Ce n'est pas pour offusquer nos amis Espérantistes mais cette Etoile-là a plusieurs années d'avance sur l'Espérance. De fait, cette « bipolarisation » ayant duré près de 10 ans, jusqu'à 2003, fait partie de l'histoire. Car, l'Etoile a gardé et renforcé son propre statut, construisant patiemment un édifice pour l'avenir - des temps de Jenayeh - et optimisant actuellement, avec Moëz Driss, les potentialités d'une école, une vraie école. Tout le secret est là : le passage de témoin tant redouté entre Jenayeh et Driss n'a pas provoqué de cassure. Car les Etoilés, dignitaires et simples supporters, ont veillé à ce que le club continue de vivre sur des constantes. Maintenant si l'équipe gagne pratiquement tout, c'est parce qu'elle a su mater ce syndrome du défaitisme et la résignation au fait accompli espérantiste. En revanche, - et cela n'a rien à voir avec un mouvement pendulaire - l'Espérance paye le contre-coup de sept ans de domination arrogante privilégiant un gigantisme en amont et négligeant, quelque part, sa substance essentielle, cette composante séculaire, génétique : la formation, l'école ! De sorte qu'après le départ de Chiboub, ce fut, justement la cassure, avec trois années de présidence chaotique et cacique, avant l'arrivée de Hamdi Meddeb, qui prend en mains le club dans des conditions cauchemardesques. Le fossé qui sépare, désormais, l'Etoile de l'Espérance ne se résume pas en un seul match. C'est le contraste entre une équipe qui a attendu son heure mais qui n'avait jamais cessé de réfléchir son avenir dans le sens des permanences et de la pérennité et, une autre qui a vécu suspendue aux lubies de ses hommes, finissant, ces dernières années, par vivre à la petite semaine. L'Etoile est aussi très en avance par rapport à tout le reste. Le Club Africain ? Il peut lui tenir la dragée haute parce que c'est une équipe qui a retrouvé ses repères, qui a réémergé mais qui manque de sérénité. La bande à Marchand a déjà deux points d'avance et un match en moins par rapport au Club Africain. La bande à Ben Chikha, très homogène et avec une défense de fer, a les moyens d'enclencher un nouveau cycle de rivalité avec l'Etoile. Là, la bipolarisation change de trajectoire, mais un pôle ne change pas : l'Etoile.
Marchand : la force tranquille ; Zouaoui et les anachronismes Revenons, néanmoins, au match. En regagnant le banc après la mi-temps la caméra a longuement accompagné la démarche saccadée d'un Youssef Zouaoui, hagard, tête baissée et, comme si le ciel lui était tombé sur la tête. Il devait, peut-être, se dire : « Où suis-je ? », ou encore... « Ce n'est pas l'Espérance que je connaissais ». Zouaoui invoquera le manque de joueurs de qualité supérieure. Il invoquera aussi des atténuantes à une défense dont la charnière centrale, composée de Badra et Chaâbani, est vieillotte, dépassée, prise de vitesse par ce diable de Chermiti. Mais il serait inspiré de se poser une question bien précise : « Si l'Espérance a périclité durant ces dernières années, moi, Youssef Zouaoui, ai-je évolué entre temps ? ». Reconnaîtra-t-il qu'il est resté lui-même confondu dans les brumes du passé ? Hier, il cherchait, coûte que coûte, à rééditer le système lui ayant fait gagner des titres à satiété, à l'époque d'or espérantiste. Or, dispose-t-il d'un Gabsi, d'un Jaïdi, d'un Badra plus jeune de dix ans, d'un Thabet, d'un Chihi... A l'évidence, Zouaoui a les mêmes fixismes que Lemerre : le système d'abord ; le gabarit... les joueurs viendront s'y fondre. Non, on place des schémas selon ses moyens et selon l'adversaire... Quelque part, Youssef Zouaoui s'est montré frileux dans cet « académisme » indigent. Alors, qu'à quelques mètres de lui, la force tranquille de l'Etoile, Bertrand Marchand, faisait une lecture presque numérique du match, osant jouer, par intermittence, avec trois attaquants, quadrillant le terrain depuis le début jusqu'à la fin. Le meilleur acquis de Moëz Driss, c'est lui : Marchand. Ce Marchand que les Clubistes ont bêtement bradé, même si le Français avait tout fait pour... Et maintenant ? L'Etoile est, vraisemblablement lancée pour consolider ce cycle, le sien. L'Espérance, elle mettra encore du temps à se remettre sur orbite. Patience. Car ce ne sera pas facile. On a usé et abusé d'elle. Elle a presque été victime d'une espèce d'infanticide. Et le seul moyen pour la famille espérantiste de reconstruire l'édifice, c'est de ne pas mettre Hamdi Meddeb sous pression. Il a besoin de temps. Et il aura, sans doute, compris - pressé de gagner lui-même - qu'il doit donner le temps au temps. L'exemple vivant d'une résurrection, il l'a palpé hier. C'est l'Etoile.