Davantage que la fraude, la corruption et l'exploitation économique, les citoyens commencent à craindre très sérieusement la généralisation de l'instrumentalisation de l'opinion publique où il serait difficile de démêler le vrai du faux. Un commentateur a souligné que ce sera le règne « du rien n'est vrai, tout est permis », la pire forme des Etats, d'après les anciens philosophes arabes, parmi les formes vicieuses d'Etat comparées « à la Cité idéale où les citoyens n'auront besoin ni de médecins ni de magistrats tant leur esprit est sain et leur conduite est bonne ». Apparenté sur ce point au sophisme antique qui se vante de pouvoir passer pour vrai la chose et son contraire, l'instrumentalisation, a-t-il dit, consiste moins à occulter la vérité que de détourner son usage à des fins inavouées, telle la chute d'un adversaire politique ou pour gagner la faveur de l'opinion et acquérir une plus grande marge de manœuvre dans sa manipulation. On en a vu chez nous, ces derniers jours, des cas flagrants de détournements de ce genre. Certaines parties tant de la sphère du pouvoir que de celle de la société civile détenaient des vérités qu'elles ont choisi de révéler en ce moment spécialement, jugé opportun pour leurs programmes particuliers, ou agendas particuliers, comme on dit. Piégés par l'idéologie médiatique des chiens écrasés assimilant la vérité à la recherche du sensationnel, et des soi-disant scandales (les loups ne se mangent pas entre eux), la presse et les moyens d'information, censés être des filtres de la vérité, ont été transformés en canaux privilégiés pour l'instrumentalisation de l'opinion, et sa manipulation par le dosage ciblé de la vérité. On manipule la presse et les moyens d'information, fussent-ils les plus honnêtes, pour manipuler l'opinion, en s'érigeant tantôt en champion du combat contre la corruption, tantôt en défenseur acharné des droits des hommes, et le plus souvent en opposant notaire à l'autorité arbitraire, ou sa victime innocente. Déguisement Un citoyen a comparé ces ruses aux déguisements dont ne cesse d'user le néo-colonialisme pour garder ses anciens acquis. C'est ce qui explique, a-t-il dit, que les partis politiques, entre autres, continuent de charrier les sympathisants, malgré les idéologies différentes qu'ils prônent. Mais, c'est aussi la raison de la méfiance et du scepticisme généralisé que les citoyens, chez nous et ailleurs, affichent à l'égard de la politique, et de l'activisme en général, comme le syndicalisme et l'action associative. Avec la pandémie de coronavirus, les nombreux citoyens qui ne le sont pas encore, se sont rendus compte que la Science aussi peut être manipulée et instrumentalisée. S.B.H.