Le Temps-Agences - L'accord sur le statut des forces américaines en Irak que Washington espère voir approuvé dans les prochains jours à Bagdad, reflète les modestes succès d'une guerre hautement impopulaire. Plus de cinq ans après le début d'un conflit supposé transformer le Proche-Orient en y imposant la démocratie, les Etats-Unis ont perdu plus de 4.000 hommes, dépensé des milliards de dollars et échoué à trouver des armes de destruction massive. Certes, le président irakien Saddam Hussein, honni des Etats-Unis, a été renversé et exécuté, mais le résultat est loin des espérances de mars 2003. "Nous nous sommes épuisés, nous avons donné plus de pouvoir à l'Iran et nous avons déstabilisé la région", jugeait Jessica Matthews, présidente du Carnegie Endowment for International Peace, à l'occasion du cinquième anniversaire de la guerre en Irak. "Penser que l'invasion de l'Irak produirait d'un jour à l'autre un Irak stable et démocratique, qui à son tour provoquerait un tsunami de démocraties dans la région, était une illusion folle", ajoutait Mme Mathews. Au crépuscule de son mandat, le président américain George W. Bush aura dû accepter un retrait sans condition des quelque 150.000 soldats américains répartis sur plus de 400 bases en Irak, en 2011, huit ans après l'invasion. Le 1er mai 2003, six semaines après le lancement de l'intervention américano-britannique, M. Bush annonçait la fin des combats majeurs en Irak sous la bannière "Mission accomplie". Mais ce n'est qu'à l'automne 2007, grâce à un plan reposant sur une augmentation des troupes et une plus grande implication des responsables provinciaux irakiens et des milices sunnites reconverties contre Al-Qaïda, que l'armée américaine a réussi à rétablir un ordre fragile. Entre temps, l'image des Etats-Unis aura été gravement ternie par le scandale de la prison d'Abou Ghraib, par l'usage reconnu de la torture et par le camp de détention de Guantanamo, à Cuba, où des prisonniers soupçonnés de terrorisme sont détenus sans inculpation depuis des années. Sur le terrain, la population continue à manquer des services publics de base dans la majeure partie du pays, la situation économique reste fragile, des millions d'Irakiens ont choisi l'exil et le gouvernement du Premier ministre Nouri Maliki est perçu comme faible et divisé, ne survivant que grâce au soutien des Etats-Unis. Ce qui n'a pas empêché le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack, de se féliciter lundi des progrès accomplis. "Si cet accord est approuvé (...), ce sera un accord entre les Etats-Unis et un Irak démocratique, un Irak démocratique qui est au coeur du Proche-Orient", a-t-il déclaré. "Cela va changer le Proche-Orient en mieux pour toujours". Dans une récente livraison du magazine Foreign Affairs, trois experts du Council of Foreign Relations, Stephen Biddle, Michael O'Hanlon et Kenneth Pollack restaient plus prudents. "Les progrès vers la réconciliation restent lents, les divisions politiques et religieuses restent profondes et il n'y a pas de nouveau mouvement politique capable de les réduire", soulignaient-ils. Favorables à un maintien de troupes américaines en Irak jusqu'à une réconciliation suffisante entre Irakiens, les trois experts évoquent même le "risque d'un coup d'Etat" en cas de retrait américain précipité d'Irak.