Mon style est ce qu'on appelle “straight ahead Jazz”, donc du Jazz classique (par opposition au Smooth Jazz, au Jazz Fusion, etc), mais j'ai déjà participé à plusieurs projets qui conjuguaient divers styles, notamment avec mon ami Youssou N'Dour à l'occasion de projets que nous avons développés en commun. Pouvez-vous nous parler de la rencontre avec Malek Lakhoua ? Malek est un ami que j'ai connu il y a 4 ou 5 ans lors d'une édition de la série "Couleurs Jazz" de Sidi Bou Saïd à laquelle j'ai eu l'honneur de participer à plusieurs reprises. Il est journaliste mais c'est aussi un batteur de jazz bénéficiant d'une grande culture et d'un style intéressant. C'est quelqu'un d'extrêmement gentil et le courant a tout de suite passé entre nous. La symbiose qui existe entre nous est due à notre amitié, c'est toujours agréable de jouer avec quelqu'un avec lequel l'on s'entend bien. De plus, nous avons les mêmes références et quand on joue ensemble, nous cherchons d'abord à nous amuser. Quelle appréciation portez-vous sur le jazz en Tunisie ? On trouve en Tunisie d'excellents musiciens qui sont originaux, Fawzi Chekili, Anouar Brahem, Yacine Boulares, pour ne citer qu'eux. Je pense que le Jazz a un grand avenir en Tunisie car il y a une volonté et une mise en œuvre pour le développer et former les jeunes musiciens. Les acteurs culturels font ce qu'il faut pour que cette musique prospère en Tunisie. Que dire de votre album "Aqua" ? “Aqua” a été mon 10ème album studio. J'ai eu la chance qu'il réunisse un line-up (sortie commune) prestigieux avec, notamment, Michael Brecker, Dee Dee Bridgewater, Bill Stewart et Scott Colley, donc la crème de la crème du Jazz américain. Le projet a été enregistré à New York et produit par C. Chill pour Rollin' Dice Productions, avec lesquels j'ai signé depuis 2004. Je dois dire que les enregistrements ont été vraiment exceptionnels, tous les participants ont donné le meilleur d'eux-mêmes et on a réussi en un temps record à enregistrer des prises remarquables. C'est sans aucun doute mon meilleur disque à ce jour. “Aqua” comprend sept de mes compositions et trois reprises. Le disque est d'abord sorti au Japon, puis aux Etats-Unis, avec le légendaire label Savoy Jazz. Il a été extrêmement bien accueilli par l'ensemble de la presse spécialisée américaine, japonaise et européenne. Quelle relation avez-vous avec le piano en tant qu'objet et instrument ? Le type et la qualité du piano ont une importance primordiale pour moi. Je suis habitué à jouer sur de bons pianos et il m'est extrêmement difficile, voire impossible de jouer sur un mauvais. Mon manager dit toujours que c'est comme demander à Roger Federer de jouer avec une raquette en bois et une balle de ping-pong ! Je sais que pour le grand public, un piano, c'est un piano, mais il y a un monde de différence entre un piano à queue de concert bien accordé et un piano quelconque. Ça influence complètement ma façon de jouer. Comment protégez-vous votre carrière ? Mon producteur est Rollin' Dice Productions, société basée à Los Angeles, où mon camarade et ami C. Chill (également Tunisien d'origine) produit mes disques et gère ma carrière, mes tournées et mes éditions depuis 2004. Pour ce qui est des labels, vu leur rôle quasiment obsolète de nos jours, on préfère sortir mes disques, sous licence, sur tel ou tel label, en fonction de ce qu'on nous propose pour chaque territoire. Avec Rollin' Dice, on a aussi sorti nos propres albums dans certains pays où la distribution est facilement gérable. Quelles musiques écoutez-vous le plus souvent ? L'album “Anything Goes” de Brad Mehldau, des standards de Bill Evans, ou encore Le “Köln Concert" de Keith Jarrett quand j'ai envie de me détendre. Quels conseils pourriez-vous donner à un jeune pianiste qui voudrait se lancer dans une carrière professionnelle ? Je lui dirais d'écouter le plus de disques possible, d'assister à un grand nombre de concerts, et bien sûr de travailler son piano assidûment, en repiquant un maximum de choses sur des disques, plutôt qu'en lisant des partitions. Quelques indiscrétions sur vos projets ? Je viens d'enregistrer un nouvel album avec mon trio suisse composé de Philippe Staehli et Antoine Ogay. Ça s'appelle “Métissages” et sa sortie est prévue pour janvier 2011. Comme son nom l'indique, c'est un mélange hétérogène de divers styles. Le morceau titre du disque est un solo de piano mélancolique. Je reprends un morceau de Serge Gainsbourg, un autre d'un guitariste brésilien du nom de Toniñho Horta, et l'album se conclut par un arrangement Jazz de “Diabaram” avec Youssou N'Dour et les musiciens du film “Retour à Gorée” auquel j'ai participé. J'ai hâte de pouvoir faire découvrir ce disque à mes publics lors des concerts que je donnerai en 2011 ! Kamel Bouaouina ( Photo: Anoush Abrar/Rollin' Dice Productions.”)