Comment peut-on appréhender ce limogeage, désormais surprenant et non moins polémique, des ministres nahdhaouis par le Fakhfakh démissionnaire ? Décision impulsive ? Enfantillages ? Règlement de compte ? Politique de la terre brûlée ? Ou plutôt, voire qui plus est, par mesure de « précaution », en vue de « préserver », autant que faire se peut, l'Administration tunisienne durant cette période, éminemment sensible, d'intérim gouvernemental. « Précaution » ? Bien sûr, c'est peu dire quand on connait les pulsions tentaculaires, jamais rassasiées, du mouvement islamiste. Décidément, c'est un sacré numéro, ce Fakhfakh ! De sa louche affaire de conflit d'intérêt, à sa posture étonnamment arrogante vis-à-vis de ses détracteurs, en passant par ses fameuses locutions, crachées à chacune de ses sorties médiatiques, et devenues quasi proverbiales, du genre « yabta chwaya ! », ou « personne n'a des plumes sur la tête », et cætera, le Fakhfakh n'a pas cessé, en effet, de défrayer la chronique et de surprendre l'opinion publique nationale, durant son désormais très court passage à la Kasbah. Dernière « fakhfakhonnade » en date : éviction de tous les ministres nahdhaouis de son gouvernement, alors qu'il venait de présenter lui-même sa démission au Président de la République. Limogeages, nominations et autres complications Constitutionnellement parlant, cette décision prête, bien entendu, à confusion, puisque l'article 98 de la constitution énonce clairement que la démission du chef du gouvernement vaut la démission de l'ensemble de son gouvernement. Peut-on, de ce fait, limoger un ministre, considéré déjà démissionnaire ? Fakhfakh présente, de son côté, sa vision des choses : en attendant la formation d'un nouveau gouvernement, l'Etat a horreur du vide, il faut que le gouvernement sortant, continue, chemin faisant, à assurer l'intérim. Mais... sans les ministres nahdhaouis. Argument irréfutable : gare aux ministres islamistes qui sont, et cela se connait, des machines à limoger les compétences et à nommer les partisans au sein de leurs départements respectifs ! Très vrai, en effet... En témoignent, d'ailleurs, les innombrables « tripotages » de l'Administration tunisienne, déjà opérés en profondeur par les six ministres nahdhaouis, Abdellatif Mekki, Anouar Maarouf, Ahmed Gaaloul, Lotfi Zitoun, Moncef Selliti et Slim Choura, force est de les nommer, rien que durant ces quelques mois de fonction au sein du gouvernement Fakhfakh. Que dire alors de l'infiltration méthodique, au niveau tant national que local et régional, effectuée par le mouvement Ennahdha qui, décidément, n'a raté aucun passage, depuis 2011 jusqu'au jour d'aujourd'hui, dans les divers gouvernements qui se sont succédés, pour mettre perfidement sa main sur les rouages de l'Etat. Ceci dit, trois de ces six ministres nahdhaouis limogés par Fakhfakh se sont particulièrement distingués au cours de ces derniers mois. Champions indiscrets des limogeages abusifs et des nominations partisanes au sein de leurs départements respectifs, il n'est pas inutile, à l'occasion, de revenir sur leurs D'abord, Abdelatif Mekki, ministre de la Santé, qui n'y est pas allé de main morte, durant ces quatre derniers mois, pour bouleverser toute la hiérarchie de son département, et ce, comble de l'arrogance, en pleine crise de coronavirus. A la mi-mars, trois directeurs généraux ont été, arbitrairement, démis de leurs fonctions, et neuf nouvelles nominations dans les hauts rangs du ministère ont été bel et bien effectuées. Fin Avril, c'est la mise en frigo de Dr. Chokri Hammouda et la nomination du nahdhaoui notoire Mohamed Chaouch à sa place, qui fait couler beaucoup d'encre. Tout est à revoir Dernier « tripotage » en date : le limogeage abusif et non moins scandaleux de Dr. Samira Maraï, ancienne ministre, et directrice du service de pneumologie à l'hôpital La Rabta de Tunis, qui survient en pleine crise des hôpitaux et sur fond d'une montée de grogne générale et désormais inédite dans les rangs du personnel soignant, tous grades confondus. Ensuite, Ahmed Gaaloul, ministre de la Jeunesse et des sports, qui a chamboulé de fond en comble toute la structure administrative de son département à peine s'était-il emparé des clés de son cabinet. Les cris de détresse au sein de ladite administration ont été très vite étouffés, à la mi-mars, faute de tapage médiatique. Pourtant, les nominations, à en croire les « couloirs » du ministère, ont touché, de manière intégrale et quasi inédite, toutes les directions générales et les postes clés dudit ministère. Enfin et non pas des moindres, Anouar Maarouf, ministre des Transports, qui n'a point hésité de braver carrément le président du gouvernement, en évinçant il y a à peine une semaine de là, le directeur général de la Tunisair, Elyès Mnakbi. Les bruits de couloir au sein du ministère en question, évoquaient déjà un chamboulement total, préparé par Maarouf et qui concernerait tour à tour, les directions générales de la STAM, la CTN, la Transtu, et les Cheminots. Une véritable razzia... Aujourd'hui, s'il est très difficile de pardonner à Fakhfakh cette très louche histoire, qui plus est dissimulée, de sociétés qui ont continué de « faire affaire » avec l'Etat, le désormais ex-président du gouvernement pourrait au moins « sauver la mise », en se proposant de revoir, au cas par cas, du moment que ce dossier a été ouvert, toutes les nominations effectuées par les ministres nahdhaouis, depuis 2011. Après tout, pourquoi pas, tant qu'on y est ! S.B.Y.