Le Temps-Agences - A l'hôpital d'Akobo dans le Sud-Soudan, Namach, une fillette de 12 ans, montre ses blessures et se souvient avec terreur de l'attaque de son campement, le 2 août, par une milice qui a massacré, selon des responsables soudanais, au moins 185 personnes. "Ils m'ont blessée par balle à la jambe alors que je courais vers la rivière", dit doucement Namach l'une des rares à avoir survécu. "Puis ils m'ont frappée au dos avec une lance et sont partis, me croyant morte", ajoute-t-elle en montrant une profonde entaille au bras. Peu avant l'aube, des hommes armés ont encerclé le campement près d'Akobo, dans l'Etat de Jonglei, dans le Sud-Soudan, ouvrant le feu sur des dizaines de femmes et d'enfants avant de poursuivre le massacre à la lance. Les villageois, qui appartiennent à l'ethnie des Lou Nuer, avaient fui des heurts avec le groupe rival des Murele en avril, mais s'étaient vus obligés de revenir pour se nourrir. Une unité de soldats sudistes avait été chargée de leur sécurité, mais 11 d'entre eux avaient été tués et plusieurs blessés. "Nous pensions que les soldats pourraient nous protéger, mais ils les ont tués aussi", soupire Nyakong Gatwech, une jeune femme enceinte de 20 ans qui a été blessée. Mais "que pouvions-nous faire? La nourriture que nous a donnée l'ONU ne suffit pas à toute la famille". Ces violences sont parmi les pires à avoir éclaté depuis la fin d'une guerre civile de plus de vingt ans entre le Nord et le Sud du Soudan en 2005. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon les a qualifiées d'"abominables", et le Programme alimentaire mondial (PAM) a averti qu'une escalade entraverait les efforts en vue de livrer l'aide. "C'était clairement un massacre. Les femmes et les enfants flottaient sur l'eau et avaient été tués à bout portant", a affirmé le préfet de police d'Akobo, Goi Jooyul estimant que "le conflit tribal a pris une nouvelle dimension". Les heurts entre groupes ethniques rivaux sont courants dans le Sud, en général provoqués par des querelles sur le bétail, les pâturages, l'eau ou la terre. Mais une série d'attaques sanglantes et de contre-attaques, souvent bien organisées et visant des femmes et des enfants, font craindre une guerre civile au sein même du Sud-Soudan. Plus de 1.000 personnes sont mortes et plusieurs milliers ont été contraintes de fuir après les violences de ces derniers mois. Des responsables de l'ONU ont affirmé que le taux de décès violents au Sud-Soudan dépassait maintenant celui du Darfour, dans l'ouest du pays, en proie à la guerre civile depuis 2003. La région est inondée d'armes automatiques après des années de guerre civile. Certains mettent en cause les efforts de désarmement, fermes mais inégaux, du gouvernement sudiste, qui ont laissé les communautés acceptant de rendre leurs armes sous la menace de celles qui ont refusé. Mais d'autres rejettent la responsabilité sur l'ancien ennemi nordiste, accusant Khartoum de soutenir les milices pour déstabiliser une région riche en pétrole avant un référendum sur l'indépendance du Sud en 2011.