Face aux affaires de corruption qui ne cessent de défrayer la chronique, et dont la plupart restent encore sans issue, on est en droit de se poser des questions sur les causes d'un manque de diligence certain dans le traitement de ces affaires, qui nuit au droit à un procès équitable et qui ternit par là-même l'image de la justice. Selon le doyen Carbonnier, la jurisprudence est « appréhendée tout d'abord comme le produit de l'activité judiciaire ». Or celle-ci est tributaire des moyens mis en œuvre par toutes les parties prenantes afin de permettre de résoudre les litiges quels qu'ils soient dans les meilleures conditions et aussi les meilleurs délais et ce, quelle que soient la nature de l'affaire. Or nous avons vu que lorsque le politique intervient dans le juridique, les données sont chamboulées, et les résultats sont faussés. Inutile de ressasser que les affaires d'assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi n'ont pas encore d'issue, et que certains accusés dans des affaires de corruption, se retranchent derrière l'immunité parlementaire, ce qui laisse ces affaires encore pendantes jusqu'à nouvel ordre. Il y a également des affaires dans lesquelles ce manque de diligence a porté du tort à toutes les parties prenantes. Il était donc illégitime d'incriminer à tort tous ceux qui n'ont fait que respecter la procédure et agi conformément à la loi. Or le droit à un procès équitable, est garanti par la Constitution et il implique que les justiciables soient sur un pied d'égalité. Un droit garanti par l'articulation des principales règles de procédure et aussi bien le juge que les justiciables sont tenus d'observer à la lettre. Face à ce manque de diligence Mohamed Abbou, ministre de la Fonction publique de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, a déposé plainte contre l'un des magistrats du tribunal administratif pour retard dans le compte-rendu du jugement, dans l'une de ces affaires. A qui profite le manque de diligence ? Le fait de laisser traîner une affaire peut paraître suspect surtout dans des affaires de ce genre où des milliards sont en jeu. D'autant plus qu'en l'occurrence il ne s'agit que d'un compte rendu de jugement qui n'a pas été accompli. Pourtant la procédure l''impose afin que le jugement puisse être notifié en bonne et due forme. Il y a cependant des cas où le juge procède à des tentatives de transaction que le mis en cause peut revendiquer. Par ailleurs il y a des affaires complexes où les procès-verbaux comptent des milliers de page, tel que l'a déclaré l'ancien chef du gouvernement Youssef Chahed, en parlant de l'une de ces affaires en ajoutant que : « on ne peut pas prendre en compte qu'une seule page, pour faire le buzz ». Certes, ceux qui sont à la recherche du scoop et du buzz, profitent pour semer la zizanie et tromper par là même l'opinion publique. D'un autre côté, Youssef Chahed a déclaré qu'il ignorait les raisons et les circonstances de l'absence du chargé du contentieux de l'Etat au conseil des ministres restreint(CMR), au cours duquel la décision de levée du gel a été prise, signalant qu'il y a eu cinq ou six conseils ministériels dans cette affaire ». Action taxée d'abus de droit par l'AMT C'est dans ce sens que l'association des magistrats (AMT) a énergiquement protesté contre l'action menée par Mohamed Abbou, la qualifiant de « hâtive, car fondée sur des campagnes médiatiques infondées, sur la réputation d'un magistrat ». En tout état de cause il y a toujours l'enquête qui permet en confrontant les moyens présentés par toutes les parties de trancher dans un sens ou dans un autre, de manière équitable et conformément à la loi. Par ailleurs, l'AMT a ramené les causes de ce retard, aux conditions de travail des magistrats, qualifiant la précipitation à déposer cette plainte « d'abus de droit ». Cependant l'AMT reproche par ailleurs au premier président du tribunal administratif le fait de « n'avoir pas informé la chambre ayant émis le jugement objet de la plainte, des demandes de résumé de jugement qui lui sont parvenues » On s'empresse à accuser... sans fondement Ce panorama, dans lequel on cherche à accuser à tort, en ignorant totalement, les règles élémentaires du principe de la présomption d'innocence ne peuvent aucunement contribuer à instituer un climat serein fondé sur la primauté de la loi. Le juge, comme l'affirme à juste titre Anatole France, « n'a pas à rechercher si les lois sont justes, il n'a qu'à les appliquer justement ». Là est toute l'énigme.