Le thème du colloque de la 13e édition du Fifej (Festival international du film pour l'enfance et la jeunesse) de Sousse qui se tiendra du 18 au 23 mars est d'une actualité brûlante. Intitulé «Image et manipulation», le colloque prévu du 20 au 21 mars a pour objectif de faire prendre conscience au public des enfants et des jeunes, du danger et du pouvoir de l'image. Plusieurs chercheurs et universitaires d'ici et d'ailleurs contribueront ainsi à susciter la réflexion et le débat sur ce phénomène pernicieux et néfaste qui oriente les esprits en altérant et en déformant, volontairement, la réalité. Il faut dire que par les temps qui courent, le trucage de l'image, qu'il s'agisse de photos ou de séquences vidéo, est de plus en plus pratiqué soit à des fins purement esthétiques (embellissement) ou carrément pour en détourner le sens et agir sur les esprits. En ce qui concerne la photographie la manipulation s'opère par des retouches et des interventions techniques à différents niveaux. Et cela va du cadrage, dont on modifie le fond, la lumière, ou la valeur du plan du sujet photographié (serré ou large) jusqu'à l'effaçage (suppression d'un ou plusieurs éléments du cliché) en passant par le photomontage, en faisant varier le sens selon la combinaison des photos. Concernant les séquences et reportages vidéo, les interventions trompeuses ont trait notamment au trucage du montage qui, revisité, change du tout au tout, le sens et le message de la vidéo. Le résultat de ce bidonnage ne peut que créer de la désinformation tant on se retrouve dans l'impossibilité de démêler le vrai du faux. Maintenant, une question s'impose : pourquoi certains médias, sites et autres réseaux sociaux recourent à des images et vidéos truqués appelés «Fake»? Les buts sont multiples : rendre l'image esthétiquement plus attrayante, c'est le cas par exemple de plusieurs portraits officiels de présidents et d'hommes politiques de par le monde. (La tache que porte Michaïl Gorbatchev, ancien président de l'Urss, soit est estompée, soit disparaît dans de nombreux portraits). Il s'agit aussi de rendre l'image plus ou moins spectaculaire, par exemple en accentuant les dégâts ou en les gommant sur une photo de guerre. Idem concernant les reportages ou les séquences vidéo. Un montage retouché peut véhiculer un message tout à fait contraire à celui initialement escompté. Et cela, selon les intérêts des uns et des autres dans un but de propagande idéologique, politique, ou de guerre et autres. Certains sites sur internet et chaînes de télévision optent pour le bidonnage direct en réalisant des reportages où le mensonge le dispute à la manipulation. La chaîne qatarie «Al Jazira» est devenue l'une des spécialistes du genre, notamment lors des «révolutions arabes» et durant la guerre en Syrie où elle a multiplié la diffusion de vidéos mises en scène afin de servir son agenda politique et de susciter, du même coup, le sensationnel. Ainsi, dans l'une des vidéos diffusées en septembre 2016, lors de l'intensification des frappes russo-syriennes contre les terroristes à Alep, «l'un des acteurs, croyant sans doute que la caméra était éteinte, sourit à belles dents alors qu'il était censé souffrir mille morts». Toutes ces manipulations médiatiques perpétrées dans un but de propagande politique ont pour objectif final de jouer sur la réaction des masses et d'influencer l'opinion publique, selon les intérêts et les agendas des pays, parti(e)s, lobbys et autres. D'où l'importance de ce colloque qui traite de la manipulation de l'image aussi bien en temps de paix qu'en temps de guerre et son impact sur le public des enfants et des jeunes notamment. Dans ce colloque, les intervenants évoqueront la manipulation dans les domaines de l'audiovisuel (reportages, téléralité), etc., mais aussi du cinéma en proposant une réflexion sur la réception de l'image numérique et la production du sens ainsi que sur l'image et la manipulation dans le genre documentaire. Le thème et la problématique de ce colloque montrent pleinement l'importance de l'éducation des jeunes à l'image qui est de plus en plus nécessaire à l'ère des nouvelles technologies et du numérique. Et c'est, visiblement, la tâche que s'est assigné, entre autres, le Fifej en proposant, depuis sa création, à plus d'une centaine d'enfants et de jeunes de toutes les régions du pays une formation dans plusieurs ateliers : couverture audiovisuelle, montage, photos portraits et reportage, image, son, effets spéciaux, animation 2D et 3D, vidéo artistique et numérique, mixage et composition sonore, documentaire, acteur devant la caméra, retouche et traitement d'images, scénographie, etc. Ainsi, prendre conscience du danger et du pouvoir de l'image sur le public et s'attacher à contrer les multiples détournements et dérives qui en découlent en privilégiant l'éducation et la formation des jeunes dans ce domaine et en provoquant la réflexion ne peuvent que contribuer à favoriser davantage de discernement, d'autonomie et de liberté pour tous.