Voilà enfin un débat bien musclé ! La querelle financière entre la BCT et le gouvernement à propos de la loi des finances complémentaire de 2020 et celle de 2021, est un vrai débat de fond dont le pays a besoin depuis longtemps. Un débat qui ne prend pas de gants et qui appelle les catastrophes par leurs noms! Le chef du gouvernement Hichem Méchichi et son ministre de l'économie, Ali Kooli, ont donné le ton dès les débuts du marathon budgétaire. Ils veulent tout déballer et présenter au pays la réalité de ses finances chaotiques, que les gouvernements successifs depuis 10 ans ont essayé de maquiller comme ils ont pu. Une loi des finances à refaire Le gouvernement a cru pouvoir contourner la veille vigilante de la BCT et de son Gouverneur et les mettre devant le fait accompli par un vote parlementaire d'un budget avec 14% de déficit et une somme de 11 milliards de dinars à trouver dans les banques de la place, c'est-à-dire avec la bénédiction de la BCT. Or le pays vient de vivre une année très difficile à cause du Covid-19, ses finances et ses indicateurs macro-économiques sont au plus bas, et les agences de notification internationales lui ont ôté tout espoir de crédit étranger. On connait la suite et on sait que la BCT a refusé catégoriquement de se laisser faire, ce qui a conduit le gouvernement à retirer sa mauvaise copie de l'ARP pour la corriger un tant soit peu ! Si la procédure voulue par le gouvernement n'est pas une nouveauté et si bon nombre de pays se trouvent obligés de faire fonctionner la planche à billet, le risque d'inflation et de la chute de la monnaie nationale sont aussi réels et dangereux. La BCT n'a pas refusé catégoriquement de financer une partie du budget de l'Etat et c'est son devoir, mais elle a insisté sur la nécessité d'aller vers des solutions efficaces et rapides. Le pays est en panne depuis une décennie. D'après le gouverneur de la BCT, Marouane Abassi, il ne peut y avoir de salut dans un pays qui n'investit pas, n'épargne pas et ne produit pas. Le taux d'investissement (public et privé) n'a été à peine que de 13% l'an dernier, après des taux de 26 à 27% pendant la décennie précédente et les IDE, Investissements Directs Etrangers, sont au plus bas tandis que l'épargne stagne à 6% du PIB. Les responsables politiques qui ont gouverné le pays depuis 2011 ont tous cherché les solutions faciles, ils ont tous acheté la paix sociale à coup d'emplois fictifs et de subventions de toute nature. Ce qui a abouti à une situation où nous avons la plus grosse masse salariale publique au monde (par rapport à la population). Les perspectives du gouffre Il faut l'avouer alors et sans détour. La machine est presque à l'arrêt. Nous ne produisons presque plus, nous n'investissons pas et nous n'exportons pas. Même nos ressources naturelles, le pétrole et le phosphate nous les avons arrêtés par la nouvelle démagogie « révolutionnaire ». Une gigantesque vague de démission collective s'est emparée des tunisiens pour aboutir à un manque de productivité, et de discipline couplée à un goût marqué pour les gains faciles, l'évasion fiscale, le marché parallèle et la corruption généralisée. Pendant ce temps là, l'élite politique continue à se démener dans une interminable joute sans pouvoir faire avancer une seule initiative pour faire bouger les lignes ! Pas de Cour Constitutionnelle, pas de réformes des lois électorales, pas d'accord sur une réforme du régime politique que nous subissons, pas même d'accord sur des lois ordinaires de la vie de tous les jours. Des pans entiers de l'économie du pays sont à l'arrêt pour toutes les raisons. Le pétrole et le phosphate sont à la merci des apprentis révolutionnaires qui narguent l'Etat depuis des mois. Les ports sont paralysés et au plus bas de leur fonctionnement par la volonté des syndicats à qui on a tout permis. Des secteurs entiers été malmenés et commencent leur descente aux enfers avec les retombées du Covid-19 comme le tourisme ou le textile ou les industries manufacturières ! Une politique d'importation débridée qui a ouvert nos marchés à la camelote chinoise et surtout turque sans aucune équivalence pour équilibrer ces échanges. Alors oui, il faut un débat franc. Il faut aller au fond des problèmes et arrêter les solutions démagogiques, traditionnelles à l'emporte pièces. Devant la gravité de la crise, le rattrapage se rétrécit ! C'est peut-être enfin l'heure de vérité ! A.L.B.M.