* Bien des parents ont le beau rôle : ils se désengagent et confient l'éducation d'une progéniture écervelée à des enseignants pris entre le marteau et l'enclume... Il est des problèmes scolaires sur lesquels il faut constamment revenir, comme l'indiscipline et la punition. Largement mis en garde par des circulaires, émanant du ministère de tutelle, contre ce qui pourrait altérer l'épanouissement de l'enfant et la bonne marche de sa scolarité, les enseignants hésitent sans cesse sur la conduite à tenir, surtout que le système disciplinaire en cours est devenu vétuste et inefficace et ne répond plus aux profonds changements qu'a connus notre école. Plusieurs enseignants vivent une situation critique et plusieurs d'entre eux souffrent d'un grand malaise, car avec la montée de la violence, ils ne peuvent plus maîtriser la classe si bien que face à une indiscipline ou une dissipation de la part d'un élève, ils sont souvent obligés de recourir à la punition tout en étant sceptiques quant à son efficacité. D'ailleurs, en réalité la punition donnée par l'enseignant n'est qu'une « proposition d'avertissement » qui ne sera définitive qu'après l'accord de l'administration, lequel accord peut prendre du temps, ce qui permet parfois à l'élève puni de récidiver ! C'est l'une des raisons pour lesquelles, certains enseignants ne comptent plus sur ces avertissements et tâchent d'arranger les choses à leur gré moyennant d'engueulades, de remontrances propres à provoquer la moquerie et la risée des camarades. D'autres profs ont recours à la punition collective qui consiste à faire écrire à tous les élèves mille fois telle ou telle phrase ou un théorème ou encore une règle non apprise. Il y a ceux qui optent pour l'exclusion pure et simple du cours. Pourtant tous ces moyens sont interdits par la loi.
Le bâton et la carotte ? C'est l'absence d'un système rigoureux et efficace qui pousse les enseignants à user de moyens illicites, à leurs risques et périls. « L'avertissement n'est plus un moyen disciplinaire efficace. » vous diront la plupart des enseignants. Même la retenue, l'une des punitions autorisées par notre système, est considérée comme une atteinte à la personnalité de l'enfant, qui se voit privé de son temps libre. (Samedi après-midi et dimanche). Il est à noter que la retenue est elle-même reliée à une condition. En effet, elle ne peut être infligée à l'élève qu'en cas de travail non fait ou d'un manquement à un devoir, jamais à cause d'une impolitesse ou d'une insolence envers l'enseignant. Une certaine déficience du présent système disciplinaire se fait de plus en plus sentir, ce qui entrave le travail de la majorité des enseignants dans l'accomplissement de leur travail et dans l'exercice de leur autorité. Quand l'enseignant n'est pas aidé dans sa tâche de mesures coercitives adéquates à même de garantir un bon déroulement du cours, il perd facilement l'autorité et le contrôle de sa classe. Quant aux parents, conscients de l'inutilité des mesures punitives actuellement pratiquées, ils ne cessent de se plaindre auprès des enseignants au sujet de l'indiscipline de leurs enfants. « Je suis dépassé, vous dit un parent, j'ai usé de tous les moyens avec lui, mais en vain... Je ne sais que faire ! » Un autre, encore fidèle à la discipline d'antan qui se servait du bâton, vient carrément vous supplier de punir son fils, non en lui donnant des avertissements, selon le règlement en vigueur, mais plutôt en lui infligeant un châtiment corporel, tout comme à l'ancienne époque ! Et ils insistent sur le fait que seul le bâton et les fessées peuvent corriger les récalcitrants. « C'est le bâton qui a fait de nous des hommes ! » affirment certains parents avec fierté. Disons qu'ils croient aveuglément au fameux dicton : « qui aime bien châtie bien ». En réagissant de la sorte, ces parents pensent que seuls les profs, de par leur autorité, sont capables de remettre les pendules à l'heure. Or, ils se trompent grossièrement ! Hélas ! L'enseignant de nos jours n'a plus l'autorité dont disposaient ses prédécesseurs ! En revanche, il y a des parents mieux avertis qui sont là dès que leur enfant subit le moindre tort de la part d'un surveillant ou d'un enseignant. Ils viennent alors crier l'innocence de leur rejeton au nom des droits de l'enfant ! Des slogans qu'ils ne cessent de scander à tout bout de champ !
Ni ange, ni monstre L'enfant, lui, n'est pas un monstre, mais ce n'est pas un ange non plus. L'enfant élevé, poli, appliqué et obéissant est devenu un oiseau rare dans nos écoles. On remarque actuellement que l'enfant n'a plus de refus à la maison. Tous ses vœux sont exaucés et ses désirs sont des ordres! Donc, il lui est presque difficile de s'appliquer aux règles scolaires surtout lorsqu'il est habitué à une certaine permissivité parentale. De même, dans certaines familles, on remarque qu'il y a une démission quasi totale des parents. L'enfant, se sentant libre de toutes contraintes, se permet facilement de s'écarter du droit chemin. Aujourd'hui, il y a des élèves qui n'ont que des grossièretés à proférer, qui osent crier des injures à leurs profs et qui prennent en cachette des photos de leurs profs avec leurs portables pendant le cours ; et puis on demande aux enseignants d'essayer de parler avec les enfants et de les comprendre ; en termes plus clairs, trouver des justifications à leurs agissements ! Les classes sont-elles devenues des entreprises dont le chef (le prof) doit choyer ses clients (les élèves) pour ne pas les perdre ? Loin s'en faut. La classe est avant tout un lieu d'apprentissage régi par des règles que l'élève doit respecter. Il n'y a pas d'enseignement sans autorité. Aussi faut-il parler et parler encore du système disciplinaire, chose devenue très urgente pour faire face à la délinquance et à la violence qui sévissent dans nos écoles.
Et l'alternative ? Cependant, que peut faire l'école en l'absence d'une autorité au sein de la famille ? Le retour à la punition corporelle comme le prônent certains parents vaincus et désespérés ? Il n'en est pas question ! L'autorité n'est pas synonyme de maltraitance et en aucun cas elle ne doit légitimer le recours au châtiment physique. Selon certains psychologues, l'usage de la force dans l'éducation ne représente qu'une domination de l'adulte face à une situation qui lui échappe. Ayant échoué à se faire obéir par ses élèves, l'enseignant a recours au bâton pour rétablir l'ordre et se faire respecter. L'interdiction du châtiment corporel dans les écoles est une décision irrévocable ! Toutefois, cette autorité à l'ancienne unanimement décriée et critiquée, surtout après la déclaration des droits de l'enfant, n'a malheureusement pas été remplacée par quelque chose qui convienne. En Tunisie, les nouvelles lois qui l'ont substituée (à savoir l'actuel système disciplinaire) sont elles-mêmes dépassées par les événements et une révision de ce système est attendue par tous. D'ailleurs, cette question de discipline préoccupe pas mal de pays dans le monde et attire l'attention des éducateurs, des sociologues et des psychologues qui se penchent sérieusement sur la recherche de nouvelles méthodes de discipline à appliquer dans l'école d'aujourd'hui et de demain. Certains éducateurs, dans les pays où l'indiscipline et la violence scolaires constituent un problème inquiétant, pensent que le vide et l'ennui sont à l'origine des actes indisciplinés ou violents de la part des élèves, surtout dans les établissements où il n'y a pas de clubs sportifs, culturels ou autres où l'élève peut occuper son temps libre. L'activité de ces clubs ne doit pas se limiter aux seuls jours ouvrables, mais doit continuer pendant les vacances scolaires. Dans certains pays, les parents sont impliqués dans la conduite de leurs enfants ; ils doivent payer une amende pour les actes de violence commis par leurs enfants et ces derniers, auront comme punition, à s'occuper des travaux de l'école (jardinage, nettoyage...) pendant une période fixée par le conseil de l'établissement. Comme autres solutions, la sanction par le travail extrascolaire, pourvu qu'elle soit individuelle, la punition collective étant interdite, il s'agit par exemple de demander à l'élève fautif ou coupable de faire un compte-rendu sur un livre en un laps de temps très réduit, l'obligeant ainsi à travailler d'arrache-pied pour exécuter le travail demandé dans le délai fixé. La punition ainsi conçue, n'est pas une humiliation, mais elle fait partie du travail. Il est grand temps de réfléchir sérieusement à un nouveau régime disciplinaire qui tienne compte des sérieux changements subis par nos écoles ces dernières années. Il est impératif de prendre les mesures nécessaires pour remplacer l'actuel système disciplinaire par un nouveau qui soit plus efficace. De larges consultations auprès des parties concernées seraient souhaitables afin de mettre en place une série de nouveaux dispositifs qui soient adaptés aux nouvelles conditions de la vie scolaire et qui rappellent surtout le sens du travail éducatif et la nécessité d'affirmer l'autorité, ô combien utile, des enseignants. De même, les nouvelles mesures devraient prendre en considérations plusieurs facteurs : toute punition doit avoir pour objectifs de responsabiliser l'élève de l'acte commis et de ses conséquences tout en lui rappelant le sens et l'utilité des règlements scolaires qu'il doit respecter afin de vivre en harmonie avec la collectivité. Bref, l'enjeu devrait être à la fois disciplinaire et pédagogique.