Depuis qu'il a son deuxième téléphone portable, Hammadi ne sait plus où donner de la tête. Déjà, quand il n'en avait qu'un seul, il y était accroché à longueur de journée. Au bureau où il a un téléphone fixe, il ne manque pas, d'utiliser son portable pour les appels privés et il n'en manque pas. Aussi, n'y va-t-il pas avec le dos de la cuillère. Il appelle à un rythme d'une fois par minute. Cela pourrait être plus accentué, mais disons que, c'est une moyenne. Il faut considérer le temps qu'il passe en communication. Là tout dépend de l'importance de celle-ci ainsi que de celle de son interlocuteur. En fait, la relativité d'Einstein se justifie en l'occurrence : s'il s'agit de l'une de ses amies ou plutôt ses « admiratrices » il ne se rend pas compte du temps passé à discuter avec elle ; au bout de dix minutes il a l'impression qu'il n'en a passé qu'une. Mais, s'il s'agit d'un « indésirable » qu'il veut expédier au plus vite, au bout d'une minute, il lui semble qu'il a passé une heure ! Si le téléphone fixe de son bureau sonne entre-temps, il essaie d'être le plus concis possible. « Allo, oui bonjour ; je vous ai reconnu. Excusez-moi, je suis en réunion ; je vous rappellerai plus tard ! ». Puis, il s'empresse de décrocher le portable qui venait de sonner et où il a vu s'afficher « Ahlem ». « Allo, « Aâzizti », que ta journée sois ensoleillée et que ta matinée soit parfumée par le nectar du jasmin et ornée par les plus belles roses... tu es où, qu'est ce que tu deviens, que fais-tu, aurais-je enfin la chance de te voir tout à l'heure... raccroche, je vais te rappeler tout de suite ». Voilà déjà plus d'une minute d'écoulée. Sur le point de rappeler son amie, le téléphone fixe sonne ; il décroche l'appareil puis le raccroche tout de suite. Il rappelle « Ahlem » et s'engage avec elle dans une discussion pour l'inciter à venir au rendez-vous de tout à l'heure, au restaurant où il se rend quotidiennement pour se retrouver avec ses amis. Quant à celui qui est au bout du fil au téléphone fixe, il finit par lâcher prise. Puis, il lui vient à l'idée de l'appeler sur son portable, mais celui-ci sonne constamment occupé. Conclusion, il n'arrive pas à rejoindre Hammadi et remets ses appels à plus tard. Puis il décide de se déplacer au bureau pour le voir et lui parler de vive voix. Il y va l'après-midi et Hammadi n'était pas encore arrivé à son bureau. Il fait dire à la secrétaire de l'appeler parce que c'était vraiment urgent. Il s'agit d'un document que Hammadi devait signer dans le cadre de son travail. Bref, il peut le faire en dernière minute, in- extrémis, car il y avait aussi une question de délai en jeu. Hammadi, s'est rendu compte qu'il a failli rater une affaire importante. Il réfléchit à la cause, pour pouvoir y remédier et éviter à l'avenir une éventuelle catastrophe. ... « C'est le portable ! il faut absolument en avoir un deuxième. D'ailleurs, tous les hommes d'affaires importants en ont deux. Comme ça, on rate plus aucune communication ». Et aussitôt dit, aussitôt fait, il s'en procure un deuxième. Plus esthétique et plus performant : en couleur, avec caméra et tout le toutim ! Au restaurant, il place les deux appareils sur la table et commence à discuter avec ses amis. L'un d'eux sonne... il décroche et c'est « Aâzizti », qui est au bout du fil, il se lève pour discuter avec elle un peu plus loin. Entre-temps, l'autre téléphone sonne, il revient pour le décrocher et il se retrouve avec deux téléphones accrochés chacun à une oreille. Il reprend par syllabes ou mono syllabes en style télégraphique et il se trompe d'interlocuteur et lance au fournisseur étonné, qui lui réclamait le payement d'un bon de commande : « Ne t'inquiète pas Aâzizti, je serai tout à fait à l'heure ! ».