L'envers du décor. D'un côté, les plages ensoleillées, paradisiaques, qui attirent des touristes du monde entier. De l'autre, l'univers plus sombre des sex workers, toxicomanes ou sous méthadone, aux conditions de vie ultra-précaires, en marge de la société mauricienne. Linzy, celle qui a commencé à chanter à 15 ans dans les hôtels les plus luxueux de l'île et que l'on aime surnommer ici "la petite princesse de la chanson", a voulu mettre sa notoriété au service de ces femmes confrontées à de multiples difficultés. L'idée d'un tel projet a commencé à prendre forme dans son esprit au lendemain de son album Breathe Again, paru en 2008 et conçu comme une thérapie par son auteure. "Je voulais extérioriser mes peines, mes douleurs et toutes mes joies. Et je me suis rendu compte que beaucoup de femmes se retrouvaient dans ces chansons", résume-t-elle. Les réactions qu'elle suscite et qu'elle entend l'amènent à réaliser qu'elle a sûrement un rôle à jouer dans ce domaine. L'ex-animatrice "fofolle" de l'émission de télé Sofé ravanne laisse définitivement derrière elle l'image de légèreté qui avait fini par – trop – lui coller à la peau en interprétant de vieux succès du sega remis au goût du jour. Des messages forts L'heure est désormais aux "messages hyper forts". Sur sa route, elle a rencontré le collectif Revey Twa (Réveille-toi, en créole) dont l'une des figures est Bruno Raya, tête pensante du groupe reggae OSB très apprécié par la jeunesse de l'île. Ensemble, ils travaillent sur un CD à vocation sociale, dont les ventes sont destinées à soutenir La Caz A, une structure d'accueil de jour basée à Port-Louis, la capitale. "Un lieu d'écoute, sans paperasserie", résume Linzy. La voilà à l'avant-poste du combat pour défendre les droits des femmes à Maurice, révoltée et compassionnelle. "J'ai été tabassée, divorcée, ça ne m'a pas empêché d'avancer avec ma fille, de vouloir faire plus, même de donner l'exemple", dit-elle sans détour, convaincue qu'il est utile de témoigner. Elle ne cherche pas non plus à transformer la réalité lorsqu'elle évoque les raisons pour lesquelles elle s'est retrouvée au micro afin de distraire les touristes : "Mon père était alcoolique, il avait perdu son boulot, et au même moment un groupe de chez nous qui allait faire les soirées dans les hôtels m'a proposé de l'intégrer, donc pour aider la famille, j'ai abandonné les études". La jeune fille de Quatre Bornes voulait être…policière ! Même si tout, à l'époque, semblait clairement indiquer qu'une autre voie s'ouvrait à elle. Son prénom avait déjà fait le tour de l'île, à la une de la presse locale, quand elle avait remporté en 1991 le concours Star 2000 auquel elle participait pour la quatrième fois consécutive. Premiers pas Un grand-père violoniste de Latanier, formation mauricienne très populaire, une mère guitariste qui monte un orchestre avec ses huit sœurs pour "tourner dans les mariages" : il n'en fallait pas davantage pour que Linzy fasse ses premiers solos au chant à l'âge où l'on apprend tout juste à lire. "A la seconde où j'ouvrais la bouche pour chanter, il y avait cette force, cette énergie qui pouvait dégager quelque chose que moi-même je ne comprenais pas", reconnaît-elle. Dès qu'ils l'entendent au micro, certains voient vite tout le potentiel qu'elle possède. A l'invitation de Bernard Saint-Paul, producteur français et réalisateur d'albums de Véronique Sanson, Alain Chamfort ou Michel Polnareff, elle part pour Paris, des rêves plein ses valises. Le début d'une carrière internationale ? L'aventure dure près de deux ans et s'achève sur une cruelle désillusion. La maison de disques – une major –, qui avait misé sur elle, décide au dernier moment de ne plus la soutenir, alors que le single Un autre horizon commence à être diffusé en radio. L'échec, douloureux, se révèle riche en enseignements. "Musicalement, on voulait m'imposer un style qui n'était pas le mien. On m'avait relookée, avec des rajouts et des longs cheveux tout droits. J'avais même perdu le sourire, le soleil, ce qui fait mon authenticité. Ça m'a cassée, mais ça m'a fortifiée", raconte-t-elle. Pour se rassurer, une fois de retour dans l'océan Indien, elle enregistre pour Gérard Louis, le leader de Cassiya, l'album Saken so valèr (chacun ses valeurs) en 2003. L'univers du sega, s'il l'a fait connaître, n'est pourtant pas vraiment celui qui lui correspond. Une autre expatriation temporaire, en Chine cette fois-ci, la décide à franchir le pas qu'elle n'osait faire : écrire ses propres chansons, pour que ses albums lui ressemblent. (RFI)