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RAMADAN : Des rituels vivaces, d'autres envolés - L'impérialisme de l'image
REPORTAGE
Publié dans Le Temps le 15 - 09 - 2008

L'accès direct à l'information, télévisuelle ou radiophonique, a bouleversé certaines habitudes alimentaires qui avaient cours durant le mois de Ramadan. Pratiquement toutes les chaînes du monde proposent au moins une émission hebdomadaire de gastronomie, quand ce n'est pas quotidien,
et quand ce n'est pas une chaîne qui ne fait que cela comme les chaînes spécialisées en sport ou en informations générales. Du coup, il y a uniformisation des recettes, avec des variantes locales tenant compte des interdits alimentaires. Résultat, certaines habitudes alimentaires sont englouties, remplacées par les recettes dites modernes. Des jeux particuliers, entre ados des villages de campagne, vivaient le temps d'un Ramadan. Et là aussi, l'impérialisme de l'image, à coup de feuilletons et de transmissions de compétitions sportives, ne laisse plus aucune place à l'échange, au jeu simple.
A vrai dire c'était une habitude alimentaire relativement généralisée à Gabès, il y a quelque temps encore, avant l'introduction massive du café crème, tartine beurrée, croissant et autres sucreries matinales. Ceux qui mangeaient « salé », achetaient de bon matin, au marché, une portion de pois chiches, non pas du lablabi, c'est autre chose. Le vendeur est là très tôt : assis sur le bord du trottoir, ou sur une minuscule chaise pliante, il a entre les jambes un couffin aux anses épaisses, un lourd couscoussier vert, en poterie émaillée, qui peut retenir très longtemps la chaleur, du sel et du cumin. Le petit coup de main habile pour transformer une feuille de cahier en un magnifique cornet. Deux mesurettes de pois chiches, une giclée de sel-cummin. La technique de la cuisson est simple : laisser tremper 24 heures les légumes secs, puis les cuire à la vapeur jusqu'à ce que le fait de les pincer à peine entre le pouce et l'index, les transforme en une sorte de pâte. Cela ne se mange et ne s'apprécie qu'ainsi. Certains utilisent des adjuvants chimiques, carbonate de soude ou autre pour accélérer la cuisson et donner ce moelleux artificiel. Mais très vite la réputation se fait et les rares qui cuisent « nature » sont connus et vendent leur produit rapidement.
Beaucoup en consomment rituellement aussi à la rupture du jeûne, comme pour retrouver le goût du petit déj, avec un peu de harissa maison, de l'huile d'olive, des salaisons selon l'envie, parfois de l'oignon très finement haché et quelques brindilles de persil. Depuis quelques années ce rituel a été adopté par le village voisin d'Oudref. Il faut dire qu'ici, on y adjoint de la coriandre verte, écrasée. Un délice du palais. Une adresse connue, et il faut y aller tôt, sinon c'est déjà envolé : chez Mongi et Mounsa

« El barkoukech »
Toujours à Oudref, le « barkoukech » est une variante originale du couscous. C'était souvent le « shour ». Cette appellation se retrouve dans d'autres régions et qualifie d'autres plats. Un couscous à très grosses graines, garni de viande boucanée, de poulpe séché, d'œufs durs, de légumes secs, et souvent relativement relevé. Fini pour le « shour», les estomacs ont changé de nature et la publicité a imposé ses produits. Il persiste aujourd'hui sous une forme plus sophistiquée : durant le mariage, le soir de la « hénna », la famille de la mariée envoie, en fin de soirée, un énorme plat de « barkoukech » au marié. Tout le jeu consiste à « enlever » le plat en cours de route, comme si on enlevait la jeune femme en fait. Il faut donc user de stratagèmes et envoyer des gardes du corps, pour ramener le « barkoukech » à bon port, et éviter le déshonneur. Personne n'en consomme aujourd'hui au « shour ».

« El bride »
« El bride » est une boisson composée de bsissa diluée dans de l'eau, ou de la sève de palmier (legmi), lorsque la saison s'y prête, qu'on met à fermenter au soleil dans un broc en terre cuite émaillé, un « hallab », d'un litre et demi environ, qu'on garde de côté spécialement pour le Ramadan. Il ne sert pratiquement pas à autre chose durant l'année. Les personnes d'un certain âge consomment du « bride » à longueur d'été : « rafraîchissant et nourrissant ». Incontournable pour la rupture du jeûne. Tout bon gabésien s'y plie avec bonheur et plaisir. Un bon verre chacun, avec ou sans dattes à suivre.
L'habitude persiste malgré l'avènement généralisé des sodas pétillants et bien colorés, des jus dits de fruits, plutôt des arômes de synthèse et de l'eau sucrée. Cette habitude est même contagieuse, puisque des non gabésiens, ayant goûté à la chose, ont adopté le breuvage spécial ramadanesque. Excellent pour le transit, semble-t-il.

Citronnade et boule de glace
A Sfax, et cela commence à faire contagion, la rupture du jeûne est assez particulière chez certaines familles : on se contente d'un pack soupe-brik-salade et puis on vaque à ses affaires. Vite en ville, pour les jeunes adultes, parce qu'il faut retenir une table, rejoindre le groupe habituel pour un rami interminable, avec souvent des mises sous tables, mais connues de tous. Ouvrir rapidement la boutique, pour certains commerçants, de toutes façons on ne rate pas les séries de feuilletons, parce qu'il y a maintenant, et partout, un récepteur de télé dans chaque échoppe. Pour les autres c'est télé puis visites familiales très courues, voulues et souhaitées à Sfax. On organise la confection commune de gâteaux de l'Aïd, habitude qui s'est répandue sur l'ensemble du territoire.
Puis vraiment plus tard, à partir de minuit ou une heure du matin, retrouvailles autour de la table familiale et là c'est du sérieux, on passe directement au couscous, macaroni, au ragoût, au rôti, poulet ou autre. Un vrai souper. C'est le plat principal qui est consommé à ce moment, alors que d'autres l'avalent juste après la soupe, les briks et le reste.
Dans certains cafés, vous pouvez commander un gigantesque verre de citronnade avec une boule glace, fraise-vanille, généralement, ce sont les parfums les plus demandés, entre deux parties de cartes. Il faut vraiment y goûter. Un record de consommation de sucre par personne quand on voit ce que les gens engloutissent en soirée, autour d'une table ou à déambuler : mille feuille, halkoum, pâte de sésame (chamiya). On mastique en permanence.

« Jèq ya bil »
Jeu assez viril des jeunes ados d'Oudref pendant les nuits de Ramadan. Ni électricité ni télé donc à cette époque. Les retrouvailles en groupe, par affinités parentales ou de quartier, pour une sorte de guerre de clans. Le jeu consiste à ce que les membres d'un groupe « A » se cachent, dans les ruelles étroites, en grimpant sur les palmiers ou les arbres de l'oasis. Les autres, ceux du groupe « B », doivent les retrouver et faire le plus de « prisonniers ». Des cavalcades, des cris stridents, des appels, le tout au pas de course. Un seul membre du premier groupe accompagne le second et lance parfois un cri, « Jèq ya bil », pour avertir ses amis qu'on se rapproche d'eux ou pour tromper l'adversaire et le guider vers de fausses pistes. A gagné celui qui fait le plus possible de prisonniers du clan adverse. Un peu le cache-cache urbain, joué par les enfants dans les appartements ou dans les jardins.
Le lendemain, aucune trace de l'agressivité et des courses poursuites de la nuit. Tout reprend son cours normal, en attendant de se retrouver dans les ruelles obscures après la rupture du jeûne du jour suivant. Et ainsi de suite chaque nuit.
Un remake à petite échelle de guerres de tribus, avec razzia, d'où le cri de ralliement, le même qui sert à tous, « jêq ya bil », comme une alerte pour annoncer une attaque dont le but est de rafler le plus de dromadaires possibles ( El bil), et permettre une retraite rapide pour éviter l'ennemi. Aujourd'hui, on se vautre devant le petit écran ou on court vite taper le carton.


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