Le président est dans un oued, le gouvernement dans un autre    Corruption en Ligue 2 : les détails de l'affaire entre l'ASK et la JS    Le ministre de la Défense s'entretient avec le prince héritier du Koweït    Conect : Aslan Berjeb plaide pour un climat des affaires attractif    Les raisons de la hausse des prix de la viande de poulet en Tunisie    ChatGPT en perte de vitesse, Gemini triomphe avec Nano Banana    Tunisie: le phosphate, un trésor sous-exploité qui peut redevenir un moteur d'avenir    La Tunisie gagne 3 places au classement FIFA et vise le Mondial 2026 !    Ligue 1 – Championnat national (6e journée ) – JSO-CA (0-3) : Trois classes au-dessus    La Goulette : contrebande de 15 plaques de cannabis déjouée    C'est officiel : la fin de l'été arrive en Tunisie !    La Libye impose des cartes de santé et des examens obligatoires à tous les travailleurs étrangers    La Tunisie accueillera le premier congrès arabe de chirurgie thoracique    Lancement de la distribution des semences et engrais pour la saison agricole 2025-2026    Agriculture : développement de nouvelle variétés de semence    Tunisie : 200 bus suisses offerts à la Transtu    Une mère s'immole par le feu à cause du transfert de sa fille : les circonstances du drame    Météo : Jeudi sous un ciel partiellement voilé, mer agitée et chaleur persistante au Sud !    Pérou : découverte d'un fossile de dauphin vieux de 12 millions d'années    Fadhel Jaziri: L'audace et la norme    Un territoire, une vie et plusieurs gouvernances    Décès de Ameur Bahri, figure emblématique de l'Espérance sportive de Tunis    "The Voice Of Hind Rajab » film d'ouverture du Festival du film de Doha    Gaza: le bilan s'alourdit et dépasse 65 mille victimes    Opération coup de poing contre les « Habbata » : des intermédiaires du commerce informel visés par des mandats de dépôt    Marwa Bouzayani : 4e place et nouveau record national aux Mondiaux 2025    Mechket Slama Khaldi : la notation souveraine confirme la résilience économique de la Tunisie    Mois du cinéma documentaire en Tunisie : une vitrine sur le cinéma indépendant et alternatif    Ligue 1 – championnat national (6e journée) – USM : Frapper un grand coup    Fin des privilèges à vie pour les anciens premiers ministres français    Elyes Ghariani - La solution à deux Etats: clé de la justice pour les Palestiniens et de la stabilité régionale    DECES : Radhouane Ben Salah veuf de Nadra Sakka    Diplomatie tunisienne : revenir aux fondamentaux et savoir avoir la politique de ses moyens    Global Sumud Flotilla : plus de 50 navires ont pris la mer pour livrer une aide humanitaire à Gaza    Piraterie interdite : la FTF menace toute diffusion illégale des matchs de Ligue 1    Fadhel Jaziri - Abdelwahab Meddeb: Disparition de deux amis qui nous ont tant appris    Le dollar chute à son plus bas niveau depuis quatre ans contre l'euro    La Flottille de la Liberté mondiale en route vers Gaza : plus de 50 navires en mission humanitaire    Décès de Robert Redford légende du cinéma américain    Opportunité pour les filles tunisiennes de devenir ambassadrice d'une journée    Maher Kanzari face à la commission    Nafti renforce la coopération Arabo-Africaine à Doha    Fadhel Jaziri (1948-2025): La pensée et le spectacle    Olivier Faure (PS) appelle à faire flotter le drapeau palestinien sur les mairies le 22 septembre    Entre position et positionnement : la géographie ne suffit pas à comprendre la politique internationale    1,5 million de dollars pour faire de la culture un moteur de développement en Tunisie    Ons Jabeur en passe d'ouvrir une nouvelle académie pour jeunes talents à Dubaï    Le gouvernement prépare l'inscription de Sidi Bou Saïd au patrimoine mondial de l'Unesco    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



RAMADAN : Des rituels vivaces, d'autres envolés - L'impérialisme de l'image
REPORTAGE
Publié dans Le Temps le 15 - 09 - 2008

L'accès direct à l'information, télévisuelle ou radiophonique, a bouleversé certaines habitudes alimentaires qui avaient cours durant le mois de Ramadan. Pratiquement toutes les chaînes du monde proposent au moins une émission hebdomadaire de gastronomie, quand ce n'est pas quotidien,
et quand ce n'est pas une chaîne qui ne fait que cela comme les chaînes spécialisées en sport ou en informations générales. Du coup, il y a uniformisation des recettes, avec des variantes locales tenant compte des interdits alimentaires. Résultat, certaines habitudes alimentaires sont englouties, remplacées par les recettes dites modernes. Des jeux particuliers, entre ados des villages de campagne, vivaient le temps d'un Ramadan. Et là aussi, l'impérialisme de l'image, à coup de feuilletons et de transmissions de compétitions sportives, ne laisse plus aucune place à l'échange, au jeu simple.
A vrai dire c'était une habitude alimentaire relativement généralisée à Gabès, il y a quelque temps encore, avant l'introduction massive du café crème, tartine beurrée, croissant et autres sucreries matinales. Ceux qui mangeaient « salé », achetaient de bon matin, au marché, une portion de pois chiches, non pas du lablabi, c'est autre chose. Le vendeur est là très tôt : assis sur le bord du trottoir, ou sur une minuscule chaise pliante, il a entre les jambes un couffin aux anses épaisses, un lourd couscoussier vert, en poterie émaillée, qui peut retenir très longtemps la chaleur, du sel et du cumin. Le petit coup de main habile pour transformer une feuille de cahier en un magnifique cornet. Deux mesurettes de pois chiches, une giclée de sel-cummin. La technique de la cuisson est simple : laisser tremper 24 heures les légumes secs, puis les cuire à la vapeur jusqu'à ce que le fait de les pincer à peine entre le pouce et l'index, les transforme en une sorte de pâte. Cela ne se mange et ne s'apprécie qu'ainsi. Certains utilisent des adjuvants chimiques, carbonate de soude ou autre pour accélérer la cuisson et donner ce moelleux artificiel. Mais très vite la réputation se fait et les rares qui cuisent « nature » sont connus et vendent leur produit rapidement.
Beaucoup en consomment rituellement aussi à la rupture du jeûne, comme pour retrouver le goût du petit déj, avec un peu de harissa maison, de l'huile d'olive, des salaisons selon l'envie, parfois de l'oignon très finement haché et quelques brindilles de persil. Depuis quelques années ce rituel a été adopté par le village voisin d'Oudref. Il faut dire qu'ici, on y adjoint de la coriandre verte, écrasée. Un délice du palais. Une adresse connue, et il faut y aller tôt, sinon c'est déjà envolé : chez Mongi et Mounsa

« El barkoukech »
Toujours à Oudref, le « barkoukech » est une variante originale du couscous. C'était souvent le « shour ». Cette appellation se retrouve dans d'autres régions et qualifie d'autres plats. Un couscous à très grosses graines, garni de viande boucanée, de poulpe séché, d'œufs durs, de légumes secs, et souvent relativement relevé. Fini pour le « shour», les estomacs ont changé de nature et la publicité a imposé ses produits. Il persiste aujourd'hui sous une forme plus sophistiquée : durant le mariage, le soir de la « hénna », la famille de la mariée envoie, en fin de soirée, un énorme plat de « barkoukech » au marié. Tout le jeu consiste à « enlever » le plat en cours de route, comme si on enlevait la jeune femme en fait. Il faut donc user de stratagèmes et envoyer des gardes du corps, pour ramener le « barkoukech » à bon port, et éviter le déshonneur. Personne n'en consomme aujourd'hui au « shour ».

« El bride »
« El bride » est une boisson composée de bsissa diluée dans de l'eau, ou de la sève de palmier (legmi), lorsque la saison s'y prête, qu'on met à fermenter au soleil dans un broc en terre cuite émaillé, un « hallab », d'un litre et demi environ, qu'on garde de côté spécialement pour le Ramadan. Il ne sert pratiquement pas à autre chose durant l'année. Les personnes d'un certain âge consomment du « bride » à longueur d'été : « rafraîchissant et nourrissant ». Incontournable pour la rupture du jeûne. Tout bon gabésien s'y plie avec bonheur et plaisir. Un bon verre chacun, avec ou sans dattes à suivre.
L'habitude persiste malgré l'avènement généralisé des sodas pétillants et bien colorés, des jus dits de fruits, plutôt des arômes de synthèse et de l'eau sucrée. Cette habitude est même contagieuse, puisque des non gabésiens, ayant goûté à la chose, ont adopté le breuvage spécial ramadanesque. Excellent pour le transit, semble-t-il.

Citronnade et boule de glace
A Sfax, et cela commence à faire contagion, la rupture du jeûne est assez particulière chez certaines familles : on se contente d'un pack soupe-brik-salade et puis on vaque à ses affaires. Vite en ville, pour les jeunes adultes, parce qu'il faut retenir une table, rejoindre le groupe habituel pour un rami interminable, avec souvent des mises sous tables, mais connues de tous. Ouvrir rapidement la boutique, pour certains commerçants, de toutes façons on ne rate pas les séries de feuilletons, parce qu'il y a maintenant, et partout, un récepteur de télé dans chaque échoppe. Pour les autres c'est télé puis visites familiales très courues, voulues et souhaitées à Sfax. On organise la confection commune de gâteaux de l'Aïd, habitude qui s'est répandue sur l'ensemble du territoire.
Puis vraiment plus tard, à partir de minuit ou une heure du matin, retrouvailles autour de la table familiale et là c'est du sérieux, on passe directement au couscous, macaroni, au ragoût, au rôti, poulet ou autre. Un vrai souper. C'est le plat principal qui est consommé à ce moment, alors que d'autres l'avalent juste après la soupe, les briks et le reste.
Dans certains cafés, vous pouvez commander un gigantesque verre de citronnade avec une boule glace, fraise-vanille, généralement, ce sont les parfums les plus demandés, entre deux parties de cartes. Il faut vraiment y goûter. Un record de consommation de sucre par personne quand on voit ce que les gens engloutissent en soirée, autour d'une table ou à déambuler : mille feuille, halkoum, pâte de sésame (chamiya). On mastique en permanence.

« Jèq ya bil »
Jeu assez viril des jeunes ados d'Oudref pendant les nuits de Ramadan. Ni électricité ni télé donc à cette époque. Les retrouvailles en groupe, par affinités parentales ou de quartier, pour une sorte de guerre de clans. Le jeu consiste à ce que les membres d'un groupe « A » se cachent, dans les ruelles étroites, en grimpant sur les palmiers ou les arbres de l'oasis. Les autres, ceux du groupe « B », doivent les retrouver et faire le plus de « prisonniers ». Des cavalcades, des cris stridents, des appels, le tout au pas de course. Un seul membre du premier groupe accompagne le second et lance parfois un cri, « Jèq ya bil », pour avertir ses amis qu'on se rapproche d'eux ou pour tromper l'adversaire et le guider vers de fausses pistes. A gagné celui qui fait le plus possible de prisonniers du clan adverse. Un peu le cache-cache urbain, joué par les enfants dans les appartements ou dans les jardins.
Le lendemain, aucune trace de l'agressivité et des courses poursuites de la nuit. Tout reprend son cours normal, en attendant de se retrouver dans les ruelles obscures après la rupture du jeûne du jour suivant. Et ainsi de suite chaque nuit.
Un remake à petite échelle de guerres de tribus, avec razzia, d'où le cri de ralliement, le même qui sert à tous, « jêq ya bil », comme une alerte pour annoncer une attaque dont le but est de rafler le plus de dromadaires possibles ( El bil), et permettre une retraite rapide pour éviter l'ennemi. Aujourd'hui, on se vautre devant le petit écran ou on court vite taper le carton.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.