En Europe des actions ont été entreprises pour que l'environnement de 'industrie du cuir s'améliore. Consciente de cet enjeu, la Tunisie a fait un diagnostic de la situation environnementale. Comme le précisait M.Malek Khélil Directeur Général de CNCC « cette action est comprise dans le cadre du Projet Européen LIFE EAUCUIR : « Démonstration du traitement des eaux résiduaires dans les tanneries tunisiennes ». C'est la première du genre à être approuvée par l'Union européenne pour un centre technique tunisien. L'objectif du projet est de promouvoir et d'améliorer les techniques du traitement des eaux résiduaires des industries du cuir. Les tanneries participeront ainsi au développement durable du pays. Ce noble objectif nécessite, la mise en marche d'un laboratoire environnemental au sein du CNCC avec des équipements modernes pour analyser les eaux résiduaires, la formation de techniciens qualifiés pour assister les entreprises du secteur et l'acquisition de deux stations pilotes mobiles. Qu'en est -il du diagnostic réalisé ? Le diagnostic a été réalisé grâce à la collaboration de 17 tanneries, soit 85% des tanneries du pays.
Pas de séparation du stockage des déchets C'est un secteur très ancien puisque 12% des entreprises touchées par l'enquête ont plus de quarante cinq ans d'âge. Sur les 440 entreprises des secteurs du cuir et de la chaussure, 225 sont totalement exportatrices. C'est dire l'importance de se conformer aux normes environnementales pour sauvegarder nos parts de marché en Europe qui est la principale destination des exportations du secteur. L'Italie est le premier client avec 40% du volume des exportations. La France vient en seconde position avec 38% suivie de l'Allemagne avec 10%. Les dimensions des tanneries enquêtées varient entre 4 et 430 ouvriers. Les principales conclusions de l'enquête révèlent qu'en général « les tanneries n'ont pas une bonne connaissance de la législation environnementale ni des obligations rattachées à son application ». La gestion des déchets est considérée comme défaillante puisque seuls 25% des tanneries font la séparation par catégories, déchets dangereux et non dangereux. Seuls 13% ont des aires séparés pour le stockage. « 59% des tanneries enquêtées déclarent avoir un entrepôt disponible pour le stockage des produits chimiques, séparés physiquement de la zone de travail. Néanmoins, uniquement dans 20% des cas, il y a signalisation appropriée. Dans les 41% restants, les produits chimiques sont stockés dans la zone de production ».
Sans autorisation de rejet d'eaux usées Pis encore, « la plupart des tanneries méconnaissent les limites établies pour leurs émissions atmosphériques ». Seules 30% appliquent des mesures d'économie d'énergie. 59% des tanneries affirment « ne pas avoir de licence d'autorisation pour le rejet d'eaux usées ». D'ailleurs, l'écrasante majorité des tanneries ignorent leur débit de rejet d'eaux usées. Les experts considèrent que « les effluents générés par les tanneries pour la postérieure épuration présentent une haute teneur en polluants. Ceci met en évidence que le processus de fabrication n'est pas bien optimisé concernant les aspects environnementaux. ». S'il est vrai que 76% des tanneries affirment avoir un système d'épuration des eaux résiduaires, il est aussi vrai que lors de la visite de CNCC aux dix tanneries choisies, seules deux étaient en fonctionnement. L'homogénéisation des effluents n'est pas correcte.
Non-conformité aux limites légales « Dans 60% des tanneries, les eaux d'origine sanitaire ne sont pas épurées et sont rejetées dans les égouts ou directement dans des canalisations publiques. Dans le cas des tanneries qui font l'épuration de ces eaux, elles sont épurées avec le reste des eaux générées pendant le processus de production ». Plus grave encore, « aucune tannerie participante déversant les rejets aux égouts n'est conforme aux limites légales de rejet établies à ce but ». Il en est de même pour les tanneries déversant les rejets dans le domaine public. Toutes les tanneries ont reçu des inspections pour le contrôle des rejets des eaux résiduaires. 82% ont écopé d'amendes. 59% des sanctions sont le fait de l'Agence Nationale de Protection de l'Environnement ( ANPE ). Par contre , précise - t - on « uniquement 18% des tanneries ont reçu des plaintes de la part des voisins. » Les voisins se plaignent des mauvaises odeurs et du bruit. Dans 65% des tanneries un responsable environnement existe. Dans 66% des cas, il a reçu une formation universitaire. Seules 12% des tanneries ont un plan d'urgence environnemental. Un exposé de l'expérience espagnole dans ce domaine a été fait par M.Joaquin Ferrer Palacios. Il a reconnu que la situation actuelle en Tunisie rappelle celle du début des années 90 en Espagne. Les tanneurs, à l'époque n'étaient pas très sensibles aux soucis environnementaux. Il a fallu la pression fiscale pour qu'ils réagissent favorablement. C'était la période où l'entrée de son pays à l'Union européenne imposait une réglementation environnementale draconienne. Hassine BOUAZRA
Sons de cloche Mme Noura Laâroussi ( Directrice Générale des Stratégies Industrielles au ministère de l'Industrie, de l'Energie et des Petites et Moyennes Entreprises) : « La production la plus propre est un outil de compétitivité »
« L'Etat ne cesse d'inciter le privé à la recherche développement. Plusieurs ministères accordent une bonne place à la recherche. Le ministère de l'Industrie de l'Energie et des Petites et Moyennes Entreprises est représenté dans les différentes commissions de la recherche. Par le biais des Centres techniques, il participe activement à la recherche. Les projets visant le partenariat entre chercheurs et opérateurs sont à encourager. Une alliance « public - privé » a été scellée pour atteindre des objectifs communs et agir pour un développement durable. Le CNCC peut jouer un rôle dans la réussite de cette alliance. La tannerie doit inclure des critères d'éco - efficacité. Ce qui est de nature non seulement à améliorer l'efficacité de l'entreprise, mais aussi son image de marque. La production la plus propre est un outil de compétitivité »
Malek Khélil ( directeur général du CNCC ) : « Le CNCC prêt à mettre son expérience à la disposition des pays voisins »
« Les résultats de l'étude seront diffusés dans les pays voisins. L'action du CNCC s'inscrit en droite ligne dans la politique de protection de l'environnement. La Tunisie a investi dans la recherche. Les dépenses dans la recherche représentent 1,25% du PIB. Le CNCC a focalisé son attention sur les conditions de traitement des eaux dans les tanneries. Le développement d'une technique adaptée au secteur du cuir et chaussure est un autre segment de recherche. Le CNCC a capitalisé une riche expérience en matière recherche. Il est prêt à mettre son expérience à la disposition de pays voisins. L'intérêt est grand pour la préservation de l'environnement. Les tanneurs auront à exploiter les techniques de protection de l'environnement dans la nouvelle cité du cuir à El Fejja ».