Alors que le chef du gouvernement désigné Hichem Méchichi n'a pas encore annoncé la couleur de son futur cabinet, le conseil de la choura du mouvement Ennahdha, l'organe consultatif du parti d'inspiration islamiste, a rejeté l'option de la formation d'un gouvernement de technocrates. «La conjoncture difficile que traverse le pays sur les plans économique, financier et social nécessite la formation d'un gouvernement d'union nationale à caractère politique, et qui prend en considération les poids parlementaires des partis », a précisé le conseil de la choura dans un communiqué rendu public hier. «Ce gouvernement doit bénéficier du plus large appui politique possible pour pouvoir mettre en œuvre un plan de sauvetage économique et social de nature à limiter les répercussions néfastes de l'épidémie du coronavirus, la régression du pouvoir d'achat des citoyens et la détérioration des équilibres financiers de l'Etat », souligne le communiqué du conseil de la Choura qui a, également, estimé que la réussite de la transition démocratique requiert le respect du rôle des partis et la prise en considération des résultats des élections, qui reflètent la volonté populaire. Le conseil a, d'autre part, décidé de charger le Bureau exécutif d'assurer le suivi des consultations relatives à la formation du gouvernement et prendre les initiatives nécessaires dans ce cadre. La décision du conseil de la choura relative à la nature du futur cabinet dirigé par Hichem Méchichi a été approuvé par la majorité des membres de cet organe. « 92% des membres du conseil de la choura ont voté en faveur d'un gouvernement politique qui respecte les poids parlementaires des partis, et rejeté l'option d'un gouvernement de technocrates ou de compétences indépendantes», a souligné le président du conseil de la choura, Abdelkrim Harouni, lors d'une conférence de presse organisée hier à Tunis. Marge de manœuvre étroite Harouni a d'autre part estimé que le fait que le chef du gouvernement désigné rejette l'idée de la formation d'un gouvernement politique qui prend en considération les poids des divers partis représentés à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) est «un scénario peu probable». En réponse aux voix qui appellent à la mise en place d'un gouvernement sans Ennahdha, le président du conseil de la Choura du parti islamiste a jugé «illogique que des partis minoritaires réclament la mise à l'écart d'Ennahdha. En chargeant le ministre de l'Intérieur, Hichem Méchichi, un commis d'Etat sans appartenance partisane, de former un gouvernement, le président de la République Kaïs Saïed a marginalisé les partis, discrédités par les incessantes querelles politiciennes qui lui avaient soumis des noms d'une vingtaine de prétendants. La décision du président, lui-même un indépendant, a été salué par plusieurs commentateurs et observateurs qui estiment que les partis ont été discrédités par leurs incessantes querelles politiciennes et arrangements opaques. Ennahdha, principale force parlementaire qui avait poussé le gouvernement actuel à la démission pour former une nouvelle coalition plus à son goût, s'est du coup trouvé dans une mauvaise posture. Ennahdha (54 députés sur 217) et le parti Qalb Tounes (27 sièges) de l'homme d'affaires Nabil Karoui, poursuivi pour blanchiment d'argent et évasion fiscale, s'étaient entendus sur deux noms d'indépendants, qui n'ont pas été retenus. Ennahdha et son allié ont désormais peu de cartes à jouer puisque le président de la république pourrait dissoudre le parlement et appeler à l'organisation de législatives anticipés au cas où le nouveau cabinet n'obtient pas la confiance des députés d'ici fin août. Or, la composition d'un éventuel nouveau parlement issu des législatives anticipées serait grandement modifiée. A en croire les sondages, des élections anticipées pourraient déboucher sur un important recul d'Ennahdha et une grande percée du Parti destourien libre (PDL), une formation formée par une nostalgique de Ben Ali pour laquelle les islamistes doivent être en prison, au cimetière ou à l'exil.