Suite à la publication de l'article intitulé « Sacrifice du cheptel ovin » dans notre édition de mercredi 14 mai, nous avons reçu le courrier suivant : « Je remercie Mme Rakia Makhlouf pour son reportage sur le ''Sacrifice du cheptel ovin''. Effectivement, actuellement le secteur qui a réagi à la crise c'est le secteur de l'élevage, il vit une crise sans précédent. Les éleveurs du Centre et du Sud tunisiens sont entrain de liquider leur cheptel. Ils n'arrivent plus à entretenir leurs bétails avec la flambée des prix de l'orge, du maïs et du soja. L'éleveur alimente son troupeau au prix de la mondialisation et il vend sa viande et son lait à des prix du marché tunisien. Le prix de la viande a chuté de 25% et l'aliment pour bétail a doublé. Pour que l'éleveur retrouve sa marge nette de l'année dernière, le consommateur doit acheter le kilogramme de viande ovine à 16 dinars, or le marché tunisien a ses limites. Un marché caractérisé par des consommateurs dont le pouvoir d'achat est laminé de jour en jour.
L'année de toutes les bousculades Tout le système de vulgarisation va être bousculé. La notion d'assolement mise en place par les efforts des chercheurs, des techniciens et des agriculteurs va être compromise. Les agriculteurs vont être tentés, par les prix des céréales, de faire de la monoculture (paille sur paille) sans être conscient à long terme des risques de ce choix. Le parcellaire destiné aux cultures maraîchères sera réduit au profit de la céréaliculture, les patates, les poivrons, les oignons, les petits pois, les tomates, les persils, ,,,les artichauts leurs prix vont connaître des hausses vertigineuses. Les usines et les marchands de légumes vont se disputer les tomates au marché de gros de Bir El Kassâa. L'industrie de l'agroalimentaire va connaître des perturbations suite à la hausse des prix de la matière première. Pendant L'Aïd 2008 le meilleur mouton ne dépassera pas 200 dinars mais pour L'Aïd 2009 le mouton le plus chétif coûtera plus que 400 dinars.
Une économie menacée d'effritement Stimuler la consommation par l'injection d'argent sur le marché y compris l'amélioration du pouvoir d'achat en révisant les notions qui évoquent que la Tunisie est un pays compétitif par ces bas salaires. La Tunisie ne peut pas rester éternellement compétitive par des bas salaires, au contraire elle doit transiter vers la qualité en mettant en valeur ses ressources humaines tout en tirant profit des résultats du programme de mise à niveau .
Une crise qui entraînera avec elle des multi-crises Beaucoup de pays dans le monde ont tendance à se paupériser donc la compétitivité, du patronat tunisien par les bas salaires. Cette mesure n'est pas garantie. Oui à l'amélioration notable du revenu du tunisien et oui aussi à la flexibilité du marché du travail. Mais comment faire ? La crise alimentaire ne doit pas être prise à la légère elle peut mettre en péril l'économie nationale par effet de ricochet ; l'industrie tous secteurs confondus, le commerce et les services.. Comme a dit : Josette Sheeran, directrice exécutive du PAM un "tsunami silencieux" . Effectivement pour la Tunisie il faut éviter ce tsunami. Car une crise entraînera avec elle des multi-crises comme le cas de la crise des sub-primes aux Etats Unis. (D'une crise de l'immobilier par effet de courroie de transmission vers une grave crise financière et la récession de toute l'économie des USA). Donc il faut trouver de l'argent et l'injecter dans la poche des Tunisiens. Où et comment ? Chercher coûte que coûte chez les bailleurs de fonds, nos amis du golfe. C'est le prix de la sauvegarde et de la préservation de notre système productif (industrie, commerce, agriculture et services) ainsi que le prix de la paix sociale et de la stabilité politique. La décision doit dépasser le clivage des grands commis, on voit bien l'impact du ''putsch des technocrates et l'hégémonie des énarques '' qui reflète l'impasse dans laquelle nous y sommes, par l'absence totale de stratégie cohérente et de politiques adaptées. On se demande aussi sur la crédibilité du système de planification, doit-on se fier aux prévisions des grands commis de l'Etat ? Et pourquoi n'ont-ils pas prévu de telles situations ? Pourquoi ils se sont contentés seulement de l'équilibre du budget de l'Etat sans se soucier des phénomènes d'échange exogènes responsables des grands équilibres régionaux ? Une fois on a dépassé cette crise sans casse, la Tunisie sera propulsée à un rang meilleur car elle a su maintenir en harmonie son système productif et préserver les acquis et soutenir l'effet ''richesse des ménages''.
L'urgence actuelle c'est de : 1/Créer des structures relais (centres tampons) qui achètent la viande pour éviter l'effondrement du secteur 2/Fournir aux éleveurs un crédit de 60 dinars pour chaque brebis et 600 dinars pour chaque vache. Un crédit qui sera remboursable sur quatre tranches avec deux années de grâce et sans intérêt. Ceci pour arrêter la fièvre vendeuse et stabiliser les Souks hebdomadaires. 3/Stimuler la consommation par une amélioration notable des salaires et en rassurant le patronat par une législation plus souple en matière d'emploi (flexibilité de l'emploi) 4/Identifier le cheptel par un système de numérotage pour chaque brebis et chaque vache 5/Faire de l'Office de l'élevage le dépositaire de ce système d'identification du cheptel avec une base de donnée partagée entre les opérateurs de développement y compris le ministère de l'Intérieur pour éradiquer les vols répétitifs des bovins et des ovins 6/ Organiser les abattoirs et les marchés hebdomadaires en interdisant l'entrée de tout animal qui ne porte pas un numéro. Appliquer des mesures d'hygiènes dans les souks hebdomadaires pour éviter les épizooties en confisquant et en détruisant les bêtes malades pour qu'aucun éleveur n'ose plus vendre une bête malade au souk (Langue bleue, brucellose, et autres maladies contagieuses) 7/ Réglementer le transport du bétail en exigeant que chaque bête doit porter un identifiant 8/ Créer une cellule de veille permanente composée des représentants de la profession du district de la sûreté nationale de la région et du gouverneur pour arrêter à temps tout acte de banditisme qui terrorise l'éleveur et menace son cheptel. 9/Préparer les structures professionnelles à prendre en charge le secteur par la formation, la vulgarisation, l'animation et la dynamique de groupe. Développer les capacités des structures pour qu'elles puissent identifier ses besoins, les formuler, les négocier et l'exécuter. Il faut que ces structures soient un interlocuteur et un partenaire dans la prise de décision. 10/Une fois le système d'identification est mis en place, il faut le faire suivre du système de la qualité et de la traçabilité ; les structures doivent être un acteur déterminant et actif dans la production qualitative et la traçabilité en appliquant le slogan de ''la fourche à la fourchette''
Réorganiser le secteur Il ne faut pas que l'éleveur se décourage, il est responsable du maintien de l'équilibre socio-économique de l'arrière pays. Et si cet équilibre fût rompu il serait difficile de redresser la barre, c'est l'effondrement total d'une filière et d'un mode économique auquel est érigé tout un système paysan fondé sur des relations de maintien et d'appartenance au terroir. Pour éviter les difficultés structurelles et organisationnelles et mieux cerner les responsabilités et éviter les négligences tout en améliorant la capacité productive de la région, une restructuration est nécessaire et urgente qui touchera les aspects institutionnels comme le système de vulgarisation, le système de la production végétale et le système de la production animale Pour ce faire il faut : a) : La création de l'Office de la production végétale. Un office auquel seront affectés les moyens et l'effectif actuel de la direction de la production végétale. b) : Transférer les moyens et les effectifs actuels de la direction de la production animale à l'Office de l'élevage. Cette restructuration est impérative dans la mesure où elle réduit les intervenants et le chevauchement des tâches et installera l'équivalent d'un guichet unique c) : Installation et diffusion du paquet technologique pour une vulgarisation ciblée et pragmatique par l'élaboration d'un référentiel technique pour chaque zone bio-climatique, mis à la disposition des groupements de producteurs comme guide technique et méthodologique. Ce référentiel comportera des scénarios d'approches selon l'année pluvieuse, sèche ou moyenne. Par ces différents scénarios toutes les régions seront couvertes et ainsi les agriculteurs pourront puiser le paquet technologique adéquat. » Kastalli chérif Agriculteur Béja Président de l'Association Méditerranéenne Pour le Développement