Préparée ou impromptue , l'évasion de Ahmed Ben Salah de la prison civile de Tunis, le 4 Février 1973,suscita l'étonnement quasi général des Tunisiens qui restaient, néanmoins dubitatifs quant aux conditions qui avaient facilité pareille entreprise. En effet, quoique intelligent et à l'esprit vif et éveillé, on s'étonne que Ben Salah s'aventurât dans cette opération seul, sans aide ni soutien. D'autant plus que, jusque là,aucun de ceux qui étaient condamnés par la cour de sûreté de l'Etat et incarcérés ,n'avaient tenté de s'évader de la prison du 9 avril, aux portes blindées et aux gardes vigilants et prêts à tirer à la moindre tentative de ce genre. La cour de sûreté de l'Etat, était un tribunal d'exception qui avait été instituée pour juger tout d'abord les " youssefistes ". Puis suivirent beaucoup d' autres dissidents politiques condamnés à des peines de travaux forcés ou d'emprisonnement. Ce fut cette même juridiction qui condamna Habib Achour et d'autres syndicalistes, suite aux évènements du " jeudi noir " ainsi que ceux qui ont été impliqués dans les évènements de Gafsa. Avec Ben Salah, ainsi que plusieurs autres personnes qui avaient des responsabilités relevant de son ministère ou qui étaient ses proches collaborateurs, avaient été également jugés par la même cour à de longues peines de prison et incarcérés avec lui. Citons à titre indicatif et non limitatif Amor Chéchia qui avait été accusé d'abus de pouvoir, en sa qualité de gouverneur, et où à un moment donné et à l'instar de Ben Salah qui réunissait plusieurs ministères, avait sous sa tutelle plusieurs gouvernorats. Il faut dire que Ben Salah était un fervent adepte du socialisme. Il commença à militer très jeune et déjà durant la deuxième guerre mondiale, il participa avec plusieurs autres jeunes militants au mouvement de " Chabab Mohamed ", avant de rejoindre le Néo-Destour. Il adhéra ensuite à l'UGTT, pour y militer en faveur des travailleurs , affichant une tendance plutôt communisante. Après l'assassinat de Farhat Hached en 1952,il fut élu au cinquième congrès de l'UGTT, secrétaire général de cette organisation syndicale qui militait aussi bien pour la cause ouvrière que pour la libération du pays. Le Secrétaire Général de L'UGTT avait depuis Farhat Hached, un rôle important sur l'échiquier politique. Dès lors, il incombait à Ben Salah d'user de toute sa sagacité et de son dynamisme pour se démarquer des autres hommes politiques fussent-ils des syndicalistes, militants ou hauts commis de l'Etat. Dans le contexte du différend entre Bourguiba et Ben Youssef il mena une campagne pour l'exclusion de Ben Youssef, déchu au congrès du Néo-Destour de Sfax en 1955. Sur sa lancée, il rédigea un rapport économique qu'il présenta à Bourguiba en vue d'une planification socialiste. Mais il trouva une certaine réticence de la part de celui-ci qui jugeait que ce n'était pas le moment de se hasarder dans une telle voie, avant d'avoir réglé des problèmes qui étaient plus urgents. Au sein de l'UGTT des dissensions aboutirent au retrait de Habib Achour, qui créa en octobre 1956 une autre organisation syndicale : l'UTT(Union Tunisienne des Travailleurs). Deux mois plus tard, en décembre 1956 Ahmed Ben Salah est limogé de l'UGTT et remplacé par Ahmed Tlili, et se retrouva ainsi, écarté de toute action syndicale ou politique.(A suivre)