Alors que le conflit au Tigré est entré dans sa troisième semaine, la province est toujours coupée du monde et les rares informations proviennent surtout des communiqués des belligérants. Mais pour la première fois, des informations indépendantes ont été rendues publiques, quand le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a pu visiter les hôpitaux de Gondar et de Mekelle, en manque de tout. L'ONG fait état d'une crise humanitaire très grave. Dans l'Amhara comme dans le Tigré, le rapport du CICR évoque des hôpitaux débordés, en manque de tout : de lits, de couvertures, de médicaments. À titre d'exemple, plus de 400 blessés graves sont actuellement traités dans le seul hôpital de Gondar, qui doit faire face également à 14 cas de Covid-19. À Mekelle, capitale du Tigré, l'hôpital local a demandé à être approvisionné en traitements basiques, comme pour le diabète et les dialyses, puisqu'il est le seul de la région à fournir ces soins. Et la Croix-Rouge ajoute que ses 10 ambulances ont transporté des « centaines de blessés » hors de la zone des combats. Le CICR évoque aussi un millier de Tigréens, à Mekelle et Addis Abeba, angoissés d'avoir perdu le contact avec leurs proches et qui se sont signalés sur le service téléphonique d'urgence. La Croix-Rouge dit avoir également rendu visite à des prisonniers de guerre, à qui elle a fourni des produits d'hygiène. Et elle dit s'inquiéter pour les réfugiés érythréens vivant dans les camps du Tigré, et « qui ont besoin de protection et d'assistance ». Depuis quelques jours, les agences humanitaires de l'ONU multiplient en vain les appels. Mardi, c'est son sous-secrétaire général aux affaires humanitaires en personne qui a exprimé son « inquiétude grandissante ». Selon le rapport interne d'une ONG cité par Associated Press, dans le Tigré « il ne reste plus grand chose » à manger, et ce « même avec de l'argent». Le chef de l'OMS accusé de soutenir les rebelles L'armée éthiopienne a accusé hier le directeur de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, de soutenir la rébellion du Tigré et de tenter de lui fournir des armes et un soutien diplomatique. Dans une allocution télévisée, le général Birhanu Jula, chef d'état-major des forces armées, a dénoncé les liens entre Tedros et le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), dont les forces combattent depuis deux semaines l'armée fédérale. "Cet homme est membre de ce groupe et il fait tout pour le soutenir", a déclaré l'officier. D'origine tigréenne, Tedros Adhanom Ghebreyesus a été ministre de la Santé et ministre des Affaires étrangères au sein de gouvernements de coalition dirigés par le TPLF. Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a ordonné le 4 novembre à l'armée d'intervenir au Tigré, région du nord du pays, pour y rétablir l'Etat de droit, après avoir imputé l'attaque d'une base gouvernementale aux forces locales. Le TPLF, qui a dominé la scène politique éthiopienne pendant près de trente ans, reproche à Abiy Ahmed d'avoir écarté les habitants du Tigré des instances de sécurité et de gouvernement depuis son arrivée au pouvoir en 2018, et de vouloir assujettir totalement les représentants de la région septentrionale, qui constitue 5% de la population du pays, qui compte 115 millions d'habitants.