Temps-Agences- Après avoir pronostiqué une contraction rapide et limitée de l'économie américaine cette année, les experts révisent leur copie. Au vu des turbulences persistantes sur le marché du crédit et de l'effondrement de la banque d'affaires Bear Stearns, ils craignent désormais que les Etats-Unis aient en fait basculé dans la récession. L'ancien président de la Réserve fédérale Alan Greenspan, qui fait autorité en la matière, reconnaît lui-même que la crise actuelle aux Etats-Unis pourrait se révéler "la plus douloureuse" depuis 1945. D'autres économistes de renom sont tout aussi alarmistes. Martin Feldstein, professeur à Harvard et ancien directeur du Bureau national de recherches économiques (NBER), évoque lui aussi une récession profonde et durable. Le verdict du NBER, qui détermine officieusement le début et la fin des récessions, n'est pas attendu avant plusieurs mois. D'ores et déjà, un nombre croissant d'économistes prévoient une croissance négative en 2008. Mais ils s'attendent généralement à une récession modérée qui prendrait fin à l'été avec la reprise de la consommation. Or la grave crise financière engendrée par la débâcle des prêts hypothécaires à risques (subprimes), qui dure depuis le mois d'août et vient d'entraîner la vente forcée de Bear Stearns, fait douter du caractère modéré de cette récession. "L'affaire Bear Stearns a agi comme une piqûre de rappel. Elle a eu une grande résonance et a montré la niveau de la crise que traverse le système financier", relève Mark Zandi, chef économiste pour le site economy.com de la société d'analyse financière Moody's. Il faut dire qu'il n'est pas courant de voir la cinquième banque d'investissement américaine passer en deux jours, du 14 au 16 mars, d'une capitalisation de 3,5 milliards à un prix de vente de 236 millions de dollars... Devant la gravité de la situation, la Réserve fédérale a injecté 30 milliards de dollars de liquidités pour fluidifier le système bancaire et a baissé ses taux d'intérêt de trois quarts de point, à 2,25%, leur plus bas niveau depuis février 2005. Cette intervention massive de la Fed a eu pour effet de faire rebondir la Bourse de New York jeudi, le Dow Jones clôturant sur un gain de 262 points. Mais au sortir du long week-end pascal, débuté avant-hier, d'autres turbulences sont à craindre du fait de l'incertitude qui continue de planer sur l'évolution de la crise des subprimes. "Il ne se passe pas un jour sans qu'une grande institution financière se retrouve menacée en raison du manque de liquidités", observe Lyle Gramley, ancien membre du conseil des gouverneurs de la Fed, aujourd'hui économiste au Stanford Financial Group. "Il est possible que nous soyons en train d'entrer dans la plus grave récession depuis la Seconde Guerre mondiale. La menace existe". Pour David Wyss, chef économiste à Standard & Poor's, le scénario le plus préoccupant serait une récession en deux temps, brièvement interrompue cet été par la baisse des impôts de 168 millions de dollars. Selon ce scénario, l'économie américaine se contracterait de 2,2% et enregistrerait son troisième plus mauvais résultat depuis 1945. La pire récession de ces dernières décennies aux Etats-Unis reste celle survenue pendant le choc pétrolier de 1973-75. Le PIB américain avait alors reculé de 3,1%. Il faudra attendre la récession de 1981-82 pour retrouver une croissance négative d'une ampleur comparable (-2,9%). En comparaison, les dernières en date (-1,3% en 1990-91 et -0,3% e 2001) apparaissent modérées.