Après avoir évoqué les boutiques de fruits et légumes qui se prennent pour des pharmaciens, je voudrais vous parler aujourd'hui des grandes surfaces qui se sont mises à concurrencer nos marchés en proposant à leurs clients des rayons fruits et légumes. La particularité de ces rayons c'est la grande qualité de leur présentation, avec des cageots sagement alignés, souvent décorés avec de la verdure et accessibles aux clients. Or c'est là l'un des principaux problèmes des grandes surfaces... En effet, les clients ont la possibilité et même le droit de toucher les fruits, d'en apprécier la fraîcheur, de choisir les plus juteux, les plus frais, délaissant les malformés, les pourris, les trop petits... Pour les prix, tous les fruits sont à plus de 2D500, avec des pointes à 4 Dinars pour les dattes et les pêches plates. Les pommes, les poires et les figues vont de 2D500 à 3D500 le kilo et même les raisins flirtent avec les 2D700. Quant aux bananes, elles ne bougent pas de leur piédestal de 2D300, ce qui est ici le prix le plus bas. Même chose pour les légumes : 750 Millimes pour une salade, contre 500 seulement dans les marchés. Une liberté de choix qui se paye cher, très cher même ! Dans ces espaces, les prix sont supérieurs de 20 à 40% en moyenne par rapport aux marchés classiques. Mais cela ne semble pas déranger cette dame qui affirme : " je préfère venir ici, payer plus cher et choisir moi-même ce que je veux consommer en qualité et en quantité. Car si je demande à mon marchand habituel de me peser trois pommes et deux quatre pêches, par exemple, il va m'en mettre dix dont la moitié sera pourrie. " Elle n'est d'ailleurs pas la seule à trouver des avantages à cette manière de vendre. Un monsieur d'un âge certain nous a confié avoir été agressé par un marchand de fruits, à qui il a reproché de lui mettre des poires de mauvaise qualité. " Depuis, je viens ici, je paye plus cher et je fais ce que je veux. Ici je suis le roi, alors qu'avec ce marchand-là j'étais esclave. " Le responsable de ce rayon nous explique sa vision des choses : " nous avons misé depuis l'introduction de ce type de marchandise sur la liberté de choix de nos clients. Certes il y a beaucoup de déchets et il nous arrive de jeter les restes de fruits invendus. Mais globalement, nous y trouvons notre compte et nos clients sont très satisfaits de nos services. " Un discours trop réaliste, cynique même, car ces prix élevés sont loin de portée de la clientèle aux revenus modestes. Cela risque de donner une consommation à deux niveaux et de créer des frustrations, beaucoup de gêne et d'embarras...