Le Temps-Agences - Les deux candidats qui vont s'affronter fin août au Japon pour le poste de Premier ministre, poursuivent en fait une bataille politique entre leurs deux familles commencée dans les années 50 lorsque leur grand-père a dirigé le gouvernement. L'affrontement entre ces deux "aristocrates" de la politique, le Premier ministre actuel Taro Aso et son rival Yukio Hatoyama, met en lumière la tradition des clans riches et puissants qui ont dominé la vie politique japonaise depuis la fin de la guerre. Environ un tiers des élus du Parlement sont des "héritiers" qui ont reçu d'un membre de leur famille, généralement leur père, une circonscription et un système déjà rodé de collecte de fonds. Dans beaucoup d'endroits, cette tradition, inspirée du mode clanique de transmission du pouvoir à l'époque féodale, réduit les chances des candidats "roturiers". Katsuhito Yokokume, 27 ans, qui se présente aux élections législatives du 30 août sous les couleurs du principal parti d'opposition, le Parti Démocrate du Japon (PDJ), en est bien conscient. Fils d'un chauffeur routier, cet avocat fait campagne dans le port de Yokosuka, au sud de Tokyo, fief des conservateurs du Parti Libéral Démocrate (PLD) du Premier ministre Aso. Mais même avec le soutien du PDJ, donné favori dans les sondages, Yokokume reconnaît qu'il livre une bataille très difficile car il aura face à lui Shinjiro Koizumi, fils du très populaire et charismatique ancien Premier ministre Junichiro Koizumi, qui a dirigé le Japon de 2001 à 2006. "Avant même de discuter de mon programme politique, je dois m'assurer que les électeurs se souviendront de mon visage et de mon nom dans ce fief de la dynastie Koizumi", confie Yokukume, diplômé d'une grande université de Tokyo grâce à une bourse. "Je me suis proposé comme candidat dans cette circonscription car ce que M. Koizumi a fait est exactement à l'opposé de ce que je veux faire en tant que politicien... Je veux que la politique soit le reflet des opinions des gens ordinaires", ajoute-t-il. S'il est élu, Shinjiro Koizumi, 28 ans, sera le représentant de la quatrième génération de la famille à diriger ce district, ce qui fait dire à un élu local que "la dynastie Koizumi a une histoire encore plus longue que celle de Kim Il-Sung en Corée du Nord". Le public voit désormais d'un mauvais oeil cette tradition, surtout depuis deux récents Premier ministres du PLD -- Shinzo Abe et Yasuo Fukuda, respectivement petit-fils et fils d'anciens chefs de gouvernements -- ont démissionné après seulement un an de pouvoir. "Après ces démissions, l'opinion publique a l'impression que les politiciens de deuxième et troisième génération manquaient de caractère", estime Tomoaki Iwai, professeur de sciences politiques à l'Université Nihon de Tokyo. Beaucoup de membres, anciens ou actuels, du gouvernement viennent de familles politiques établies depuis plusieurs générations, mais les représentants emblématiques de cette aristocratie sont MM. Aso, 68 ans, et Hatoyama, 62 ans. En 1955, le grand-père de l'actuel chef de l'opposition, Ichiro Hatoyama, avait été nommé au poste de Premier ministre par le PLD nouvellement créé, qui avait contraint à la démission le grand-père de M. Aso, Shigeru Yoshida, issu d'un parti ancêtre du PLD. M. Hatoyama se défend toutefois d'être un "héritier" car il s'est fait élire dans une circonscription de l'île septentrionale de Hokkaido, où sa famille certes possédait des propriétés, mais où aucun de ses parents n'avait été élu. Le PDJ a promis, en cas de victoire aux élections, de mettre un terme à cette tradition.