Tunis-le Temps : Cette affaire qui survint il y a quelque temps et dont nous avons relaté les péripéties, le meurtrier avait été engagé par la victime pour l'exécution de quelques travaux de peinture dans les locaux de la recette de la poste, lieu du drame. Il connaissait donc parfaitement les coins et les recoins non seulement des bureaux administratifs, mais également ceux de la maison de fonction où habitait le receveur avec sa femme et ses enfants. Il put au fil du temps être adopté par toute la famille du défunt, et l'épouse de celui-ci n'hésitait jamais à l'aider par des subsides de différentes natures. Il était toujours le bienvenu chez le receveur et était reçu à bras ouverts. Le choc était encore plus terrible pour l'épouse du receveur, lorsqu'elle a su que l'assassin de son époux n'était que ce jeune homme auquel elle avait tendu la main pour l'aider de sortir du carcan de la misère où il se trouvait, et qu'elle traitait au même titre que ses enfants. Le receveur était à quelques mois de la retraite et il était l'exemple même de la droiture et du sérieux, aucune incartade n'ayant été enregistrée à son encontre, au cours de toute sa carrière. Il estimait ce jeune homme et le chargeait de temps à autre de quelques tâches de peinture , que ce soit dans les bureaux ou la maison de fonction attenante. L'assassin qui avait épié les lieux auparavant, décida de voler la caisse après les heures de travail. Le jour du drame, le receveur était resté tard dans son bureau, pour vérifier les comptes et placer l'argent dans le coffre. S'introduisant dans les lieux, dans le dessein de voler le coffre le meurtrier ne pensait pas trouver quelqu'un. Mais il fut surpris de voir le receveur, qui ne se rendit pas compte de sa présence, puisqu'il était placé derrière lui. Cet élément auquel il ne s'attendait pas, l'avait quelque peu perturbé. Décidé de commettre le cambriolage préalablement projeté, d'autant plus qu'il fut alléché à la vue des liasses des billets qui se trouvaient dans le coffre ouvert , et après quelques secondes d'hésitation, et alors que son complice faisait le guet dehors, il porta un violent coup de couteau au receveur, qui lui l'atteignit au cœur et causa sa mort instantanée. Perturbé, il quitta les lieux, en oubliant l'essentiel, puis y retourna une deuxième fois pour emporter plus de 7000 dinars, avant de prendre la fuite. A titre de récompense pour son complice qui l'attendait avec impatience et selon les déclarations de celui-ci, il lui donna la modique somme de un dinar, avant d'aller cacher le butin chez son frère, sans lui en indiquer l'origine frauduleuse, ni le tenir informé de quoi que ce soit. L'épouse du défunt ayant remarqué que son mari avait tardé plus que d'habitude au bureau, alla s'enquérir de visu et fut surprise de le voir gisant inanimé dans une mare de sang. Elle donna aussitôt l'alerte et la police se dépêcha sur les lieux pour faire les constats nécessaires et mener une enquête, sur ordre du procureur de la République qui se déplaça également sur les lieux, ainsi que le juge d'instruction. L'enquête a fini par révéler l'assassin, qui fit des aveux complets de son forfait. Devant le tribunal de première instance il écopa de la peine de mort, tandis que son complice qui faisait le guet fut condamné à 20 ans de prison. Quant au frère qui cacha l'argent il fut condamné à deux ans d'emprisonnement. Ils interjetèrent appel et comparurent dernièrement devant la cour. L'assassin ne dit pas mot bien qu'il fut invité à le faire à la barre, pour donner éventuellement plus d'éclaircissements. En vain, il était décidé de figurer, bouche cousue, preuve qu'il n'avait plus rien à dire pour sa défense. Quant à son avocat il invoqua la démence éventuelle de son client, due au comportement bizarre, pour solliciter, le cas échéant, une expertise psychiatrique susceptible de mieux éclairer le tribunal. Toutefois la demande n'a pas été retenue par la cour qui après délibération, confirma toutes les condamnations à l'encontre des accusés en première instance, dont notamment la peine de mort pour l'auteur principal.