* Le 8ème Congrès africain de la société internationale d'oncologie pédiatrique met le doigt sur cette plaie béante. En fait « peu de pédiatres » s'orientent vers cette spécialité * Dr Sihem Barsaoui, présidente du congrès et Chef de service de la médecine infantile à l'hôpital d'enfants : « Prise en charge psychologique insuffisante » Plus de 300 nouveaux cas de cancer chez l'enfant sont dépistés chaque année en Tunisie. Le cancer le plus fréquent est celui du sang. Le dépistage précoce de la maladie permet d'augmenter les chances de guérison de l'enfant dans 70 à 75% des cas. Actuellement, en Tunisie, le traitement de cette maladie a atteint des avancées considérables. Toutefois, les compétences humaines manquent encore. Le nombre de pédiatres spécialistes dans ce domaine reste encore limité. Tout comme les chirurgiens pédiatres spécialistes en urologie, en orthopédie ou autres. Les psychologues, dont le rôle est très important dans ce genre de situation, reste aussi en deçà des espérances. Les structures de soins spécialisées dans les maladies infantiles manquent également. A part l'hôpital d'enfants qui dispose de plusieurs spécialités médicales et chirurgicales à la fois, il n'y a pas d'autres centres, que ce soit dans le secteur public ou privé, spécialisés uniquement dans les maladies infantiles. C'est dans ce cadre, que la Tunisie abrite à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 17 mai courant, pour la première fois, le 8ème Congrès africain de la société internationale d'oncologie pédiatrique. Centrée sur les progrès dans la prise en charge du cancer de l'enfant, cette manifestation scientifique, organisée par l'Association Tunisienne d'Oncologie Pédiatrique, réunit d'éminents spécialistes du cancer de l'enfant venant des quatre continents. A cette occasion, nous avons interviewé Dr Sihem Barsaoui, présidente du congrès et Chef de service de la médecine infantile à l'hôpital d'enfants de Tunis, qui nous présente la manifestation et nous parle de l'oncologie pédiatrique en Tunisie et son plus grand handicap, qui est essentiellement humain puisque « très peu de pédiatres veulent s'orienter vers cette spécialité », affirme-t-elle. Afef BEN ABDELJELIL ----------------------------------- Dr Sihem Barsaoui, présidente du congrès et Chef de service de la médecine infantile à l'hôpital d'enfants : « Prise en charge psychologique insuffisante »
Le Temps : Quel est le thème principal proposé pour le 8ème Congrès africain de la société internationale d'oncologie pédiatrique ? Dr Sihem Barsaoui : Le thème principal proposé pour ce congrès est : « Oncologie pédiatrique dans les pays d'Afrique, réalité et perspective ». Cette rencontre scientifique offre à nos invités un climat favorable pour échanger leurs expériences et discuter des dernières acquisitions scientifiques en la matière.
En Tunisie, où en sommes-nous au niveau du dépistage, du diagnostic et du traitement du cancer de l'enfant ? Depuis une dizaine d'années, l'oncologie pédiatrique s'est beaucoup développée en Tunisie. La plupart des protocoles utilisés dans la prise en charge du cancer sont ceux adoptés par les pays développés et nos résultats sont très encourageants.
Avons-nous les compétences humaines et matérielles appropriées ? Les compétences humaines sont actuellement limitées, il y a très peu d'oncologues pédiatres tunisiens. Le personnel paramédical formé en oncologie pédiatrique est encore insuffisant. Le matériel utilisé pour des traitements standard est disponible.
Quels sont les handicaps de cette spécialité en Tunisie ? Le seul handicap est l'handicap humain. Très peu de pédiatres veulent s'orienter vers cette spécialité.
Quelle est la prévalence du cancer chez nos enfants ? En Tunisie chaque année, il y a 350 à 400 nouveaux cas de cancer chez l'enfant.
Quel type de cancer touche le plus nos enfants ? Le cancer le plus fréquent est le cancer du sang.
Comment évaluez-vous la prise en charge psychologique des enfants atteints de cancer, n'est-elle pas insuffisante ? La prise en charge psychologique est très insuffisante pour l'unité d'oncologie de l'hôpital d'enfants qui reçoit entre 75 et 90 nouveaux cas par an. On ne dispose pas de psychologue pour l'unité. La seule psychologue disponible est celle affectée pour tout l'hôpital.
Comment évaluez-vous les conditions d'hospitalisation à l'hôpital d'enfants ? A l'hôpital d'enfants, ces derniers sont hospitalisés dans des chambres individuelles ou à deux et sont accompagnés de leur mères. Le séjour est rendu agréable par l'installation de postes de télévision dans les chambres. Les malades disposent aussi d'une petite activité ludique animée par des associations.
Comment expliquez- vous le fait que nous n'ayons pas un centre multidisciplinaire pour la prise en charge de ces enfants et nous n'avons pas d'ailleurs, assez de structures publiques ou privées, spécialisées pour tout autre type de maladies infantiles ? L'hôpital d'enfants dispose de plusieurs spécialités médicales et chirurgicales, d'un plateau technique très respectable. Mais il devient très exigu et il répond difficilement aux exigences de la population tunisienne. La création d'un centre anticancéreux pédiatrique, à l'instar de l'Institut Gustave Roussy en France, serait très bénéfique pour la prise en charge du cancer de l'enfant en Tunisie. A condition d'assurer la présence d'oncologues pédiatres, de chirurgiens pédiatres et d'un plateau technique ayant une formation pédiatrique.