L'" Unification du calendrier de l'Hégire " est le thème d'un colloque scientifique organisé, hier par le Ministère des Affaires Religieuses tunisien en collaboration avec le Secrétariat Général de l'Organisation de la Conférence Islamique. Le thème a déjà fait l'objet de plusieurs débats sans résultats concluants jusqu'ici. Avec le progrès sans précédent que connaissent aujourd'hui les sciences et les technologies, laisser irrésolue cette question semble être une grande aberration.
Le calendrier commun: une pomme de discorde ? La pratique du culte est conçue dans la religion musulmane pour être un facteur de cohésion entre les individus. Or, voici que par un paradoxe qui fait sourire plus d'un au-delà des frontières musulmanes, ce culte est en lui-même objet de controverses et de divisions. A chaque Ramadan, et allant à l'encontre des préceptes religieux prônant la solidarité, le monde arabo-musulman rappelle la légendaire discorde qui déchire ses flancs et confirme l'adage selon lequel " les Arabes se seraient accordés à ne jamais s'accorder ". C'est que l'organisation de ce culte supposé homogénéiser le rite religieux dans tous les pays musulmans n'obéit pas elle-même à des règles homogènes, unanimement adoptées dans ces pays. En effet, cette organisation, à commencer par les horaires de la prière jusqu'aux jours de fêtes religieuses en passant par la délimitation des mois saints, se fait sur la base du calendrier musulman ou hégirien. Lequel calendrier est lunaire, puisque c'est l'observation du croissant lunaire qui est depuis toujours le critère sur lequel la plupart des Musulmans se fondent pour décréter le début et la fin des douze mois de l'année et surtout le début et la fin du mois de Ramadan et du jour de Aïd al Fitr. Or, il est évident que l'observation au même moment d'un croissant lunaire identique dans l'ensemble des pays de la communauté musulmane est parfaitement impossible pour des raisons de différences géographiques et climatiques évidentes. Au-delà de ces différences, unifier le calendrier hégirien en généralisant un usage complémentaire de l'observation du croissant et de la précision du calcul scientifique apparaît donc comme une urgence d'autant que le refus du calcul n'a jamais fait l'objet d'un refus unanime auprès des musulmans, comme l'a dit M. Boubakker El Akhzouri, ministre des affaires religieuses. La Tunisie recourt d'ailleurs à cette méthode qui permet de concilier les affaires religieuses et les affaires de la vie courante mais très peu de pays en semblent convaincus.
…ou affaire de consensus politique ? Le Professeur Akmal Addine Ihsane Oughli, Secrétaire Général de l'Organisation de la Conférence Islamique a souligné l'idée d'un besoin urgent de définir ce qu'on appelle couramment " la géographie islamique ", d'autant que l'étendue des communautés musulmanes a dépassé et de loin les frontières géographiques. Trouver le moyen d'établir un consensus qui ne se limite pas à ces frontières apparaît de ce fait comme incontournable avec tous les moyens techniques dont on dispose au 21ème siècle. Le Professeur Oughli a également souligné que nulle contradiction n'existe à ce niveau entre la religion et la science, surtout que l'Islam a toujours encouragé le progrès scientifique et l'usage de la science pour une pratique éclairée de la religion dans la vie courante et religieuse à la fois. La question du consensus est selon lui tributaire d'un accord politique qui trancherait la question et qui proposerait aux Musulmans un rite religieux généralisé et homogène qui ne soit pas objet de discorde à son tour. Or, l'on sait fort bien que, même pour des affaires beaucoup moins sacrées, s'accorder sur un consensus a pu s'avérer un projet beaucoup trop ambitieux pour la communauté musulmane... Ce projet aurait-il de meilleures chances de voir le jour ? Sana MAHJOUB ----------------------------------------- Le calendrier commun : une question d'évidence scientifique Selon le Professeur Mohamed Al Awsat Al Ayari, savant tunisien, enseignant, chercheur, conseiller auprès de l'Agence spatiale américaine (Nasa), dans l'Etat du Colorado, aux Etats Unis d'Amérique et inventeur d'un système de mesure : " Al Chahed " qui permettrait selon lui de trancher définitivement la question du croissant lunaire en offrant la possibilité de fixer un calendrier hégirien exact et commun à tous les Musulman. La réussite de ce projet ne tient pas selon lui à une bénédiction miraculeuse mais plutôt à se rendre à une évidence purement scientifique. " Nous somme venus avec un projet pratique ficelé avec précision et exactitude et non pas seulement avec des analyses et des discours. Nous sommes également ouverts à toute proposition de modifier notre système et de l'améliorer.", affirme-t-il. Pour Dr. Ayari, ce qui est à observer n'est pas un croissant totalement ou partiellement dessiné sur l'infini céleste mais une réflexion bien calculée de la lumière solaire sur l'astre lunaire, ce qui ne laisse pas l'ombre d'un doute quant à la naissance et à l'âge du croissant requis au minimum pour décréter le début de chaque mois et des jours de fêtes religieuses. Il semblerait cette fois que le projet, étayé par une véritable solution pratique et scientifique, a de meilleures chances d'aboutir, pourvu seulement que les décisions politiques à suivent dans tous les pays musulmans.