Le Temps-Agences - Al Qaïda dément être impliqué dans l'attentat qui a coûté la vie à l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto au Pakistan, où les violences se sont poursuivies hier pour la troisième journée consécutive. Les autorités d'Islamabad et le parti de l'opposante assassinée sont en désaccord sur les circonstances exactes qui lui ont coûté la vie. La mort de Bhutto et la vague de violence qui a suivi font planer un doute sur la tenue des élections législatives le 8 janvier prochain, même si le gouvernement a assuré que le calendrier prévu serait tenu. Dans la province du Sindh, d'où était originaire l'ancien Premier ministre, une dizaine de bureaux de la commission électorale ont été incendiés et du matériel a été détruit, notamment des listes électorales. La commission tiendra une réunion d'urgence demain. Pour de nombreux observateurs, le maintien du scrutin à la date prévue ne fera qu'aggraver les tensions. Le Premier ministre Mohammadmian Soomrom consultait hier les formations politiques mais le parti d'opposition de Nawaz Sharif, un ancien Premier ministre récemment rentré d'exil comme Bhutto, a déjà fait savoir qu'il boycotterait les élections. Sharif a rencontré hier le mari de Bhutto, Asif Ali Zardari, qui pourrait succéder à sa femme à la tête du Parti du peuple pakistanais (PPP), afin de lui exprimer sa sympathie et tenter de le convaincre de suivre l'exemple de sa formation en refusant de participer aux législatives. La direction du PPP doit se réunir aujourd'hui pour prendre une décision. Le testament de Bhutto sera lu à cette occasion. Les violences qui ont éclaté dans le pays après la mort de Bhutto jeudi ont fait jusqu'ici 42 morts. Les forces de sécurité ont tué deux autres militants du PPP lors d'une manifestation près d'Hyderabad. Quadrillés par la police et les forces paramilitaires, les quartiers sud de Karachi, capitale de la province de Sindh, étaient quasi déserts. Les magasins et les stations-service étaient fermés, la ville observant trois jours de deuil.
Polémique sur les circonstances de la mort Un porte-parole de Baitullah Mehsud, dirigeant d'Al Qaïda au Pakistan, a affirmé que celui-ci n'était pas impliqué dans l'assassinat de Bhutto, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement de Pervez Musharraf. "Je le démens fermement. Les tribus ont leurs propres règles. Nous ne nous en prenons pas aux femmes", a déclaré Maulvi Omar. Mehsud, l'un des activistes les plus recherchés au Pakistan, se trouverait au Sud-Waziristan, près de la frontière afghane. Le gouvernement pakistanais l'a accusé avant-hier d'être l'instigateur de l'attentat. Le ministère de l'Intérieur a déclaré que les autorités avaient intercepté un message où Mehsud félicitait ses hommes pour avoir commis l'attentat. Le PPP conteste également cette version des faits, ainsi que les circonstances exactes de la mort de sa dirigeante. Selon une de ses collaboratrices, qui a lavé le corps de l'ancien Premier ministre avant l'inhumation, Benazir Bhutto a été atteinte d'une balle à la tête. Elle a qualifié de "ridicule" la version du gouvernement selon lequelle elle serait morte d'une fracture du crâne après s'être cognée au toit ouvrant de sa voiture blindée au moment de l'explosion. Sherry Rehman, porte-parole du PPP, a raconté qu'elle se trouvait dans une voiture derrière celle de Bhutto lorsqu'un kamikaze a tiré à plusieurs reprises en direction de l'ancien Premier ministre puis a fait exploser la charge qu'il portait sur lui. "Elle a reçu une balle à l'arrière de la tête, du côté gauche. La balle est ressortie de l'autre côté. C'était une très grande blessure qui la faisait saigner abondamment", a déclaré Rehman, elle-même blessée lorsqu'elle a été éjectée de son véhicule par le souffle de l'explosion. Rehman n'a pas vu le kamikaze car elle regardait dans une autre direction juste avant l'explosion. Elle et un de ses collègues venaient juste de remarquer qu'ils étaient entourés de visages inconnus. "Nous avons soudainement vu des gens qui nous étaient inconnus portant des badges de Bhutto", a-t-elle expliqué. Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Javed Iqbal Cheema, a affirmé que la version du gouvernement reposait sur le rapport médical et sur des éléments recueillis sur les lieux de l'attentat. "Si le PPP le veut, le corps peut être exhumé et autopsié", a-t-il dit. Les médecins, à la demande de la famille, n'ont pas pratiqué d'autopsie de l'ancien Premier ministre avant les funérailles, a-t-on précisé de source autorisée.