La scène politique telle qu'elle se présente de nos jours, n'inspire aucune confiance aux citoyens qui sont dans l'attente d'une lueur d'espoir, face aux tensions continues entre les responsables politiques, dans tous les secteurs de l'Etat. C'est l'expectative, alors que les responsables se disputent le pouvoir. Jamais le pays n'a atteint un tel degré d'animosité entre l'exécutif et le législatif, alors que ces deux piliers de l'Etat sont censés travailler de concert comme l'a affirmé Montesquieu, voilà déjà trois siècles auparavant. Au législatif, c'est la guerre des partis, qui veulent, non seulement imposer leurs points de vue et leurs programmes ? mais détruire et décimer certains autres membres. Le président du parlement fait l'objet d'une motion de retrait de confiance qui aurait recueilli quelque 73 signatures. Il est contesté aussi bien par une grande partie des membres de son mouvement que par ceux de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Il a été, également, indirectement éconduit par le président de la République qui n'a pas du tout apprécié le fait qu'il veuille mener des tractations en vue de changer le gouvernent. Crise : quelle solution sur le plan juridique ? Le chef du gouvernement est actuellement dans une situation hybride. D'une part, il fait l'objet d'une enquête suite à une suspicion de conflits d'intérêts, dont il s'est énergiquement défendu avec son fameux « vous pouvez toujours attendre », et d'autre part, il a annoncé un remaniement ministériel, suite au différend qui l'oppose au mouvement Ennahdha. Un différend qui a amené le mouvement islamiste à appeler à évincer le chef du gouvernement et mettre en place un nouveau gouvernement. Cet appel a été évidemment rejeté par le président de la République Kaïs Saïed, suivi par plusieurs organisations nationales. Elyès Fakhfakh, quant à lui, a expliqué dans un entretien avec les chefs de ces organisations, que les tractations politiques ne sont pas de nature à résoudre la grave crise économique. Priorité est donc à l'intérêt suprême du pays et il n'y a qu'une voie : le respect de la loi. En attendant, il a évoqué un remaniement ministériel qu'il annoncera à l'issue du résultat de l'enquête relative à la suspicion de conflit d'intérêts qui pèse sur lui. Dans le cas où il s'avère coupable il sera évincé par l'assemblée. Une assemblée qui ressemble actuellement à une foire. C'est la raison pour laquelle il attend vendredi prochain, jour où, la commission d'enquête se prononcera sur la suspicion de conflit d'intérêt à son encontre. Selon certains constitutionnalistes, rien ne l'empêchait de procéder au remaniement qu'il avait annoncé. Mais cela n'est pas du tout pratique, ne restant pour le jour J que l'espace d'un matin. En tout état de cause le pays aura eu un vrai coup avec l'expectative et le blocage dans lesquels il se trouve actuellement. Respect de la Constitution, un vain mot ? Le chef du gouvernement a, par ailleurs, souligné la nécessité de respecter la Constitution quant à la gestion des divergences entre les différentes parties. Mais cela est-il possible avec ce qui se passe ces derniers jours à l'ARP ? Le 14 juillet la présidente du parti PDL, après avoir annoncé, dans une ambiance houleuse au parlement que son parti (PDL) a signé la motion de retrait de confiance au président du parlement, Rached Ghannouchi, a déclaré qu'il ne «remettra plus les pieds à l'assemblée». De ce fait le parlement n'est plus que le théâtre de chamailles, de chicanes et de tensions continues entre les représentants des partis qui ne défendent que leurs intérêts. Comment peut-on concevoir qu'ils puissent faire correctement leur devoir d'élus du peuple? Cour constitutionnelle, toujours pas fonctionnelle Par ailleurs les députés devaient se réunir en plénière pour décider de désigner les membres restants de la Cour Constitutionnelle dont on tergiverse pour compléter les procédures destinées à son installation depuis bientôt quatre ans. Eh bien avec le grabuge qu'il y a eu mardi dernier la séance s'est terminée en queue de poisson et aucune résolution concernant la confirmation de la désignation des membres restants de la Cour constitutionnelle fixée préalablement, et désormais pour la saint Gliglin ! Quand est-ce que la loi va être appliquée de manière impartiale, loin des tiraillements politiques, des intérêts partisans ou encore des convictions religieuses ? Certes la religion du pays est l'Islam, selon ce qu'est annoncé dans la Constitution. Mais cela ne signifie nullement qu'elle doit favoriser une certaine tendance à l'extrémisme religieux qui se reflète par certaines mentalités figées et certains comportements rétrogrades et obscurantistes. La loi n'est pas la Chariâa et il est erroné de ce fait de faire un amalgame dangereux et contraire aux droits humains entre celle-ci et le droit positif. A titre d'exemple, l'affaire d'Emna Chargui devenue, héros sans le vouloir, en partageant simplement un texte dans le style coranique, paru sur la page fb d'un algérien. Bien sûr, nous n'avons nullement l'intention de contester la décision du tribunal qui a estimé de la condamner à 6 mois de prison ferme, ainsi qu'à une amende de 2000 dinars. Mais dans l'absolu et abstraction faite de la personne elle-même et de l'accusation dont elle a fait l'objet, on est en droit de penser que la liberté d'expression est menacée. A la tête du client ! En fait elle a toujours été, depuis le retour en force du mouvement Ennahdha, tributaire de la conjoncture du moment et de la personne concernée. Rappelez-vous en 2012 l'affaire «Persépolis» qui a fait de Nabil Karoui un héros à l'époque. Il a été condamné en effet à une amende de 2400 dinars pour «atteinte aux bonnes mœurs», suite à la diffusion sur la chaîne lui appartenant, d'un film franco-iranien, qui a suscité de violentes manifestations d'extrémisme, car il y avait des scènes de représentations divines, alors que ce sont des représentations selon l'imaginaire d'enfants en bas âge. C'est ce même Karoui, auprès duquel Ghannouchi essaie aujourd'hui de se rapprocher pour protéger sa place à la tête de l'ARP. Au fait, où en est l'affaire Karoui, toujours pendante devant le tribunal et dans laquelle, il est accusé de corruption ? Par ailleurs, que de textes parus sur les réseaux sociaux, dont leurs auteurs n'ont jamais été inquiétés, bien qu'ils soient beaucoup plus blasphématoires ou diffamatoires, que celui diffusé par la jeune fille concernée. Les réactions des membres du mouvement Ennahdha et de leurs sympathisants sont aussi loufoques qu'inattendues. A titre d'exemple, et pas plus tard que mardi dernier, une professeure venue pour assurer la surveillance au Bac, a été dénoncée par son collègue pour « tenue incorrecte et rouge à lèvres très voyant ». Elle été renvoyée de la salle de classe et remplacée par un autre professeur et elle n'a pu que s'exécuter en rentrant chez elle. C'est à croire que nous sommes en Afghanistan. Tahar Haddad doit se retourner dans sa tombe. Vous parlez d'un respect de la loi et de la Constitution ! c'est plutôt la pratique des deux poids deux mesures qui n'est pas prête à disparaître pour si tôt. Bien sûr que si la cour constitutionnelle était en place, les avocats de la jeune fille objet de poursuite, auraient soulevé, par voie d'exception devant le tribunal, l'inconstitutionnalité de la loi, en vertu de laquelle elle est poursuivie. Le tribunal aurait sursis à statuer en attendant l'avis de la Cour. Mais on ne peut pas rêver, dans une situation aussi cauchemardesque! A.N.