* Les psychologues, mis sous l'éteignoir, l'expliquent par la fragilité des êtres humains Olive et Popeye en bande-dessinée : « regarde-moi dans les yeux et dis moi ce que tu vois ? » ; « de l'encre à dessin... ». Sauf qu'il ne s'agit pas de se regarder dans les yeux, mais dans un jeu de cartes, un marc de café, des grains de blé..., torpillés « boule de cristal », afin d'y lire l'avenir, voire le passé, comme on lirait dans un livre ouvert. Que celui qui n'a jamais pêché lui jette la première pierre... Car, avouée ou pas, la voyance est devenue notre pain quotidien ; sorte de détour obligé, au moins, une fois par an, si ce n'est, une fois par mois, pour les plus mordus, en variant les genres, histoire de « décompresser », de « rigoler un bon coup », ou de « ronger son frein » selon les diverses expressions que d'aucuns emploient, selon qu'ils acceptent de jouer au jeu de la vérité, ou qu'ils préfèrent donner le change, pour ne pas devenir la risée de leurs proches et amis, en avouant qu'ils y croient dur comme fer. Pour I..., la première expérience de voyance a été le fruit du hasard. C'est tout simplement une ancienne copine de la faculté, qui lui a dessillé les yeux sur ce monde de l'étrange et de l'irrationnel : « J'ignorais que Y... avait la capacité de lire dans les tarots, parce que, quand on était ensemble à la fac, elle ne m'en avait jamais parlé. Mais on s'est retrouvé un peu par hasard, trois ans après, et je ne me sentais pas bien ; alors Y..., qui était passée chez moi à la maison, a simplement ouvert son sac, a tiré un vieux jeu de tarots, me l'a passé en me demandant de penser très fort au sujet, ou à la personne qui me préoccupait, de choisir une carte, et d'attendre son diagnostic. Je dois avouer que je suis tombée des nues. Je ne pouvais plus que l'écouter et me taire. C'était incroyable et fascinant, d'autant qu'elle en était arrivée à me parler aussi de ma sœur, qui était installée en France, comme si elle était, non pas sa voisine de palier, mais sa colocataire et sa confidente attitrée. Une telle précision m'a complètement fait basculer, du camp des rationnelles pures et dures, au camp de celles qui y croient désormais comme une science exacte. Alors je me suis remémoré certains souvenirs de nos années à la faculté, que j'avais complètement occultés, quand ma copine, improvisée voyante par amitié pour moi, car il s'est avéré qu'elle acceptait très rarement de dévoiler son jeu, fût-ce à sa famille, et à son mari puisque aujourd'hui elle est mariée ; donc je me suis souvenu de l'époque où ma copine, au moment des A.G, montait sur une chaise ou sur une tribune, plaçait ses mains en visière, regardait dans la foule des étudiants, et d'un doigt, faisait un seul geste pour montrer les têtes « suspectes », lesquelles têtes, après rapide vérification, s'avéraient à chaque fois ne faisant pas partie du corps des étudiants. C'est alors que j'ai compris que Y... avait depuis longtemps cette capacité de divination, mais qu'elle ne l'avait jamais montré explicitement, pour ne pas être moquée, et accusée de charlatanisme ».
Voyance et charlatanisme Et effectivement, on associe toujours, sauf rare exception, la voyance au charlatanisme, et celles ou ceux qui y croient, à de parfaits imbéciles lesquels, en lieu et place de résoudre leurs problèmes, d'une manière sensée et raisonnable ; ou de se rendre chez un psychologue, pour tenter d'en découdre avec les angoisses qui les rongent, cherchent à tout prix l'adresse d'un voyant, ou d'une cartomancienne, susceptible de leur fournir les réponses, qu'ils attendent ou pas, sur le futur proche ou lointain. A la recherche d'un mari, ou en butte avec des problèmes qui touchent son foyer, parfois son travail, la, ou le consultant (eh oui ces messieurs consultent aussi), deviennent parfois la proie rêvée d'arnaqueurs professionnels, aptes à lire sur les visages, la psychologie du personnage, et se font fort de lui fournir, à coups de métaphores ambiguës, la réponse qu'il escomptait, avec les mots qui apaisent. Tout un art, et une verve extraordinaire chez certains, lesquels sont capables de changer de registre de langage d'une minute à l'autre, selon la tête du client qui leur fait face. Mais comment expliquer le fait que toutes les catégories sociales, et toutes latitudes confondues, se laissent convaincre de la véracité de pareils procédés, renvoyant au vestiaire, toute logique rationnelle, jusqu'à en oublier leur latin, thèmes et versions confondues ?
L'avis des psychologues Les psychologues expliquent ce phénomène par la fragilité des êtres humains, lesquels, quelle que soit leur appartenance, et leur niveau culturel, basculent un jour ou l'autre, par excès de fatigue, un soir de déprime ou de lassitude, où ils ne sentent plus la force de croire en leur libre-arbitre, et sont confrontés à une certaine solitude sociale, qui les pousse à « consulter », non pas un psychologue mais quelqu'un capable de leur fournir une réponse immédiate, sur une situation donnée. Alors, même s'ils y croient à moitié, ils s'accrochent, surtout si on leur annonce une bonne nouvelle ; ce qui contribuera à leur insuffler le courage nécessaire pour rebondir. Une thérapie en somme, et à peu de frais. Ce qui justifie un tel engouement, pour des pratiques lesquelles ne seraient pas prêtes à disparaître. Y croire, ou pas ? Chacun son propre cheminement et son vécu ; mais il est vrai que la curiosité est le premier moteur d'une aventure, qui peut s'arrêter très vite, tout comme elle peut continuer la vie entière, devenant une sorte de drogue pour ceux qui y ont goûté, et pour qui, hasard ou coïncidence, les faits sont venus donner raison, à leur liseuse de cartes attitrée. Difficile de résister, une fois tombé dans le panneau ; difficile quand la raison refuse d'y croire, et que les faits à venir confirment pourtant, avec une précision inouïe, les prévisions de « Madame soleil ».
Devenir cartomancienne Mais comment devient - on cartomancienne ? Y..., la copine de fac de I... est aujourd'hui cadre. « Cela a commencé au lycée. On avait une après-midi de libre et avec des amies, on a rendu visite à une cartomancienne, d'origine étrangère, qui avait un petit appartement au centre-ville. Nous y allions surtout pour nous amuser, et effectivement, on riait tellement que la cartomancienne, après quelques instants, s'est mise en colère et nous a renvoyées. Mais elle m'a regardée fixement et m'a demandé de rester. Je suis resté. Alors elle m'a prié de marcher doucement autour de la pièce, puis de venir me mettre debout derrière elle. Cela a duré quelques minutes, et ensuite, elle m'a fait asseoir en face d'elle, et m'a demandé si j'étais prête à apprendre. J'étais étonnée et je n'ai rien répondu. Alors elle m'a dit qu'elle m'avait choisie pour me transmettre son savoir, et que si je le voulais, je pouvais venir chez elle quatre lundi de suite, pour l'apprentissage du tarot. Je vous avoue que j'ai eu peur au début, mais je n'ai pas résisté longtemps. Et j'ai appris très vite. Par la suite, il m'est arrivé de me faire peur à moi-même, à force de divination ; mais je ne l'ai jamais pratiqué à grande échelle. Je le fais pour aider les personnes que j'affectionne, en oubliant très vite, tout de suite après, tout ce que j'avais pu leur raconter. C'est ainsi. Je crois que c'est un don de Dieu, mais il ne faut pas en abuser. ». En fait, que l'on y adhère ou pas, la question n'est pas prête d'être résolue. Chirac avait son voyant attitré dans le sud tunisien. C'était lui qui lui avait prédit la présidence bien avant l'heure. Simone Veil avait ; avait ? a toujours son ou sa voyante ; et bien d'autres encore, plus réputés pour leur intelligence et leur esprit cartésien, que pour leur ignorance. Alors, croire ou ne pas croire ?